En son temps, le Général de Gaulle exigeait trois qualités de ses Ministres et conseillers : 1.Bon sens. 2. Sens de l'intérêt général. 3. Compétence.
L'affaire, ou plutôt les affaires, Sarkozy paraissent être les symptomes ultimes de la démission des élites sur ces trois points. Que l'on ne s'y trompe pas, Sarkozy n'est que la face la plus visible d'un syndrome généralisé, initié depuis probablement 40 ans.
• Une perte vertigineuse de bon sens
Décembre 1973, Georges Pompidou, en deux lignes de la loi de Finances, interdit au Trésor français de présenter ses bons à la Banque de France. C'en est fini du financement de l'Etat par lui-même. Il n'est nul besoin d'insister sur les immenses conséquences désastreuses de cette décision! (NB : aux arguments de lutte contre l'inflation, nous renvoyons à la courbe d'évolution de la dite inflation sur les 40 dernières années, et à celles de la croissance des inégalités).
Depuis? Ecomouv, Ministère de la Défense, Palais de Justice, Universités, lignes TGV en construction, et globalement généralisation des PPP ; mais aussi cession des Autoroutes de France en toute fin de remboursement (par les Français) des emprunst d'infrastructure...Les exemples de montages hallucinants ne manquent pas. Et s'insère profondément dnas notre système républicain : il est hallucinant de rentrer dans le détail de budgets municipaux, et d'y trouver des "augmentations annuelles programmées (sic!!)", genre 5%, du cout des délégations au privé, et ce en sus d'"augmentation prévisible de l'inflation". Et encore ne sont pass inclus dans ces surcouts les emplois publics qui disparaissent sous le coup de ces PPP, au profit du privé, dont on peut légitimement douter des conditions de travail et de salaires des employés ; et du règlement des impôts et taxes, régis par la loi apparemment légitime de l'évitement généralisé, trompeusement appelé "optimisation fiscale". Les exemples, de droite et de gauche, de cette perte de bon sens sont légion.
Car quel bon sens peut faire décider, au nom même, théorique, d'économies à réaliser, de confier au privé la construction et la gestion d'infrasctuctures publiques, dont le coût s'avère 50% à 200% supérieur à celui qu'il eut été dans des schémas conventionnels de construction?
Et ce ne sont que quelques cas...
• La disparition de l'intérêt général
Aux exemples précédents, qui sont autant de manifestations en faveur d'intérêts privés, se rajoute la démission massive des élites quant à l'intérêt général. Bien sur cette globalisation comprend des individus qui ont la vocation du service public, mais qu'ils réagissent alors, massivement, auprès des "déconnectés". On ne compte plus les énarques, polytechniciens, ingénieurs et même universitaires, formés par les Académies de la République, qui fonctionnaires (ou élus) un jour, deviennent associés du privé (finance, luxe...grands groupes industriels) le lendemain, puis reviennent "conseiller" les structures étatiques au plus haut niveau, avant de repartir, carnet d'adresses complétés, voire poste créé, dans l'industrie. Voire dans des secteurs qu'ils ont "régulé". Pérol, Macron, Jouyet, Boone, Richard, Bon...malheureusement la liste de ces obscurantistes egocentriques, farouches adversaires des "Lumières" dont ils sont issus, est longue, très longue. Elle vient de se voir complétée d'un ancien Président qui a manifestement confondu République et intérêts privés. Bien sombre cortège des réformés de la République.
• Le dévoiement des compétences
"Mais à un Ministre, on ne lui demande que d'être compétent!". Cette sortie d'un vieil, et cher oncle aujourd'hui disparu, strict dirigeant d'entreprise, pourrait presque paraitre incongrue aujourd'hui. De même que celle de cet ancien élu PS, candidat au poste de l'Agriculture : "Ils ne m'ont pas pris car j'étais le plus compétent". C'était le cas.
De nos jours, il parait normal de passer de la Défense à l'Intérieur, puis de revenir aux Affaires Etrangères, à l'Agriculture ou à l'Education, en fonction des remaniements et autres résultats d'échéances électorales. Ces parties de chaises musicales, conséquences directes des deux points précédents, signent l'abandon des élites de la gestion politique des dossiers (comment décider sans connaitre?), au profit de leur gestion technicienne sciemment confiée à des technocrates, non élus, chez qui bon sens et intérêt général sont de lointains souvenirs...
Et les conséquences portent loin. Un récent reportage sur la ligne LGV Sud-Ouest, objet d'un PPP, montrait le désarroi d'un représentant du donneur d'ordre local, qui indiquait que dans ce dossier, maitrise d'oeuvre et d'ouvrage étaient assurée...par le privé, car son service n'avait plus d'effectifs suffisant pour gérer un tel chantier! Pertes de compétences clés pour service public, pour le contrôle des dépenses publiques!!
Alors qu'ils en sont, comme nous, les héritiers, de Rabelais, Descartes, Montaigne et Pascal, de Montesquieu, Diderot, Voltaire et Rousseau, ces fonctionnaires, ces cadres politiques, qui dépendent directement de la République, descendante de ces Esprits, ces femmes et ces hommes s'assoient allègrement sur les principes mêmes qui ont en plus permis leurs ascenscion sociale.
Espérons qu'avec l'affaire Sarkozy, ils comprennent qu'à force de trop essayer d'éteindre les Lumières, on s'y brûle les doigts.
Et que reviennent, naturellement, le règne en nos ministériels cabinets, du bon sens, de l'intérêt général et des compétences au plus haut niveau. On n'ose rajouter l'éthique.