« Moi, c’était ma troisième agression. J’en avais eu deux en arrivant, une à main armée, et une autre avec un coup de caillasse. Dévalisé les deux fois dans la rue. Mais ça, ce n’était rien du tout, comparé à une troisième agression, beaucoup plus insidieuse, beaucoup plus fourbe, celle de l’administration et de sa traînasserie.
La pire difficulté, ça a été d’ouvrir un compte à la poste. Ça a mis au bas mot trois mois avant de trouver la bonne personne. Parce qu’à l’intérieur de la poste, il fallait trouver l’unique personne faisant correctement son boulot.
Quand je me pointais, ce n’était jamais possible. Soit l’employé trouvait une excuse. Il fallait attendre pour des trucs impossible. J’avais entendu des trucs débiles, style il faut 300 euros minimum pour ouvrir un compte. Plusieurs fois, l’employé n’était pas présent à ses heures de travail. Ou bien il y avait des rendez-vous à des heures impossibles. Le gars de l’accueil trouvait absolument toujours une excuse. Quelle créativité.
En métropole, la banque à laquelle j’étais affilié faisait la sourde oreille. Impossible de les contacter, un manque total de compétence.
C’est une expérience très très enrichissante : n’avoir accès à aucune ressource financière, quand bien même vous travaillez. Impossible d’avoir du cash. Obligé de déménager, d’emprunter à gauche à droite. Pendant 6 mois.
Tout ça parce que nous sommes entièrement dépendant d’administrations et de l’argent en général. Il suffit que les personnes responsables de ces services se mettent à faire du n’importe quoi pour que ce soit tout votre quotidien qui vacille. Ça peut aller très très vite.
Quand j’ai enfin eu une carte bleue, c’était en février, 6 mois après ma première agression. J’ai eu un peu de mal à en retrouver l’usage. »
T.Boyer