Je lis Mediapart. Parce que c'est un journal intelligent. Parce que je le suis moins (intelligente) et je ne renonce pas (encore) à le devenir plus. Parce qu'on y parle de société, de politique, de culture, d'arts... Parce que parce que parce que...
Bref, je lis Mediapart.
Mais pas que .
Sous couvert d'anonymat, je peux avouer que je lis aussi Marianne2, Rue89, Libération, Le Nouvelobs.com, parfois Lefigaro (comme une incursion dans les lignes ennemies). Même sous couvert d'anonymat, un pistolet sur la tempe, il est aussi des lectures que je n'avouerai pas. Plutôt mourir!
On s'en fout? Pas faux. Mais les quelques lignes qui précèdent n'avaient pas prétention à être intéressantes. Leur fonction essentielle était d'introduire mon propos, de le parer de quelques références et de me prémunir d'attaques assassines. Quelqu'un qui lit Médiapart (cf 1ère phrase du billet) ne peut être foncièrement mauvais.
Bon, ça vient? Ok, ok, ok....
Zemmour. Eric.
Pour dire quoi? Que je ne comprends pas. Je ne comprends pas l'existence de Zemmour. Pas la personne. Ca, ça va. A peu près. Quoique l'idée que je m'en fais diffère sans doute considérablement de l'opinion qu'il a de lui-même.
C'est le concept Zemmour qui m'échappe, au même titre que celui de Dieu.
Pour résumer et clarifier ma pensée (à ma seule intention, les blogs étant généralement par nature destinés à n'être lus que par leur auteur – à ce propos, pensez-donc à me rappeler de me remercier à la fin pour ce billet auto-éclairant si tant est qu'il le soit au final), Zemmour tient le rôle de critique littéraire dans une émission dont il est courant de dire qu'elle est une de celles qui impactent le plus la vente de livres des auteurs invités, et ce indépendamment de l'opinion que formule notre zélé Zemmour à l'encontre des ouvrages. Jusque là, je suis. Inviter fait vendre. Ok.
Là où je ne saisis plus, c'est quand Zemmy le Magnifique se drape dans sa toge de défenseur de la littérature et qu'à coups de citations et de ricanements acérés, il s'emploie à interdire l'accès de son panthéon littéraire aux auteurs invités. Moi, quand je ne veux pas qu'on vienne chez moi, je n'invite pas. Et si des importuns toquent à ma porte sans avoir été invités, je m'accroupis sous la fenêtre, toutes lumières éteintes, je feins de ne pas y être jusqu'à ce qu'ils se découragent et s'en aillent. Et si, sciemment, j'agite le voilage, si je me montre à la fenêtre, si je me vois contrainte à laisser entrer mon visiteur indésirable, je ne peux que me blâmer moi-même de l'avoir trop bien nourri quand dans la rue,les gens s'extasient de sa bedaine tendue, gonflée de toutes les truffes, galantines et pâtés, même amers, dont je l'ai nourri.
Zemmour n'aime pas Annie Lemoine. Soit. Alors pourquoi offrir sur un plateau une publicité dont rêveraient tant d'autres à une personne que l'on exècre? La dernière personne que j'ai vu se comporter de façon aussi déraisonnable, c'est la sorcière de Blanche-Neige, et sa pomme. J'en frémis encore.
Ma perplexité et mon effroi ne s'arrêtent pas là. Il y a aussi la littérature... Il y a quelque chose d'étrange et de terrible à se demander par quelle spirale infernale on passe de Zemmour à la littérature. Comme un trou noir dans la galaxie. « Degré Zéro de la littérature » a dit Zem (ou l'autre, mais c'est pareil, on ne va pas chipoter non plus). Et là, dans les abysses de mon esprit résonne une alarme assourdissante; Il y aurait donc une échelle? Comme celle de Richter? Littérature mesurable comme le PH dans les shampooings? Dieu du Ciel! Serait-ce à dire que tout ce qui se situe sous la moyenne ne mérite pas d'exister? Au bûcher! Ce qui me terrifie, dans cette histoire, c'est de ne pas savoir à quel niveau se situe la moyenne. J'ai, chez moi, quantité de livres, des chefs d'oeuvre incontestables, des merveilles d'écriture, des références, des cultes, des symboles, des emblèmes, des modèles, que, je l'avoue, je n'ai jamais réussi à lire. Notamment (j'ai honte, mais honte!) Ulysse de Joyce, qui surélève actuellement ma lampe de chevet, et dont je n'ai jamais, en dépit de tentatives nombreuses et appliquées, dépassé la cinquantième page. J'aime ses mots, ses phrases, mais mon esprit s'égare dans ses pages, baguenaude et me laisse perdue au milieu de l'ouvrage. Je sais, et il n'y a pas d'ironie dans ces propos, qu'il s'agit d'une oeuvre majeure, d'un auteur génial. Mais je n'y arrive pas!!!! Et si la moyenne édictée sur l'échelle de Zemmour se situait là, au niveau de Joyce qui m'échappe? Cela signifie-t-il que toute littérature en-dessous de ce seuil critique devrait disparaître? Que jusqu'à la fin de mes jours, je doive renoncer à lire ou accepter de passer des soirées laborieuses à parcourir des lignes et des lignes sublimes auxquelles je n'intique ( note du traducteur: intiquer = comprendre) rien? Damned! Jusqu'à mon dernier soupir, les 50 mêmes pages... Bloom et son savon à barbe... A la vie à la mort.
Je vous entends d'ici, sentencieux: « Petite Oie blanche! C'est du spectacle, pas de la littérature! » . Certes, j'en joue, de ma candeur charmante. Je le sais bien qu'il s'agit de spectacle, d'un show savamment orchestré et que rien n'attire plus que la méchanceté, en ce sens que la violence des propos jouerait le rôle de la catharsis du théâtre antique (quand je vous dis que j'ai un peu de culture). Mais encore une fois, expliquez-moi. Pourquoi Zemmour? On veut du sang, des larmes, du drame. Ok. Des gladiateurs dans l'arène, des chrétiens dévorés par des lions. Mais franchement... Zemmour... Un gladiateur.... Qu'on me donne le même spectacle dans les vestiaires du XV de France après le match (après, pas avant le match, rapport à la sueur qui fait la peau luisante), et là, je signe tout de suite. Je veux bien tout lire, Joyce, Lemoine, tout tout tout, pourvu que ce me soit demandé par un rétiaire musculeux.
Si Zemmour se voit attribuer par l'Académie une quelconque mission cathartique, je veux et j'exige que son alter ego, Tullius Detritus ( in La Zizanie, Goscinny et Uderzo) bénéficie du même traitement.
Je sais. Je ne suis pas obligée. Je peux éteindre ma télé. Mais je fais ce que je veux, parce que c'est MA télé et MON blog. Non mais...