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Billet de blog 18 septembre 2009

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Wade accusé d'un meurtre

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C'est un meurtre dont tout le Sénégal connaît le mobile, l'auteur et dont l'auteur présumé, Abdoulaye Wade, président du Sénégal a validé l'acte par défaut.

Le 15 mai 1993, soit sept ans avant l’accession d’Abdoulaye Wade au pouvoir, le juge Babacar Sèye est assassiné à Dakar. C’était le Vice-président du Conseil Constitutionnel du Sénégal, un homme clé dans la justice du pays. Cette juridiction valide les résultats des élections; Wade la dénonçait régulièrement, furieux de voir Senghor ou Diouf être propulsé président du Sénégal à "sa place".

Douze ans après le meurtre du Vice-président du Conseil Constitutionnel du Sénégal , l’un des journalistes d’investigation les plus crédibles de la place, Abdou Latif Coulibaly sort un livre explosif et à charge contre le président du Sénégal.

Il confesse l’un des assassins pendant de longues interviews enregistrées ; ce dernier affirme que l’ordre de tuer le haut magistrat venait de Wade ;« Sénégal,Affaire Maître Sèye : un meurtre sur commande »va jeter le trouble dans le pays, pendant de nombreuses semaines.

Tout juste installé au pouvoir, le 1 er avril 2000, le Président Wade gracie les meurtriers puis fait adopter à l’Assemblée nationale, une loi d’amnistie qui enterre d'un coup de baguette magique cette affaire dont les ramifications remontent jusqu’à lui et sa femme. Les trois meurtriers du Vice-président du Conseil Constitutionnel recouvrent une liberté inattendue.

L’assassin confessé par le journaliste décrit alors le choix de la nouvelle cible. Sa désignation du commanditaire est claire et précise ; «Devant l’impossibilité de réaliser cet objectif ( devenir président du Sénégal NDLR) Maître Wade nous a orientés. C’était pendant la campagne électorale deslégislatives, à son domicile. Au cours de l’entretien, il nous ademandé de cibler Maître Sèye qu’il fallait liquider avant la proclamation des résultats.

A ses yeux, celui-ci était lepersonnage le plus influent du Conseil Constitutionnel et était entièrement acquis à la cause du PS, dont il fut le militant pendant cinquante ans. C’est Maître Wade en personne qui nous aindiqué son domicile. »(1).

L'assassinat réalisé, les trois meurtriers du magistrat sont arrêtés quelques jours après puis condamné à de lourdes peines de prisons par la Cour d’Assise de Dakar, seize mois après l’assassinat. AbdoulayeWade, sa femme Viviane et quelques lieutenants sont convoqués,devant un tribunal après avoir fait quelques jours de prisons.

L’enquête remonte jusqu’à eux, le Procureur du Tribunal régional de Dakar est persuadé de leur culpabilité. Il prononce un réquisitoire cinglant et argumenté le vingt-six mai mille neufcent quatre-vingt-quatorze : « à l’encontre d’Abdoulaye Wade, de Viviane Vert (son épouse et deux autres proches de l’homme politique) sont retenues les présomptions graves de complot ayant pour but, les crimes de complicité d’attentat, de complicité d’assassinat, de manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique ».

Le destin d’Abdoulaye Wade ne tient pas à grand chose. Il n'est qu'un opposant agité et impatient. Ce sont les trois magistrats de la Chambre d’accusation qui sauvent le futur chef d’Etat ; ils prononcent un arrêt de non-lieu en sa faveur pour cause d’insuffisance de charge. La presse de Dakar parle de parodie de justice. Cette décision marque un tournant important dans la carrière du futur chef de l’Etat ; plus rien ne peut ralentir sa lente mais déterminée marche vers le pouvoir.

AbdoulayeWade est président du Sénégal depuis 9 ans et 6 mois. Un président soupçonné d'un meurtre. L'homme d'Etat a depuis longtemps laissé s'installer cette ombre criminelle. Pour mieux régner par la peur.

Denis de Montgolfier : à venir, livre "AFRICA PAPA, Enquête sur les forfaits des présidents africains".

(1) Sénégal Affaire Me Sèye, un meurtre sur commande, Abdou LatifCoulibaly, L’Harmattan 2005.

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