Mon nom est Eric, Eric Zemmour. Je suis juif, juif arabe pour tout dire. J’ai entrepris, tel un nouveau Caligula, d’affirmer face à un monde sidéré, ma liberté sans limites. A moi seul, j’incarne la triomphante absurdité de la condition humaine, je fais naître l’ignominie de la vertu proclamée, j’écrase de ma haine les cloportes qui pourraient se croire mes proches, et j’adoube, sous des cieux étonnés, mes ennemis, qui vacillent sous le poids de ma bonté.
Je me suis réchauffé toutes ces années, au grand soleil des passions antijuives. Mais je me désole qu’elles s’expriment de manière aussi étriquée, qu’elles manquent de substance, qu’elles soient aveugles aux horreurs sans limite que leur absurdité rend pourtant possibles.
Alors, j’ai proclamé très haut que les juifs français ont, par Etat interposé, négocié leur survie en vouant à la mort la plus terrible, des enfants des femmes et des hommes, dont ils étaient les hôtes. A ces juifs miraculés, J’ai enjoint de se réjouir chaque jour des tortures indicibles que leurs frères étrangers ont subi à leur place. Tel les anciens grecs, je sais que l’histoire du malheur des autres est agréable aux humains, surtout si ce malheur devait être le leur. Et voilà que grâce à moi, les juifs apparaissent enfin dans leur vérité dernière : un peuple issu d’un sacrifice satanique, et justement accablé d’une dette de reconnaissance éternelle pour les estimables démons qui ont consenti à leur servir d’intermédiaires.
M’étant ainsi moi-même libéré, du poids de ma propre humanité, j’ai recruté la puissante armée des ennemis de mes deux fois cousins arabes. Et je vais leur montrer, à mes hommes, comment on se débarrasse des peuples sataniques. J’amputerai mes troupes de leurs parties civilisées, je leur ferai vomir la démocratie, la liberté, et toute la beauté de la nature, qui peut rendre nostalgique. Je les persuaderai qu’à ce prix, elles pourront enfin se débarrasser de ceux qui ne leur ressemblent pas, et atteindre ainsi, de toute évidence, au bonheur éternel.
Tel Jupiter tout puissant, j’ai organisé mon destin. Je sais que ceux que j’entraîne dans ma course insensée me haïssent entièrement. Quand j’aurai achevé de rendre l’innommable quotidien et que le monde sera ouvert à leur haine, alors ils se plaindront que les juifs, qui sont partout, ont finalement pris le contrôle par la ruse de leur glorieuse armée de patriotes, et ils me feront la peau.
Et je serai une légende.