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Il paraît qu’il faut avoir un avis sur l’affiche de la marche des fiertés 2025, qui partira de Palais-Royal à 14 h le 28 juin prochain. Je n’en ai pas et je ne veux pas en avoir. Mais il ne m’a pas échappé que, pris d’une rafraichissante passion pour les arts graphiques, quelques-uns l’ont décortiquée, surinterprétée, commentée, vilipendée, parfois avec agressivité.
On a aussi trouvé une présidente de région rarement en retard d’une démagogie – en tous cas moins en retard que les trains d’« Île-de-France mobilités », antiphrase qu’elle préside également – pour mettre son grain de sel. Confondant subvention associative et marché d’achat public, elle a retiré une subvention sans rapport avec l’affiche parce que cette dernière ne lui convenait pas. On aura compris le prétexte. Elle et ses amis pourront aller « gais z’et contents », comme dit la chanson, au prochain thé-dansant de leurs amis de la Manif pour tous (devenu syndicat de la famille).
J’ai dû faire ma première marche des fiertés à la fin des années 1980. Je milite pour l’égalité des droits des personnes LGBT depuis le début des années 1990. C’est vous dire si j’en ai connu des tensions sur les affiches qui, chaque année, annoncent cette marche festive et revendicative - donc politique - contribuant aux progrès arrachés au cours des dernières décennies (abrogation du délit d’homosexualité, pénalisation de la haine anti-LGBT, création du Pacs, mariage pour tous, ouverture de l’adoption, de la PMA, démédicalisation du changement de la mention du sexe à l’état civil). On a le droit de ne pas aimer une affiche, de ne pas la trouver efficace, de critiquer le travail des bénévoles. Je ne crois pas que cela mérite autant d’énergie ni de hargne.
Car le fait est qu’aujourd’hui, les actes de haine anti-LGBT augmentent en France. Nous vivons sous la menace d’une proposition de loi inutile et dangereuse votée en première lecture par le Sénat pour interdire ce qui l’est déjà, mettre des enfants en danger et relayer des préjugés transphobes. Le même Sénat s’ingénie à frelater l’histoire de la répression de l’homosexualité par l’État en en mégotant la réparation. Le milliardaire catholique intégriste — et résident fiscal suisse — Stérin finance les mouvements d’extrême droite tandis que Bolloré peaufine son contrôle sur de nombreux médias, l’un et l’autre alimentant un climat sexiste, raciste et LGBTphobe. La France continue de reculer dans le classement annuel précis et argumenté, rendu public il y a moins d’un mois, d’ILGA Europe.
En Europe justement, Orban a interdit la Pride de Budapest et a complété son arsenal juridique à l’encontre les personnes LGBTI+. Il fera appliquer sa loi scélérate grâce à la reconnaissance faciale via la vidéosurveillance afin de verbaliser tout participant.
L’été dernier, en Bulgarie, autre pays membre de l’Union européenne, le parlement a adopté un amendement déposé par un parti d’extrême droite pro russe, « Vazrajdane », entendant barrer la route à la « normalisation inacceptable de l’orientation sexuelle non traditionnelle » (sic) et à l’identité de genre « différente de la biologie » (re-sic).
En Italie, encore un pays membre de l’Union européenne, les couples homoparentaux, singulièrement les couples lesbiens, sont obligés de se battre contre leur gouvernement devant les tribunaux pour faire valoir leur droit.
Il y a quelques semaines, au Royaume-Uni, la Cour suprême a acté que la définition juridique d’une femme reposait sur son sexe biologique et non sur son genre, privant les femmes transgenres de la protection de l’Equality Act de 2010. Le gouvernement Starmer s’en est réjoui.
Il y a quelques jours, J.K. Rowling a annoncé investir les royalties d’Harry Potter pour financer sa haine contre les personnes trans. Le J.K Rowling Women’s Fund sera alimenté par sa fortune, estimée par le magazine Forbes à 1,2 milliard de dollars.
Aux frontières de l’Union européenne, Poutine continue sa croisade anti-LGBT tandis que, de l’autre côté du détroit de Béring, Trump revenu à la Maison-Blanche met en œuvre concrètement ses préjugés LGBTphobes. Après ses décrets présidentiels interdisant l’emploi d’une liste aussi longue qu’ubuesque de mots, des attaques répétées contre les sciences sociales et les universités, contre les personnes trans, contre l’avortement, il pousse l’obsession haineuse jusqu’à demander à la Marine américaine de débaptiser le navire ravitailleur « USNS Harvey Milk ».
J’aurais pu également parler de l’Ouganda, de la Géorgie, du Ghana, de l’Argentine, et d’ailleurs. J’aurais pu parler des « masculinistes » qui chouinent leur violence sur les réseaux sociaux. L’égalité des droits recule, la répression s’intensifie, sous les coups des réactionnaires, qui font aussi refluer les droits des femmes et la justice sociale. Là-dessus j’ai un avis et de l’énergie pour continuer la lutte politique et démocratique pour l’égalité des droits, c’est-à-dire, pour permettre aux lesbiennes, aux gays, aux bis, aux trans d’accéder, au même titre que toutes et tous, au droit commun et au sort commun, de ne pas être discriminé à raison de son orientation sexuelle et de son identité de genre.