Après avoir été contrainte de quitter le Mali, le Burkina-Faso et bientôt le Niger (qui lui fournit son uranium militaire, raison pour laquelle elle tente désespérément de s'y accrocher), la France pourrait bien se faire expulser d'un pilier de son "pré carré" africain, le Gabon.
En effet ce petit pays d'Afrique centrale organisait samedi 26 août des élections générales. qui viennent de déboucher sur un tsunami. Malgré un AVC qui l'a laissé valétudinaire, Ali Bongo, "le distingué camarade" du Parti Démocratique Gabonais, comme l'appelait affectueusement la télévision nationale, entendait bien rempiler pour 5 ans après avoir déjà régné 14 ans et avoir succédé à son père Omar qui lui était resté 42 ans au pouvoir. Le système "Bongo -PDG" exploitait donc ce pays depuis près de 60 ans, avec la bénédiction de l'Élysée qui l'a installé pour le plus grand bénéfice des intérêts économiques et stratégiques français. D'où ce scandale d'un pays riche, un des plus riches du continent africain, où la population tente de survivre dans la misère pendant qu'une "élite" corrompue se goberge sans vergogne dans la pompe et le luxe.
Depuis son "indépendance", en 1960, le Gabon a connu 5 élections présidentielles avant celle de samedi dernier: aucune n'a jamais été gagnée par les Bongo, père ou fils. Mais ils ont toujours refusé de reconnaître leurs défaites et ont toujours réussi à perpétuer leur pouvoir par la force avec le soutien plus ou moins avoué de la France, qui maintient à Libreville une force militaire permanente. En 2016, c'est l'opposant Jean Ping qui remporte le scrutin : pour une fois il peut apporter la preuve de sa victoire attestée par les copies des procès verbaux certifiés du dépouillements recueillis dans tous les bureaux de vote par ses partisans. Les observateurs de l'union européenne expriment leurs doutes sur les résultats officiels du scrutin. Rien n'y fait:Ali Bongo se déclare vainqueur, et fait tirer à l'arme lourde sur la population révoltée, à quelques pas de la base de l'armée française qui ne bouge pas; François Hollande le parrain françafricain de l'époque entérine le coup de force: dans la patrie autoproclamée des Droits de l'Homme le business et la déraison d'État sont imperméables à la morale et à l'humanisme...
Cette année ces élections étaient organisées dans des conditions qui faisaient craindre le pire: aucun journaliste étranger ni aucun observateur international n'avait reçu d'accréditation pour suivre le scrutin. Les règles ont été changées alors que la campagne était déjà lancée, avec l'imposition d'un bulletin unique pour les présidentielles et les législatives, ce qui oblige l'électeur à voter pour le même parti dans ces deux élections. Concernant les présidentielles 19 candidats ont été validés pour un scrutin à un seul tour. Une semaine avant le jour du vote une plate- forme de l'opposition "Alternance 2023" voyait 6 des principaux challengers décider de se ranger derrière l'un d'entre eux ; cette candidature consensuelle était celle du candidat indépendant Albert Ondo Ossa. Le 26 août dès le début des opérations les observateurs de l'opposition dénonçaient une situation chaotique: non ouverture de nombreux bureaux de vote dont celui du principal candidat de l'opposition qui n'a ouvert que 8 heures après l'heure prévue; absence de bulletins du professeur Ondo Ossa à de nombreux endroits, mais présence de bulletins aux noms des candidats qui se sont désistés;urnes arrivant déja "garnies"; tentatives d'achat de votes en faveur d' Ali Bongo; manque d'enveloppes; refus de la présence de scrutateurs de l'opposition... Devant la dénonciation de ces irrégularités le pouvoir décidait dans l'après-midi de samedi d'instaurer le couvre feu de 19 heures à 6 heures du matin jusqu'à nouvel ordre ainsi que la coupure immédiate d'internet sous prétexte d'éviter la propagation de fake-news susceptibles de créer des troubles. Il décidait aussi de suspendre la diffusion de RFI, France 24 et TV 5 Monde accusés de manquer d'objectivité et de ne pas respecter l'équilibre entre les candidats, ce qui ne peut que prêter à rire quand on connaît "l'objectivité" de la chaine de télévision d'état Gabon 1ère. Les frontières étant fermées, on se retrouvait donc avec un pays totalement coupé du monde où le pouvoir pouvait se livrer à toutes les exactions possibles à huis clos. La désignation du candidat consensuel avait soulevé une vague de scepticisme parmi les journalistes français mettant en avant le peu de notoriété du professeur, la courte durée de sa campagne réduite à une semaine et