Denis Dambré

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Billet de blog 28 mai 2008

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Comment je suis devenu français

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La journaliste et écrivain, Jacqueline Remy, a publié aux éditions du Seuil un ouvrage que j’aurais voulu avoir écrit. Son titre : Comment je suis devenu français. L’auteur s’y propose de répondre à une question qui me taraude depuis longtemps : « Par quelle subtile alchimie nous sentons-nous appartenir à un pays – et précisément à celui-ci, la France –, à moins que ce ne soit lui qui nous appartienne dès lors que nous décidons d’en prendre possession ? ».

Sortant des spéculations habituelles sur le thème de l’intégration ou de l’identité nationale, elle a simplement interrogé vingt personnalités qui ont acquis la nationalité française au cours de leur existence pour qu’elles racontent comment elles en sont arrivées là. Au nombre de ces personnalités comptent les chercheurs Tzvetan Todorov, Julia Kristeva et Hubert Reeves, le journaliste et membre du CSA Rachid Arhab, les chanteuses Jane Birkin et Sylvie Vartan, le footballeur Rio Mavuba ou encore la Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux droits de l’Homme Rama Yade-Zimet.

Dans son avant-propos, Jacqueline Remy dit avoir vécu, dans chacune de ses interviews, « quelque chose d’intense et de vibrant » : « la découverte de personnalités à double fond », dotées d’une « richesse plus chatoyante encore » qu’elle ne l’imaginait. Et l’auteur de poursuivre : « Ils ont des fenêtres dans la tête et des trésors en mémoire. Ce sont des personnages de roman. De notre roman national, désormais. ».

La lecture de cet ouvrage m’a fait un plaisir immense. J’en ai gardé l’impression que les Français venus d’ailleurs ont le recul nécessaire pour observer notre société et la décrire telle qu’elle est, et non telle qu’elle croit être. Cela m’a conforté dans la conviction que seules les comparaisons catégorielles nous permettent d’approcher l’objectivité dans le jugement que nous portons sur les objets et les choses.

L’attachement aux idéaux universels qui ont vu le jour dans l’Hexagone avant de gagner le monde apparaît comme le socle fondateur de l’amour que toutes ces personnalités ont pour la France. Dans le même temps, elles expriment ça et là une déception de constater que l’héritage de la Révolution française est quelquefois méconnu par nos concitoyens, et par conséquent bafoué en toute bonne foi. Le témoignage du journaliste et membre du CSA, Rachid Arhab, est particulièrement intéressant à ce sujet.

Mais une anecdote racontée par la ministre française d’origine sénégalaise, Rama Yade-Zimet, révèle le malentendu sous-jacent dans le discours que certains responsables politiques bien intentionnés tiennent au sujet des Français venus d’ailleurs. Dans un débat radiophonique l’opposant au député communiste Maxime Gremetz, elle a été surprise d’entendre ce dernier s’adresser à elle en disant : « Dans votre pays, là-bas… ». Réplique de la Secrétaire d’Etat : « Où ça ? Chez les sauvages ? ». Silence et soupir du député communiste…

Pour plus de cohésion sociale en France, il est indispensable que chacun fournisse un effort significatif sur le plan du discours pour mettre, de part et d’autre, un terme à l’opposition récurrente entre le « vous » et le « nous » que les autochtones et les Français venus d’ailleurs utilisent tour à tour pour créer des clivages qui n’ont pas lieu d’être. Car être français, c’est avant tout construire ensemble.

Denis Dambré

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