Tribune 20 novembre 2025

Violences sexuelles dans les écoles parisiennes : nos enfants en danger

Nos enfants ne sont pas en sécurité à l’école : nous, parents de l’école maternelle Bullourde (Paris XIe), exigeons des comptes et des mesures immédiates à la suite des faits de violences sexuelles dénoncés au sein de l’établissement et présumés avoir été commis pendant l’année scolaire 2024/2025 et à la rentrée 2025.

50 jours après l’annonce des faits aux familles et la suspension de trois animateurs, voici le constat amer que nous souhaitons partager. 

Notre exigence est simple, fondamentale et non négociable : la sécurité de nos enfants à l’école. Ce que notre établissement traverse est un traumatisme qui ne doit plus jamais se reproduire, ici ou ailleurs. Nous souhaitons pouvoir amener nos enfants le matin en toute confiance. Aujourd’hui, cette confiance est rompue.

Nous refusons d’entendre que cette situation serait la conséquence d’une « libération de la parole des enfants » comme semble le considérer la Ville de Paris, puisqu’aucun dispositif n’a à ce jour permis de mieux les écouter. 

Cette responsabilité n’est d’ailleurs pas celle de nos enfants.

La situation que traverse notre école - comme d’autres -  est la conséquence directe de conditions d’encadrement et de surveillance des enfants défaillantes, alors même qu’une obligation de résultat pèse sur les institutions.

Cette défaillance structurelle et systémique est ancienne ; des faits similaires ont déjà été signalés les années précédentes sans qu’aucune action concrète de vigilance et de précaution n’ait été mise en place.

1 / Une gestion de crise erratique : le manque de soutien et une défaillance caractérisée depuis la révélation des faits le 1er octobre 2025.

  • Nous dénonçons un manque sidérant de communication et de coordination de la part des services responsables de la sécurité de nos enfants (la Ville de Paris et l’Éducation Nationale). Le corporatisme n’a pas lieu d’être quand il s’agit de la sécurité de nos enfants.
  • Nous dénonçons une tendance à l’obstruction de la parole des enfants et l’absence de volonté de les accompagner : les représentants de l’Education nationale nous ont d’abord conseillé de ne pas aborder la situation avec nos enfants. Il a également été interdit aux enseignants de le faire avec leurs élèves. Aussi invraisemblables que ces directives puissent paraître, elles ont de fait confié aux seuls parents le soin d’expliquer, écouter et sensibiliser les enfants à ce type d’actes.
  • Nous déplorons que la notion de « communauté éducative » ait cessé d’exister, alors que chaque enfant de l’école est victime directe ou indirecte et qu’un tel traumatisme ne peut être géré efficacement qu’avec la contribution active et bienveillante de chacun. Nous pensons en particulier aux enseignants, en qui nos enfants ont la plus grande confiance, qui n’ont pu être accompagnés suffisamment tôt et se voir donner les clés pour traverser avec nous cette épreuve qui les ébranle tout autant.
  • Nous dénonçons l’absence de mesures concrètes et immédiates prises par la Ville de Paris et l’Éducation Nationale et exigeons la communication d’un dispositif clair de gestion de crise : l’intervention d’une association de protection de l’enfance, promise « le plus rapidement possible », s’est résumée à ce jour à une unique activité proposée un mercredi après-midi pour un nombre restreint d’enfants.
  • Nous n’acceptons pas cette unique réponse, signalée aux parents concernés le matin même de son organisation. L’information, la prévention, l’accompagnement et l’écoute doivent être garantis pour tous les enfants et toutes les familles, à très court terme pour gérer cette situation de crise puis s’inscrire dans la durée.
  • Nous dénonçons un accompagnement psychologique insuffisant et tardif : six semaines après les faits, l’Éducation Nationale nous propose enfin une rencontre avec la psychologue du rectorat. Pourquoi ce délai ? Et surtout, où est l'accompagnement collectif, global et immédiat pour tous les enfants, pour toutes les familles et pour toutes les équipes encadrantes et enseignantes ?
  • Nous dénonçons le fait que la Ville de Paris et l’Éducation Nationale se déchargent sur les représentants des parents d’élèves pour :
  1. assurer la communication avec l’ensemble des familles et ce, depuis le début : ce sont les parents élus qui ont prévenu en premier l’ensemble des familles ;
  2. proposer des mesures de soutien psychologique à l’ensemble des familles ;
  3. assurer le suivi des enquêtes (les parents d’élèves élus ont dû solliciter l’Inspection Générale de la Ville de Paris eux-mêmes).
  • Nous dénonçons les errements de la réorganisation en cours et les risques du « turn-over » au sein des équipes encadrantes : nous observons avec inquiétude un jeu de « chaises musicales » entre les encadrants des écoles parisiennes.

