L’un des leitmotiv des libéraux est que les charges des entreprises sont trop lourdes, qu’il faut les diminuer pour « augmenter la compétitivité » des entreprises. Peut-être ont-ils raison, mais il faudrait savoir ce que sont les « charges » véritables des entreprises.
Pour les ordo-libéraux, les charges sont les salaires en premier lieu suivis de près par les cotisations sociales et les impôts de tout poil ...
Regardons ça d’un peu plus près.
Les salaires d’abord, il est difficile de considérer que la rémunération des gens qui produisent la richesse de l’entreprise, qui la font fonctionner, progresser est une charge pour l’entreprise. Si vous ne donnez pas d’eau et de nourriture au cheval qui tire votre carriole, ou même si vous ne lui en donnez pas assez, vous n’irez certainement pas loin. Les salaires ne sont pas une charge pour l’entreprise, bien au contraire, ils représentent le meilleur investissement que l’entreprise puisse faire pour son développement et son avenir.
Les cotisations sociales, elles, sont simplement un « salaire différé » dû aux salariés afin de leur assurer la santé, et une sécurité sur l’avenir suffisante pour qu’ils puissent être suffisamment dégagés des soucis du quotidien pour fournir un travail optimum, efficace et de qualité. C’est donc, au même titre que le salaire direct, un investissement rentable pour l’entreprise.
Les impôts enfin, que les ordo-libéraux incluent dans les prélèvements obligatoires (ce qui sous entend, prélèvements contraints, imposés par la force dont il faut se dégager pour retrouver sa « liberté », ah ! la puissance des mots !). Comment une entreprise, quelle qu’elle soit pourrait-elle faire sans internet, sans routes, sans services de police ? Quelles dépenses fantastiques devrait-elle faire pour se protéger, former ses ouvriers, s’approvisionner et diffuser sa marchandise si elle devait tout financer par elle même sans compter sur la solidarité collective ? La liste de ce que les entreprises perdraient n’est pas exhaustive évidemment. Refuser l’impôt, c’est refuser de participer à un effort collectif qui bénéficie à tous et en premier lieu à soi-même. C’est une attitude absurde parce que l’affaiblissement de ces « services publics », de cette mutualisation des moyens porte un préjudice énorme aux entreprises, jamais évalué d’ailleurs par les analystes en vue.
Donc, si ni les salaires, ni les cotisations sociales, ni les impôts ne sont les véritables charges des entreprises, où se cachent-elles les charges ces fameuses charges qu’il faut diminuer pour améliorer le sort des entreprises ?
Essayons d’abord de définir ce qu’est une charge pour nous. Une charge c’est, à mon avis, une dépense qui n’est suivi d’aucun effet pour l’entreprise. Une dépense qui diminue la « richesse » de l’entreprise au lieu de contribuer à l’augmenter. Les services comptables des entreprises ont l’habitude de raisonner comme ça, non pas en terme de coût brut d’une action mais en terme de relation coût-bénéfice. Raisonnons donc de la même manière.
La première charge des entreprises, et celle-ci concerne toutes les entreprises, est la charge bancaire. Je ne connais pas bien le système, je ne pourrais donc pas mener cette analyse très loin mais il semble évident que le ce que coûte la gestion des comptes de l’entreprise par la banque, les contraintes liées aux emprunts, les moyens de pression qu’ont les banques sur les orientations économiques des entreprises représente une dépense importante pour les entreprise tant financière qu’en terme d’énergie et de stress sans produire de richesse notoire.
La deuxième charge des entreprises, et cela est valable surtout pour les grandes entreprises, est les dividendes versés aux actionnaires. Ils captent la plus grande part de la richesse produite par l’entreprise. Ils l’assèchent littéralement en lui retirant ce qui devrait lui permettre de se renouveler, de former le personnel, de réinvestir. Au départ, l’actionnariat a été pensé pour permettre aux entreprises de disposer de liquidités pour se développer. Les dividendes ne devant être prélevé qu’en cas de surcroît de production de richesse une fois toutes les autres dépenses faites. Ils n’étaient versés qu’en dernier. Or, aujourd’hui, ils sont prélevés en premier, avant tout le reste. Ils correspondent donc exactement à la définition des charges telle que présentée plus haut : c’est une dépense qui diminue la « richesse » de l’entreprise au lieu de contribuer à l’augmenter. En plus, comme ils ne contribuent pas à l’effort collectif qu’est l’impôt, ils ne participent même pas de façon indirecte, à l’entretient des services collectifs proposés à l’entreprise.
Enfin, une troisième charge des entreprises, (mais ce n’est sûrement pas la dernière), qui est aussi valable pour les grandes entreprises, c’est les salaires exorbitants des cadres dirigeants et particulièrement ceux des grands patrons. Ce sont des salariés vraiment particuliers, ils ne font pas grand chose hormis présider quelques réunions durant lesquels ils donnent des ordres et délèguent des tâches. Le reste du temps, ils voyagent et profitent de leur richesse. Ils ne sont jamais sanctionnés pour leurs erreurs, ils peuvent en toute tranquillité mettre en péril leur entreprise voir même la couler sans jamais être mis en cause et ils touchent des salaires mille fois supérieurs à ceux des employés qui, eux, créent la richesse de l’entreprise. Il n’est pas évident que les grands patrons servent à grand chose dans une entreprise mais ils lui coûtent très cher. Et s’ils ont un rôle véritable leur contribution à l’augmentation de la richesse de l’entreprise n’est certainement pas dans les proportions de la rémunération qu’ils touchent.
Pour conclure, si une charge correspond à la définition donnée plus haut : une dépense qui diminue la « richesse » de l’entreprise au lieu de contribuer à l’augmenter, alors les mesures proposées par de nombreux économistes et politiques ne sont pas à même de les faire diminuer.