Or les facteurs de pression sur le coût du travail se sont largement diversifiés après la guerre des salaires dans des entreprises traditionnelles, déjà perdue, qui fait que les polonais fabriquent des téléviseurs, des lave-vaisselle ou des lave-linge aussi bien et moins cher que des français:
- coût de la main-d'oeuvre dans un pays proche pour les maçons roumains plus fréquents maintenant que le proverbial plombier polonais de la directive Bolkenstein
- coût de la main-d'oeuvre internationale pour les services peu spécialisés (le turc mécanique de Voltaire est passé chez Amazon)
- concurrence des pays à faible niveau de vie pour les services intermédiaires: centres d'appels, prise de rendez-vous, prospection commerciale peuvent parfaitement êtres assurés depuis l'Algérie, le Maroc ou l'Inde
- internationalisation du marché des services spécialisés, des traducteurs canadiens, marocains ou camerounais peuvent travailler directement avec des entreprises françaises, indiennes ou chinoises: tant qu'à travailler par e-mail ou téléphone, la localisation importe peu, les développeurs "offshore" ont aussi fait la fortune des SSII
- concurrence des particuliers: un locataire en meublé chez AirBnB concurrence directement les chambres d'hôtes ou les hôtels, les abus de Blablacar ou l'interdiction de Uberpop relèvent du même principe
- s'additionnant à l'ensemble des points précédents, l'apparition du travail à temps partiel, des activités multiples (slashing en mauvais franglais) ou des semi-professionnels tend à baisser le coût horaire: pour une activité complémentaire on est moins exigeant, c'est mieux que rien, c'est du beurre dans les épinards ou ça boucle les fins de mois
- la "légalisation" de toutes ces astuces qui ne sont que des variations du travail au noir, du prêt de main-d'oeuvre, de la sous-traitance en cascade ou de l'exploitation de plus malheureux que soi, par les plates-formes de mise en relation de consommateurs de travail avec des fournisseurs de main-d'oeuvre.
Uber ou AirBnB font fortune en reliant des plus aisés qui paieront moins à des moins favorisés qui travaillent plus pour gagner moins: on abaisse à la fois le coût psychologique ou de concurrence du service et le tarif horaire de la main-d'oeuvre; l'effet est doublement déflationniste, et si les penseurs de la BCE ne l'ont pas encore envisagé, les chauffeurs Uber font à la fois baisser le chômage vu qu'ils sont auto-entrepreneurs et baisser le coût du travail et des services en concurrençant les chauffeurs salariés et et abaissant le coût de marché du service.
La conversion des salariés au chômage en auto-entrepreneurs a donc un effet fortement déflationniste sur les prix comme sur les salaires, et la BCE continue de lutter contre l'inflation (c'est dans ses statuts) alors que le gouvernement continue de "lutter contre le chômage" en favorisant le mouvement.
Le gouvernement Macron comme les autres en Europe est là face à un défi, plus sensible dans les pays à excès de main-doeuvre (France et sud de l'Europe) que dans ceux en pénurie (Allemagne), et il faudra aller plus loin que la réflexion (dix ans déjà!) de la commission Attali qui a renoncé à la réforme des taxis et accouché d'un secteur du transport routier encore peu mature.