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Billet de blog 19 août 2025

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Réponses aux mensonges et caricatures de S. Hayat sur LFI

J'ai écrit ça à chaud au printemps, gardé sous le coude tout ce temps, pour le servir en cette fin d'été, quelques jours avant mon atelier aux Amfis sur « Qu'est-ce que LFI ? » et l'intervention du dit Hayat à un conférence au même endroit ;). Programme et inscription : www.amfis.fr. Bon ap' !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En lisant ici et les éloges du billet de blog de Samuel Hayat « Ce que les succès (et les critiques) de la France insoumise révèlent de la situation » (07/05/25), je m’étais dit qu’enfin j’allais y lire des critiques sérieuses et constructives qui permettrait un véritable débat politique au lieu du tombereaux de calomnies et de mensonges que la meute médiatique a déversé sur nous ces dernières semaine. Ça n'a, hélas, pas été le cas. Mais ce texte m’a décidé à prendre à mon tour la plume pour répondre précisément aux nombreuses erreurs et caricatures qu’il contient et qui semblent être acceptées comme des vérités par nombre de lecteur·rices qui ont habituellement plus de recul critique. En voici la liste non exhaustive.

  • « Il  [Mélenchon] a choisi plutôt un modèle inspiré du léninisme, tel que développé dans Que faire ? (1902). Il s'agit de construire non pas un parti démocratique, mais une avant-garde de révolutionnaires professionnel-les, et à côté, subordonné à cette avant-garde, un mouvement de masse sans pouvoir propre, mais mobilisable. »

Cette affirmation est fausse. JLM explique constamment que le projet de LFI n’est justement pas de construire une avant-garde révolutionnaire mais un peuple révolutionnaire. C’est une des raisons pour lesquelles on tient à la forme d’un mouvement aux bords poreux/gazeux, à la différence du parti aux bords plus stricts/étanches.

  • « Et le mouvement plus large, subordonné, censé porter la dynamique au-delà du noyau dirigeant, c'était le Front de gauche, regroupant une myriade de partis et de mouvements plus ou moins importants. »

Sur quelles déclarations ou textes stratégiques s’appuie cette affirmation ? Je n’ai jamais été membre du PG, mais j’étais membre de la coordination du Front de gauche (qui se réunissait à Colonel Fabien), en tant que représentante d’un courant minoritaire issu du NPA. Le Front de gauche a toujours été un cartel d’organisations indépendantes, dont la plus grosse était le PCF. 

  • « En 2016, il dissout de son propre chef le Front de gauche. »

Cette affirmation est fausse. Le Front de gauche cesse d’exister, de fait, en 2014, suite au choix du PCF de maintenir ses alliances avec le PS au pouvoir lors des élections municipales ; et de dépasser la forme cartel en acceptant les adhésions individuelles. En 2016, Jean-Luc Mélenchon annonce sa candidature .

  • « LFI, un mouvement « gazeux », sans adhérent-es, mais avec des « soutiens » collectés sur Internet, structuré en petits groupes dénués de pouvoir. Officiellement, il s’agit d’incarner la révolution citoyenne »

Cette affirmation est fausse. En 2016, l’objectif explicite de LFI est de soutenir la candidature de JLM à l’élection présidentielle. La structure est directement inspirée de l’organisation mise en place par la campagne de Bernie Sanders pour la primaire au sein du parti démocrate. La consigne c’est : n’attendez pas les consignes ! 

Tous les moyens de campagne sont mis à disposition des soutiens, qui peuvent s’organiser en groupe ou de manière autonome, pour mener la campagne. Après la présidentielle et les législatives, la place et le rôle des groupes locaux, renommés groupes d’action, a été défini par une charte et validé  (qui deviendront groupes d’action) sont officiellement 

  • « Parallèlement, et progressivement, le 1er cercle se trouve épuré, et Mélenchon nomme des jeunes cadres, à l'expérience militante réduite, parfois tout juste sorti-es de Sciences po, sans ancrage local, dont la légitimité est entièrement conférée par la direction. Résultat : LFI devient une machine politique médiatiquement et électoralement efficace, certes non démocratique, mais solide et unie, dont les membres de la direction doivent tout à Mélenchon. »

Ces affirmations sont fausses. Quand LFI se lance en 2016, le PG est la principale organisation qui soutient le lancement de la candidature de JLM, et donc ses militant·es qui vont animer les premiers groupes de soutien et la direction de la campagne. Mais ces derniers s’élargissent très rapidement très au-delà de ses rangs. Quand le PCF accepte finalement de soutenir la candidature de JLM, des membres de sa direction sont intégrés à la direction de campagne. Il existe aussi un espace politique, regroupant les personnalités et organisations qui soutiennent la candidature.

