Malgré la longue amitié qui nous lie il m'est difficile de partager le point de vue de Vingtras ,exposé dans son dernier billet « gilet pare- balles « La réaction de François Hollande, unanimement salué par l'ensemble des gouvernements démocratiques du monde entier, ne peut en aucun cas être comparée à l'instauration d'une dictature à la Pinochet .Le Président agit dans le strict respect de la Constitution, refusant les pleins pouvoirs qu'il aurait pu s'arroger, augmentant les forces de sécurité fortement obérées par le quinquennat de Sarkozy, et ramenant la Russie dans la coalition contre l'Etat Islamique, ce qui n'est pas rien.
La majorité de ce pays considère sur ce point précis qu'il a raison, et aussi la majorité de l'opposition avec qui il dialogue en retenant certaines de ses propositions. Ce n'est pas les quelques trublions de l'Assemblée Nationale , invectivant La Garde des sceaux qui y changeront quelque chose.
La dictature de Pinochet fut sans doute une des plus féroces de notre époque. J'ai personnellement connu le Ministre de l'agriculture chilien , Monsieur Chonchol, qui siégeait dans le Gouvernement du Président Allende .Je ne m'étendrais pas donc sur l'historique de ce coup d'Etat qui lui a couté la vie et il a fallu plusieurs décennies au Chili pour commencer à s'en remettre. Quant à son Armée, la plus républicaine de l’Amérique du Sud, elle porte encore les stygmates de ce coup d’Etat où elle a été entrainée pour la première fois de son histoire, Pinochet bénéficiant du silence coupable de la Démocratie Chrétienne qui pensait revenir au Pouvoir très vite, après l’intermède dramatique du Dictature militaire.
Incriminer la colonisation ne me paraît pas le bon angle de vision. Certes les jeunes français musulmans auteurs des attentats, ont été trop longtemps laissés à l’abandon par les différents gouvernements de la République , et sont devenus ainsi des proies faciles, parce que revanchardes, entre les mains de recruteurs autant zélés que redoutables.
En effet , je crois que « l’ordre et la sécurité du Monde » passent par un règlement global et équitable du conflit Israélo Palestinien. La résolution des Nations Unies naissantes, officialisant à juste titre, la création de l’Etat d’Israël, prévoyait également la naissance d’un Etat Palestinien .Les grandes figures du Parti Travailliste qui a gouverné sans relâche pendant 40 ans ( Ben Gourion, Shimon Pérès, Golda Meïr), n’ont pas compris que la véritable sécurité du Jeune état serait beaucoup plus assurée par la naissance d’un Etat Palestinien alors qu’ils ont choisi l’option sécuritaire d’une armée moderne, très équipée , qui a humilié les Pays Arabes à différentes reprises, frustrant laJeunesse de ces Etats, et peu à peu s’incrustait le sentiment de révolte, de revanche contre Israël et contre l’Occident qui garantissait son existence.Après la défaite surprise des Travaillistes par le Likoud, je concluais un éditorial que je signais le 27 Mai 1974 dans la revue « l’Homme et l’Humanité par ces mots :
En Israël ,Monsieur Begin a le choix entre des concessions qui paraissent indispensables à la survie de son Gouvernement, voire de son Pays, et la tentation du « Grand Israël « pur et dur .Cette dernière hypothèse déboucherait ,au mieux, sur un rapide retour des Travaillistes à la Knesset, après une cure salutaire d’opposition, ou, au pire, sur un nouveau conflit qui pourrait décupler la stupéfaction du Monde ,à l’annonce du changement de Majorité à Jérusalem.
Il est de bon ton, pour des intellectuels de gauche, de gloser sur le Magistère de Hollande, en ignorant souvent les contraintes issues du septennat précédant, les obligations Européennes et les traités internationaux .Leur déception est partie intégrante du débat démocratique. De là à comparer Hollande à Pinochet, il y a un monde. Le Président aurait pu s’arroger les pleins pouvoirs. Il le refuse en restant dans le cadre strict de la Constitution et demande au Parlement de voter l’Etat d’Urgence, ce qui ne manquera pas d’être fait à une large majorité .De « Charlie au Bataclan « il gère la crise sous l’œil admiratif de tous les pays démocratiques, et ramène la Russie dans la coalition anti Etat Islamique, ce qui est essentiel.
A trop charger la mule, on peut faire inconsciemment le jeu des extrêmes et un Sarkozy ,assoiffé de Pouvoir n’aura pas de peine s’il le fallait à réunir sa la fraction dure de la droite et de la marier avec le Front national dont il n’arrête pas de vanter les thèses, tout en expliquant qu’il n’y aura pas d’alliance.
Comparaison n’est pas raison .Hollande, avec ses difficultés et ses manques, reste un démocrate convaincu, respectueux des règles essentielles qui régissent le fonctionnement de l’Etat.
Hitler aussi a été élu à la régulière et l’ami Vingtras, agrégé d’Histoire et grand analyste de cette dernière ne saurait l’ignorer.
Il y a donc lieu de souligner que la comparaison Hollande/ Pinochet est une faute politique comme nous pouvons tous en commettre lorsque le Bateau Godille.
Il y a lieu de s’incliner devant les victimes innocentes et avec la mort d’Abouaaoud, de féliciter les forces de l’ordre, qui rappelons le, interviennent au péril de leur vie , pour défendre notre liberté de vivre comme on l’entend, de critiquer comme on le souhaite, d’aller et venir dans le plus beau pays du Monde.
Mais nous n’avons pas le droit d’ignorer que la démocratie est un bien fragile, que la Liberté est un combat, et que la Roche Tarpeïenne est toujours très voisine du Capitole.