         La continuité et la stabilité de l’encadrement de nos enfants est essentielle. A ce jour, l’équipe périscolaire de                   Bullourde n’est pas encore arrêtée pour l’année en cours. Qu’en sera-t-il à la rentrée 2026 ?

  • Nous dénonçons l’absence de communication auprès de tous les parents, ce compris les enfants extérieurs à l’école maternelle : tous les parents dont les enfants ont pu être en contact avec les animateurs mis en cause à l'école Bullourde, y compris lors des seuls centres de loisirs de vacances, doivent être informés de la situation.  Ce n’est toujours pas le cas.
  • Nous dénonçons la légèreté de l'enquête administrative en cours, dont le rapport doit semble-t-il être déposé à la fin du mois de novembre 2025 : nous demandons que l’enquête soit conduite avec sérieux et menée à son terme sans précipitation ou suivant un agenda politique. A ce jour, aucun parent n’a notamment été contacté par les équipes en charge de l’enquête. Nous réitérons également notre exigence d’en connaître l’intégralité des conclusions et recommandations.
  • Nous dénonçons les conséquences désastreuses sur nos enfants, nos familles, et la communauté éducative dans son ensemble à court et moyen termes et nous réservons le droit d’exiger la réparation des préjudices subis.

2/ Le constat amer de l’insuffisance du Plan de la Ville de Paris

  • Nous dénonçons l’effet d’annonce de mesures déjà existantes ou surabondantes : la plupart des mesures annoncées relèvent du droit commun voire de dispositifs déjà en place et considérés comme défaillants. Port du badge, trombinoscope ou meilleure information aux parents ne permettent en rien de compenser un défaut de vigilance ou des pratiques de recrutement totalement poreuses aux individus mal-intentionnés ou dangereux. Il en va également de l’annonce de la création d’un « Défenseur des Enfants » de la Ville de Paris, dispositif déjà rattaché au Défenseur des droits national et qui n’a pas à connaître de situations relevant du pénal.
  • Nous dénonçons l’approche segmentée du plan : ce dernier prévoit ainsi un comité de suivi pour garantir la transparence, associant les parents, mais sans faire mention ni de l’Éducation Nationale, ni du Parquet, ni de la Préfecture de Police. Il mentionne le rôle des équipes de santé scolaire de la Ville sans s’articuler avec la médecine scolaire. Ce plan ne peut être efficace s’il n’intègre pas l’ensemble des acteurs de la chaîne. Nous réitérons la demande d’une approche coordonnée, forte et sans faille, qui place la sécurité de l'enfant avant les préoccupations de corporatisme ou de tutelle.
  • Nous dénonçons des mesures vagues et indéterminées : nous demandons notamment la transparence sur le contenu de la formation d’intégration de deux jours. Permet-elle concrètement d’identifier les comportements inappropriés et de former à la détection ? Nous demandons aussi dans quelle mesure la politique de recrutement de la Ville de Paris permettra d’éviter que de nouveaux enfants enfants soient victimes d’adultes au sein de leurs écoles.

Le découragement pourrait nous gagner face à l'inaction et à l’attentisme de l’ensemble des institutions et administrations.

Nous nous mobiliserons pourtant autant et aussi longtemps qu’il le faudra pour que l’Education Nationale et la Ville de Paris prennent au sérieux la question des violences sexuelles à l’encontre des enfants, commises par leurs propres agents au sein de l’école de la République.

Un collectif de parents d’élèves de l’école maternelle Bullourde, Paris XIe