Pourquoi les Chinois et les Anglais n’ont pas le même accent lorsqu’ils parlent français ? Tout simplement parce que les locuteurs étrangers d’une langue transfèrent sur cette dernière les habitudes de prononciation de leur langue maternelle. Il en est ainsi, en particulier, des sons dont la dissemblance n’est pas grande d’une langue à l’autre. Dans ce cas, les locuteurs étrangers n’arrivent pas au début à faire la distinction. En revanche, lorsque la différence est très marquée, la substitution d’un son de la langue étrangère par un son de sa langue maternelle paraît si aberrante au locuteur qu’il l’évite autant que possible.
Les linguistes ont mis en évidence le lien entre l’âge auquel on apprend une langue étrangère en situation d’immersion et la présence plus ou moins affirmée d’un accent substrat de la langue maternelle. C’est ce qu’on appelle la période critique. Globalement, une personne qui apprend une langue étrangère après avoir parlé sa seule langue maternelle pendant les 9 premières années de sa vie a beaucoup de chances de garder dans son élocution les traces phonétiques de sa langue maternelle. Mais tout dépend des circonstances d’apprentissage et de la motivation de la personne.
Par exemple, un locuteur qui estime avoir acquis, dans la langue étrangère, un niveau suffisant pour ses besoins de communication aura tendance à arrêter le processus d’apprentissage dans sa tête, quitte à toujours produire les mêmes erreurs. C’est ce qu’on appelle, en psycholinguistique, l’inhibition d’homogénéité. En revanche, une personne soucieuse de perfection aura tendance à affiner ses acquis dans la langue étrangère pour approcher le plus possible son élocution de celle des locuteurs autochtones de la langue.
L’étude de la formation de l’accent des locuteurs étrangers d’une langue aide à mieux comprendre le fonctionnement de l’esprit humain dans le processus d’acquisition des connaissances. Elle permet surtout de comprendre que l’accent du locuteur étranger d’une langue n’est rien d’autre que le témoin de son aptitude à évoluer dans un autre système de communication qui, souvent, nous est inconnu.
D. Dambré