Après la présidentielle et surtout les législatives, le centre du gravité du mouvement va se déplacer à l’Assemblée, autour du groupe des 17 aux parcours militants et sensibilités très diverses. Ce n’est donc pas Mélenchon qui « nomme » qui que ce soit, c’est un fait très démocratique, le plus démocratique qui soit, l’élection législative, qui va déterminer la place directionnelle et le rôle des un·es et des autres. 

Sur les 17 député·es, 2 sont des ex-PC ou proches PC (Fiat et Taurine), 3 non affiliées à des partis (Obono, Prudhomme, Sabin), 1 est de Picardie Debout (Ruffin), 1 d’Ensemble (Autain), 1 divers gauche (Ratenon). Parmi les membres du PG, 4 sont du « noyau historique issu du PS » (Mélenchon, Corbière, Lachaud, Bernalicis), et les 5 autres ont rejoint le PG entre 2008 et 2014 (Coquerel, Larive, Panot, Quatennens, Ressiguier). Seul·es 3 ont moins de 30 ans (Bernalicis, Panot et Quatennens). Elle et ils ne viennent pas tout juste de sortir de Science po mais sont déjà des actif·ves professionnellement (dans le secteur associatif pour Panot, dans la fonction publique pour Bernalicis, et dans le parapublic pour Quatennens). Sur les 17, 1 seul (Mélenchon), a déjà été parlementaire ; et si quelques un·es ont été élu·es locaux, la majeure partie, les jeunes comme les « ancien·nes », n’ont aucun ancrage local dans leur circonscription.

Entre 2017 et 2022, les figures les plus médiatisées sont des député·es : Jean-Luc Mélenchon, Adrien Quatennens, Eric Coquerel, Alexis Corbière, Clémentine Autain, François Ruffin et, quand elle a pris la suite de Jean-Luc Mélenchon à la présidence du groupe en 2021, Mathilde Panot. Lorsqu’elle devient tête de liste aux élections européennes en 2019 puis eurodéputée, Manon Aubry va bénéficier aussi d’un peu de médiatisation. Parmi ces figures, seul·es Panot et Quatennens font partie de la « nouvelle génération militante » issue du PG. La dynamique médiatique procédé bien plus d’une diversification des profils qu’une « épuration » autoritaire.

Parallèlement, le mouvement se structure progressivement. En novembre 2017 à Clermont-Ferrand a lieu une 3e convention (après celle du programme en 2016 et celle des législatives en 2017) où sont adoptés les campagnes, la charte des groupes d’action et les principes de LFI. Une première assemblée représentative a  lieu en avril 2018. En juin 2019, la 2e Assemblée représentative met en place la coordination (« La France insoumise, un mouvement évolutif »). Cette dernière est composée à parité de 18 membres, dont 8 parlementaires (4 AN/ 4 PE) et 6 n’ont jamais été au PG. 

  • « Le ralliement du Parti ouvrier indépendant, [..] achève de structurer la FI, et de l'autonomiser de ses soutiens trop indépendants, comme les petits mouvements de gauche radicale qui forment Ensemble ! »

Cette affirmation est fausse/anachronique. Le POI rallie LFI en 2022 et ne joue aucun rôle dans la structuration du mouvement entre 2017 et 2022. Il est représenté au même titre que les autres organisations associées (REV, Picardie debout, GES) au sein du Conseil politique mais aucun de ses membres ne fait partie de la coordination. Le mouvement Ensemble ! n’a jamais rejoint LFI en tant que tel. En 2017 il s’est divisé avec une partie des militant·es qui intègrent LFI après la présidentielle. Puis en 2022, il se fractionne à nouveau.

