Au terme d’une revue du rôle central du consentement dans les débats contemporains sur la prévention des crimes et violences sexuels, l’auteure tout en soulignant les ambiguïtés de ce concept montre que le seul recours au système pénal fondé sur le consentement, pour nécessaire qu’il soit, ne sera pas suffisant pour « accéder à une vie sexuelle non seulement morale, mais joyeuse et épanouie ». Le consentement n’est-il pas dans certains cas que l’acceptation parfois tendre, mais parfois résignée, d’un jeu de rôle induit par le déploiement d’une situation ? Ainsi d’une rencontre en soirée qui se prolonge au bout de la nuit dans un bar puis dans une chambre d’hôtel…
Pour échapper au risque d’une expérience sexuelle décevante, car fondée sur un consentement résigné, Manon Garcia appelle de ses vœux un profond changement social dont une des principales voies sera l’éducation sexuelle. Une éducation qui devra selon elle éviter de « tomber dans les travers des leçons embarrassantes des cours de biologie de classe de quatrième ». Si nous partageons pleinement le point de vue de la philosophe quant au rôle clé de l’éducation pour contribuer à l’avènement d’une conversation des sexes dans la joie, son jugement de l’approche de la sexualité au collège en classe de quatrième n’est-il pas trop sévère ? Les cours de biologie sont-ils vraiment inutiles ? La connaissance anatomique de soi et d’autrui, la compréhension des cycles menstruels et de leur rôle dans l’avènement d’une maternité, mais aussi la sensibilisation aux risques des violences sexuelles et sexistes ainsi que la nécessaire prévention des conduites à risque sanitaire, s’ils ne garantissent pas la découverte d’une sexualité épanouie en définissent néanmoins des conditions favorables.
Pour se faire une idée plus précise des enjeux, des principes et des objectifs de l’éducation à la sexualité en quatrième, le lecteur pourra consulter avec profit le programme d’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité édité par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Loin de ne concerner que l’enseignement de la biologie, le programme invite au contraire à une mise en œuvre pédagogique collégiale et interdisciplinaire de l’éducation à la sexualité. En complément des cours sont proposés aux élèves de quatrième plus de trente sexotutos en accès libre sur la plateforme LuMny (2) comme Le Désir, La Drague, Le sexe avec pénétration, Le plaisir, Le consentement…
Mais l’éducation à la sexualité n’est pas qu’affaire d’éducation formelle à l’école ou non formelle dans le cadre de l’éducation populaire, elle est le plus souvent le fruit d’un apprentissage non structuré à travers les expériences, les rencontres et la recherche de représentations imagées, aujourd’hui principalement en ligne. C’est précisément là que se joue chez de nombreux jeunes l’élaboration d’une représentation de la sexualité tristement dominée par une pornographie de plus en plus gore.
Dans les années 90 au cours d’une séquence pédagogique de sensibilisation aux risques d’une représentation de la sexualité induite par la pornographie, un jeune apprenti menuisier nous faisait remarquer qu’il était bien difficile d’accéder à d’autres représentations des pratiques sexuelles que celles proposées par la pornographie. La situation a-t-elle vraiment changé ? Comment alors détourner nos jeunes préadolescents et adolescents de ces représentations brutales ? Question vive s’il en est, car dans ces conditions comment permettre aux jeunes d’accéder à des pratiques sexuelles faisant toute sa place à la conversation des sexes ? Question vive, mais pas insurmontable tant les ressources offertes par le cinéma, l’ensemble des arts visuels et la puissance évocatrice de la littérature ouvrent le champ des possibles. Renoncer et abandonner à la seule pornographie la représentation imagée de la sexualité, ne reviendrait-il pas à pousser notre jeunesse dans les bras tentaculaires de l’industrie pornographique ?
1 - Publié aux éditions Fammarion en 2023
2 - LUMNI pour Ludique, Utile, Modulaire, Numérique et interactif. 39 ressources dont une indisponible : celle consacrée à l'IVG. Pourquoi ?