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Billet de blog 7 octobre 2015

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Racisme : 7 millions de syriens …et moi et moi et moi !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 7 octobre 2015, la chancelière allemande, faisant fi des disparités de chômage en Europe, déclare   « Nous devons assumer de façon responsable l’attrait de l’Europe. Les chances sont beaucoup plus importantes que les risques. »

Le quotidien Bild annonce 1,5 millions de réfugiés syriens en 2015, qui pourraient devenir 7 millions avec le regroupement familial. Les personnes qui se voient accorder l'asile n'auront pas pour autant automatiquement la nationalité allemande. Cependant, les réfugiés circuleront librement en Europe.

Certains se prononcent pour et d’autres contre l’appel à accueillir ce flux de migrants. Il est tentant de classer comme « raciste » celui qui souhaite limiter ce flux et « non raciste » celui qui ouvre ses frontières. 

Explorons ces positionnements avec d’autres filtres : l’empathie pour autrui, l’intérêt égoïste d’accueillir l’autre, le sentiment de crainte de déstabilisation de la société hôte.

Il existe alors de multiples cas de figures suivant qu’un individu a ou non de l’empathie, qu’il voit son intérêt personnel dans l’affaire ou qu’il n’en ait pas et enfin qu’il ait, à tort ou à raison,  la crainte de déstabilisation de sa société ou pas.

Si l’on s’en tient au classement de « raciste » celui qui ne veut pas accepter les réfugiés et comme « non raciste » celui qui souhaite les accueillir, seront considérées comme « non racistes » des personnes appartenant à deux catégories pourtant bien différentes :

Celui qui a de l’empathie pour les réfugiés, qui n’a pas d’intérêt personnel à l’arrivée de ces réfugiés et qui n’a pas peur que cette arrivée déstabilise sa société. Seront dans cette catégorie sûrement certains artistes, en tout cas ceux passant à la télévision, qui sont majoritaires  à défendre ce point de vue. Le pape aussi. Et probablement notre gouvernement pourrait en faire partie car avec le niveau de chômage, l’intérêt financier de cet accueil n’apparait pas comme une évidence comme elle a pu apparaitre en Allemagne.

Celui qui, sans avoir d’empathie pour les réfugiés, a des intérêts personnels à leur arrivée et qui n’a pas peur que cela déstabilise sa société. Sûrement certains grands patrons en France et en Allemagne peuvent être de ce type. L’arrivée des Syriens est applaudie par le patronat allemand en raison du vieillissement de la population et du besoin de main d’œuvre bon marché. Le patron du MEDEF en France défend que : «  Nos  difficultés ne peuvent pas être une excuse pour ne rien faire. Accueillons-les et sachons tirer profit de leur dynamisme, de leur courage, de leur histoire aussi. Accélérons enfin nos réformes pour être capables de les intégrer pleinement dans la durée."

Cependant le calcul semble fragile comme  le montre le revirement  allemand. Après sa décision  d’ouvrir sans limite ses portes, l’Allemagne ferme  brusquement, trois jours après, la frontière. Intègre-t-elle pour autant le groupe « raciste » ?

 Parmi ceux qui redoutent l’arrivée en masse des migrants, il y a celui qui a de l’empathie pour les réfugiés, qui n’a pas d’intérêt personnel à l’arrivée de ces réfugiés mais qui a peur que cette arrivée déstabilise sa société. Probablement certains intellectuels qui défraient aujourd’hui la chronique, sont dans cette catégorie. Rocard en ferait partie lui qui pensait qu’on ne pouvait accueillir toute la misère du monde. L’argument est « objectif » pour certains mais subjectif pour d’autres. Seule l’histoire nous le dira, mais qu’il soit rationnel ou non, c’est ce sentiment de peur, de déstabilisation qui explique le sondage du 6 octobre 2015 outre Rhin qui indique que 80% des Allemands se disent favorables à un retour des contrôles aux frontières.

Ainsi il n’y a pas de concordance entre être favorable ou non à l’afflux massif de réfugiés et l’empathie pour autrui.

 L’éthique  « raciste » accolée à la va-vite par des « étiqueteurs professionnels » empêche de débattre de questions sérieuses qui conditionnent notre société. Le travail démocratique doit être fait sans se cacher les yeux. Les enjeux de durabilité d’une société démocratique nécessiterait  de peser et définir les rôles respectifs du citoyen, de l’étranger, du métèque et de l’esclave. Comme dans la Grèce antique, nous utilisons des esclaves délocalisés de par le monde pour produire nos biens de consommation, nous avons des étrangers avec qui nous commerçons et nous querellons et probablement des métèques que seront ces réfugiés.

Il semble que l’on ne puisse plus oublier comme en 1966, dans la période Dutronc des années insouciantes … :

 700 millions de chinois, et moi, et moi, et moi,

Avec ma vie, mon petit chez moi,

Mon mal de tête, mon mal de foie,

J'y pense et puis j'oublie, c'est la vie, c'est la vie.

Nos 7 milliards de voisins nous rappellerons chaque jour à la réalité.

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