A l'aune du succès indiscutable du travail de l'économiste en question (économistes dont je me méfie en général comme de la peste, étant donné leur fort pouvoir de ne rien voir venir), ce commentaire péremptoire de l'un des fondateurs du mouvement des "pigeons" me revient en mémoire,
C'était au dédut du mouvement. Nous discutions de la justesse de l'impôt. Me retouvant face à l'antiène "Trop d'impôts tuent l'impôt", "les Français expriment un ras-le-bol fiscal", je faisais remarquer la justesse de la loi (hors entrepreneurs-créateurs, nous y reviendrons), et le fait que l'impôt était avant tout un outil démocratique fondamental : "Et d'ailleurs, il y a des solutions. As-tu lu Piketty?". Réponse du tac-au-tac : "Piketty, il est complètement fou!". 1 000 000 d'exemplaires, et des tombereaux de reconnaissance, plus tard, la réponse parait bien légère.
Mais que dit-il de si fou Piketty, chiffres étayés à l'appui?
Que le travail rapporte 4-6 fois moins que les revenus de placement du capital (1-1,5% vs 6-7%). 300% à 500% de plus pour les produits de placements! A ce rythme là, nous allons vite nous retrouver à l'époque du "Roi Soleil" si rien n'est fait ; évidemment la situation ne peut être laissée en l'état.
Que les pays qui ont connu de fortes expansions, y compris les Etats-Unis, ont appliqué des taux marginaux très supérieurs à ceux que nous connaissons. Jusqu'à 82% aux Etats-Unis par exemple. Et ce pendant 50 ans (1930-1980)! Les impôts élevés sur les revenus très élevés ne sont pas incompatibles du tout avec la croissance économique et le développement d'un pays.
Que les impôts riment aussi avec génération massive de points de PIB. Education, Santé, Infrastructures...que d'emplois et de richesse créés!
Que la baisse (initiée il y a 30 ans environ) de l'imposition des 10% et des 1% des revenus les plus élevés, rime avec décroissance et sclérose de la Société.
Que notre système fiscal, du fait de son origine ancienne, ne prend plus assez en compte les revenus du patrimoine autre que ceux issus de l'immobilier. A l'exception notable des, trop rares, entrepreneurs-créateurs pour qui la taxation de la plus-value (différence entre valeur initiale et valeur finale) correspond à la taxation de l'ensemble de leur gain (puisqu'ils sont à l'origine de la création de valeur), ce qui devient confiscatoire. Seul ce point légitimait d'ailleurs les "pigeons".
Que le système fiscal de répartition est un enjeu démocratique avant tout (Quels moyens pour quelle Société?) ; et que vues les masses financières, énormes, en jeu, il est normal et sain d'en discuter. Mais en connaissance de cause.
Qu'il y a-t-il de fou dans cela? Et dans le fait de dire que nous devons changer un système qui fait tellement croitre les inégalités? Génant pour les ténors de la pensée unique, ultralibérale, sans nul doute, mais fou non pas!
Souhaitons, en conclusion, que tous nos fous aient autant de succès à l'avenir. Et interpellent autant sur des sujets de fond.
PS : le traitement, ample, du sujet "Piketty" par Mediapart se retrouve ici . A lire aussi l'excellent interview (et articles afférents) dans le numéro de juin 2014 d'Alternatives Economiques. Clair et succint!