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Billet de blog 8 avril 2013

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La devinette qui tue

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Faut-il attendre que l'autre ait l'envie de dire ou peut-on essayer de deviner ?
Partons d'une situation en réponse à une question: elle a reconnu qu'elle n'arrivera pas à l'écrire, peut-être à le dire, un jour, et encore... dur dur....
C'est difficile de savoir si c'est seulement dur à sortir ou si c'est dur de penser que l'autre pourrait savoir : le dur à sortir peut se régler par la devinette, les indices, un mot de trop ou un oubli de masquage ultérieur.
Dans ce cas finalement c'est plutôt un soulagement de ne plus avoir à dire en sachant que l'autre sait et que le sujet n'aura plus à être abordé.
Celui qui a deviné ce qui était dur à dire aura sans doute le tact de ne pas revenir sur le passage douloureux et intégrera progressivement le résultat dans ce que les deux savent et connaissent l'un de l'autre, jusqu'à ce qu'un jour la difficulté à le dire devienne aussi objet de plaisanterie ou d'amusement, comme étape franchie et surmontée.
Si par contre le blocage n'est pas dans la sortie de l'info mais dans la connaissance elle-même, les tentatives de deviner sont prises comme des intrusions et reviennent à forcer une divulgation non souhaitée : ce n'est plus un soulagement de voir l'autre deviner ce qu'on n'ose pas dire, mais une crainte qu'il arrive à savoir ce qu'on veut lui cacher.
Si savoir peut mettre en péril la relation (la devinette qui tue), c'est que cette relation est déjà compromise par la contradiction : ne plus chercher à savoir c'est bâtir un placard à mensonges ou un masque de sujets à éviter. C'est donc dégrader à long terme la relation pour la préserver temporairement, ou bien remplir la valise à rancœurs avec ce sujet pour ne plus y revenir.
Mais quand la valise est pleine un jour on part avec ou on la balance à la figure de l'autre, ce n'est pas plus réjouissant pour la relation, mais finalement s'il y avait des choses importantes à cacher et impossibles à avouer, c'est qu'elle était peut-être déjà mal partie ?
Dans le premier cas il faut chercher à deviner pour le bien des deux, dans le deuxième il ne faut surtout pas le faire sous peine de provoquer une crise. Alors comment savoir ?
Ma conclusion provisoire est que deviner dans le premier cas peut être un moindre mal si le basculement vers le positif du non-dit par sa sortie malgré la difficulté, augmenté de la franchise de l'un et de l'a bienveillance de l'autre, n'est pas possible.
Ce peut être un moyen plus facile mais plus long d'aboutir au même état d'équilibre, de passer "à travers" l'obstacle ou la barrière énergétique du chemin de réaction : deviner c'est alors catalyser doucement la divulgation, la faciliter sans l'accélérer, et sans forcer un des réactifs à des contraintes ou des inflammations excessives.
Garder le bandeau sur les yeux, suffisamment longtemps pour que l'interdit s'estompe, pour garder la magie de la relation, pour prolonger l'instant...
Dans le deuxième cas la situation finale est explosive : l'un ne veut pas que l'autre sache, et soupçonnera toujours qu'il y arrive ou y soit déjà arrivé. Si on le suppose intelligent, observateur et attentif, il finira forcément par y arriver, sauf à renoncer à au moins une de ces qualités, donc je ne vois pas de solution.
Alors tant pis...

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