  • « Tout ceci permet à LFI de parler désormais d'une seule voix. »

Si LFI parle d’une seule voix, c’est par cohérence politique et non pas du fait d’une « épuration » militante. D’autant que les porte parole médiatique ont des style et des personnalité très variés.

  • « Certes, le prix à payer, pour exister quand même, c'est de faire du scandale, du bruit, de diviser. »

Cette affirmation caricaturale sous-entend que seul scandale, le bruit et la division auraient permis à LFI d’exister. Exit le travail parlementaire dont même nos adversaires reconnaissent le sérieux ; les interventions vues des millions de fois sur les réseaux; les nombreuses mobilisations sociales que construisons.

  • « Puisque LFI est créée par Mélenchon et tient par lui, cette personnalisation d’appareil se traduit en personnalisation médiatique. »

LFI est créé par un collectif militant autour de la candidature de JLM. Le mouvement « tient » par le programme et l'engagement.

  • « Pour éviter la division, le meilleur moyen (à court terme) est cette combinaison de peur et de cohérence que créent les épurations successives. »

Hayat affirme à nouveau qu’il y a eu des « épurations successives » sans en avoir jamais fat la démonstration. Il semble ainsi prendre pour argent comptant les propos recueillis par les auteurs du livre La meute, dont les procédés journalistiques devraient faire honte à n’importe quel·le journaliste doté·e d’un minimum de déontologie. Cf. Notes sur les « enquêtes » journalistiques, de Didier Eribon (08/05/25)

  • « Et pour épurer sans trop de vagues, un chef autoritaire, dont les décisions même arbitraires sont respectées, c'est diablement efficace. »

De quelles décisions arbitraires s’agit-il ? On ne le sait pas. Hayat l’affirme et puis c’est tout.

  • « Et les membres de la direction de LFI forment une telle communauté charismatique : quand on les invite dans les médias, on leur parle de Mélenchon, et iels le défendent becs et ongles contre les attaques [...] si vous écoutez les cadres LFI, vous n'entendez que des éloges de Mélenchon. »

Hayat considère que la preuve du fonctionnement sectaire de LFI (il utilise pseudo scientifiquement le gros mot de « charismatique » mais en fait c’est pour dire la même chose que la meute médiatique : LFI est une secte et JLM un gourou) se trouve dans les réponses aux attaques médiatique à l’égard de son principal porte parole. Outre le fait que les membres de LFI défendent « becs et ongles » toutes celles et ceux d’entre nous qui subissent des attaques dans les médias, pas seulement JLM, il y a une totale absence d’analyse du contexte médiatique et du champ de bataille politique qu’il constitue.

  • « Mais l'alternative, dans l’état actuel du champ médiatique, c'est souvent le spectacle de la division, comme au PS, ou l'isolement : Glucksmann, Ruffin, Autain, Castets, Tondelier peuvent bien attirer la sympathie, mais personne de leur camp n’en dit jamais de bien ni n’en loue les capacités exceptionnelles »

C’est totalement faux. Les personnes citées bénéficient systématiquement d’éloges politico-médiatique dithyrambiques, en comparaison systématique de JLM. 

  • « C’est du léninisme organisationnel, mais au service d'un projet social-démocrate, avec une doctrine très légère, et changeante selon les volontés de Mélenchon et de sa garde rapprochée. »

Le mouvement est tout sauf du « léninisme organisationnel », comme expliqué plus haut. La doctrine est loin d’être changeante : la révolution citoyenne et l’ère du peuple sont des constantes du cadre théorique.

  • « face au manque de démocratie interne de LFI »

Une affirmation qui ne se base dans le texte sur aucune démonstration précise de ce qui constituerait le manque de démocratie de LFI.

A son crédit, Samuel Hayat reconnaît n’appuyer ses affirmations péremptoires ni ses recherches propres, ni sur la lecture des quelques chercheur·es qui se sont un peu sérieusement penché·es sur le mouvement LFI. Au final, il produit un pamphlet anti-LIF/Mélenchon, à peine moins grossier que le torchon journalistiques qui a inspiré son texte et dont il prétend prendre le contre-pied pour mieux le valider. Misère intellectuelle de l’anti-mélenchonisme primaire…

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