son manque de moyens financiers face à la débauche d'argent à la disposition du président "sortant". C'était faire preuve d'aveuglement face au rejet total du système Bongo-PDG-Françafrique de la part de la population: selon la parole d'un opposant, si Ali Bongo avait été opposé à un chien, les Gabonais auraient voté pour le chien! Les éléments qui ont pu nous parvenir malgré l'isolement du pays et grâce au travail remarquable des activistes ont démontré qu'une fois de plus Ali Bongo a été sévèrement battu, non seulement dans tous les bureaux de la diaspora mais aussi dans toutes les provinces du Gabon. Les opposants disposent de copies de tous les procès verbaux certifiés authentifiant leur victoire mais les évènements de 2016 ont prouvé que les hommes au pouvoir étaient prêts à toutes les atrocités pour y rester. On apprenait sans surprise que les rues de Libreville étaient quadrillées par l'armée, qui encerclait aussi le QG du vainqueur et son domicile. Mardi matin M. Francky Meboon chargé de la communication de la plateforme Alternance 2023 était arrêté à son domicile. Trois jours après les opérations électorales aucun résultat officiel n'était annoncé ce qui faisait craindre à juste titre des tripatouillages: ainsi les Gabonais du Rwanda n'ont pas pu voter, leur ambassade n'ayant pas jugé bon d'établir un bureau de vote; pourtant une information laissait entendre que les autorités s'apprêtaient à annoncer une victoire d'Ali Bongo au Rwanda avec 100% des voix! D'autres informations faisaient état d'opérations de correction des PV afin de donner une majorité de voix au despote. Mardi soir l'électricité a été coupée ce qui laissait supposer que quelque chose se préparait. Cela s'est confirmé dans la nuit quand vers 3 heures du matin, le président du Centre Gabonais des Élections annonçait la victoire d'Ali Bongo avec 64,27% des voix contre 30,77 au professeur Ondo Ossa, ce qui était tout à fait contraire aux comptages effectués par les opposants sur la base des procès verbaux de dépouillement. À ce moment tout est en place pour le scénario du pire. Le peuple gabonais a une telle soif de changement qu' il semble évident qu'il ne se laissera pas voler son vote une nouvelle fois, ce qui fait craindre une nouvelle répression sanglante et peut être une guerre civile... C'est alors que survient un évènement imprévu: l'armée gabonaise peut-être influencée par les prières des activistes lui demandant de faire preuve de patriotisme décide d'intervenir et déclenche un coup d'État. Ali Bongo est renversé et placé en résidence surveillée, les principaux dirigeants sont arrêtés, Les insurgés promettent une transition vers la démocratie. On peut évidemment être dubitatif devant cette prise de pouvoir par l'armée mais il faut tout de même convenir que cette action a permis d'éviter le bain de sang annoncé.On peut donc considérer cet évènement comme un moindre mal. Le renversement du régime françafricain Bongo-PDG a provoqué des scènes de liesse dans tout le pays où la population fraternise avec cette armée qu'elle craignait tant la veille. Cet état de grâce sera-t-il durable? Le Comité Transitoire de restauration des Institutions répondra-t-il à tous les espoirs placés en lui? Seul l'avenir le dira. Une chose est sûre: les choses ne seront plus jamais comme avant et on peut légitimement penser que les Gabonais sont en passe de planter un des derniers clous dans le cercueil de la françafrique. C'est pourquoi, en tant que fédéraliste breton je leur fait part de mon fraternelle solidarité et de mes sincères remerciements.
Nous savons que la "démocratie" française est viciée par une tare originelle qui s'incarne dans le bonapartisme jacobin de notre république monarchique, autoritaire à l'intérieur et impérialiste à l'extérieur; la françafrique, cette affreuse verrue purulente sur le visage de Marianne qui l' a transformée en affreuse sorcière, en est une manifestation évidente. Les peuples de France en lutte contre une forme de "colonialisme intérieur", et tous ceux qui militent pour une démocratie purifiée, ont donc des intérêts communs avec les peuples africains en lutte contre le néocolonialisme oppresseur de Paris toujours prêt à aider les dictateurs contre leurs peuples. Apporter notre soutien à ces peuples opprimés, est ainsi plus qu'un devoir, c'est une impérieuse nécessité si nous voulons refonder une véritable démocratie dans notre pays. Accepter plus longtemps que notre État-Nation au nom de sa prétendue grandeur mène une politique extérieure aussi haîssable est indigne de vrais démocrates...