
Le corbeau croassait
Quel drôle de troupeau
ce troupeau
avançant à pas lent
derrière d'autres troupeaux
un à un dans ce troupeau
se baissait
en rythme et en cadence
ramassait
une pierre ou deux
puis la déposait
dans la hotte de son voisin
de son précédant
de son succédant
ainsi allaient-ils
grimaçant et pérorant
lourds sur le chemin
ils dormaient souvent en marchant
pour certains
ils ne se souvenaient pas
d'avoir jamais fais autrement
Ainsi dans le troupeau
assoupi et lourdaud
tous les discours
tournaient autour du pot
du caillou
trop gros
trop pointu
trop rond
trop caillou
déposé malgré tout
chez chacun de ces dos ronds
quelque fois les premiers s'asseyaient
les autres alors tombaient
là ou ils s'arrêtaient
appréciant à leur corps défendant
la halte
pas de plaisir au repos
La palabre reprenait
tout le troupeau piaillait
d'une voie de fausset
la grande affaire commençait
le commerce des cailloux les mobilisaient
adeptes des pointus
des carrés
des ronds
s'évertuaient de persuader
les adeptes
des carrés
des ronds
des pointus.
La tempête menaçait
le grand marché grondait
tous devaient
dans la confrérie
être honorablement nanti
de carré plus carré
de rond plus rond
de pointu plus pointu
afin que leur importance
soit à la mesure de leurs cailloux
plus carrés, plus ronds, plus pointus
alors satisfaits, insatisfaits
dans la poussière
des pertes et profits
laissant là les démunis
ils reprenaient leur autoroute
en troupeau
le dos rond
le nez dans les cailloux
les poches remplies de boue
l'esprit dans les choux
sous le vol d'un hibou.
