Oui, je sais, c'est un peu du réchauffé, la choucroute n'est pas vraiment de saison, mais le cassoulet l'est-il plus ?
Il a quelques temps déjà, un soir, je fais bouillir l'eau pour les Spätzle et je coupe en frites le Kohlrabi de mon jardin : avec une bonne sauce béchamel, es schmeckt !
Mon épouse entre brusquement dans la cuisine :
« Qui a dit : « personne ne voudrait être allemand ! » ? »
Je sais pas ! Günther Grass ?
Non, un Français, un homme politique !
Mélenchon ? (je sais qu'elle sait que j'ai voté pour lui)
Bingo !
et elle sort de la cuisine comme elle y est entrée.
Je la suis et je lui demande de où elle tient ça : Facebook ! Albert Fretchen, un ancien collègue de travail qui s'est installé en France ; et il a écrit : « quel con, celui là ! »
Après le repas (Abendbrot), je me connecte : il s'agit d'un article du monde :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/06/09/personne-n-a-envie-d-etre-allemand-juge-jean-luc-melenchon_3426898_823448.html
« Personne n'a envie d'être allemand » C'est le titre de l'article qui reprend en fait une remarque de JLM de 15 secondes d' une interview radiodifusée de 50 minutes.
J'écoute tout l'interview, et, oui, c'est vrai, à la quarantième minute, à propos de la politique familiale, Jean-Luc Mélenchon dit :
« Mais, pour ceux qui s'intéressent à la vie, personne n'a envie d'être allemand. Ils sont plus pauvres que la moyenne, ils meurent plus tôt que les autres, ils n'ont pas de gosses, et leurs immigrés foutent le camp parce qu'ils ne veulent plus vivre avec eux, c'est dire »
Bon, on connait notre Jean-Luc ; il fait partie d'une génération, la mienne, qui a grandi avec Degaulle, Debré et l'obséssion démographique, la guerre au malthusianisme cause de la défaite. La dessus se greffe la réaction à la propagande prosélytique des contemplatifs de « l 'ordo-libéralisme », synonyme de « capitalisme rhénan » et de « social-démocratie nordique » suivant la mode et l'air du temps et dont l'unique commandement (au lieu des douze de la table originelle) pourrait s'énoncer comme ceci :
« Tu trouveras le bonheur éternel dans la soumission aux traités et dont le dernier est l'alpha et l'omega pour les siècles des siècles ». Ça énerve, c'est vrai ! Sauf que cette propagande prend sa source chez nous, en France et pas chez nos voisins.
Le contre-feu idéologique de JLM est-il en l'occurence efficace ? Je ne le sais pas.
Les mots employés et précautieusement sortis du paquet comme d'un Mikado par ceux qui, à l'évidence, attendaient au coin du bois, heurtent c'est sûr, les oreilles de l'Allemand(e) ordinaire, qui ne demande rien à personne et pense à vivre, comme tout un chacun, du mieux qu'il/elle peut et supporte les mesures Hartz IV, le 1€uro Job, la retraite à 67 ans (ç'est étalé jusqu'en 2020, moi c'est un peu plus de 65 et mon épouse née en 54 quelques mois de plus), la pauvreté qui gagne, c'est sûr, mais pas pour tout le monde, il faut bien ménager quelques catégories si on veut être élu car ils ont tous été à la même école, celle de Mme Thacher, 30 % suffisent pour rester vingt ans: bon, donc en gros c'est pas pire qu'en France !
Nous le répétons, les premiers de la classe, les chouchous du maître et des agences de notation, les lèche-cul du marché, ça énerve et pas qu'en France, en Allemagne aussi.
Cependant, le Français résidant en Allemagne depuis quelques temps maintenant, qui plus est, est marié à une Gretel et père d'enfants binationaux éprouve un malaise à l'écoute du propos.
Ah, si Jean-Luc avait dit simplement : « font chier ces Allemands », ou alors « vous nous faites chier avec vos Allemands », il serait resté encore au dessus de la xénophobie ordinaire répandue à peu près dans les mêmes proportions dans toute l'Europe : il m'est arrivé plus qu'une fois d'entendre « Sheiß Drecksack Franzose », que j'évite de traduire pour les mêmes raisons que celles de la petite souris de « la sorcière du placard à balais » (P. Gripari), en gros ça correspond à « sale Bosch » qui a, il me semble, disparu de notre univers culturel.
On nous dira que quelques politiciens allemands l'an passé, n'y ont pas non plus été de main morte, en tous cas dans le registre de la provocation : « L'Europe parle Allemand », « Ils n'ont qu'à vendre leurs îles ! », et j'en oublie, car on ne retient pas nécessairement ce genre d'inepties, pas plus que ceux tenus en 2007 par Sarkosy : « NOUS, nous n'avons pas inventé le concept de solution finale ! », mais il est vrai que dans ce dernier cas, la réflexion philosophique et historique s'étendait jusqu'à l'analyse de la société décadente soixantehuitarde et se concrétisait après l'élection par le « casse toi, pov' con ! » sans réussir toute fois à nous faire rire comme Tit'teuf. La réflexion sur le rôle de la femme, c'était pas mal non plus, vous vous souvenez ? Bon, passons !
Alors donc, qu'est-ce qui m'énerve moi dans la sortie de Jean-Luc Mélenchon ?
Il y a d'abord que Mélenchon n'est ni Sarkosy, ni Lepen, et donc nous voulons de l'intelligence de sa part: dans le personnel politique actuel, JLM est une personnalité qui tient souvent un discours pédagogique et qui voudrait s'adresser à la réflexion de ceux qui l'écoutent. JLM est dans le registre de la raison et de la persuasion. La phrase « personne ne voudrait être allemand » est en contradiction avec le discours attendu. Ah, oui, mais c'est, me direz vous, encore par soucis pédagogique : il faut démystifier ! Ouèp ! Aurait on dit du temps de Bush fils : « personne ne voudrait être Étatsuniens » ? On pourrait du reste prendre d'autres pays à titre exemplaire, mais nous nous en abstiendrons.
Revenons donc sur la formulation ; on aurait pu dire à la place : « les Allemands sont des égoistes ! » , de la même façon pour nous : « Les Français sont arrogants ! », ou alors « Les Grecs sont des fainéants ». Mais chacun sent bien que ne sommes pas au même niveau : il y a surtout le « voudrait ».
Tu voudrais être allemand toi ? Notez qu'un accord bilatéral permet aux Français et aux allemands de prendre la double nationalité et donc la question est bien concrète. Tu voudrais être allemand toi ?
Qu'est-ce qui t'en empêche ? L'héritage historique à assumer peut être ? Les Allemands l'assument en tous cas et dans une réaction à fleur de peau à tout ce qui ressemble à une résurgence du nazisme.
AH oui, l'Allemagne est réunifiée et les citoyens de la République Fédérale aiment, plus qu'en France je crois, à afficher ses couleurs, qui sur des drapeaux, qui sur des casquettes et même des chaussettes :
devraient ils y renoncer et se battre la coulpe ?
Ou peut être sommes nous tout simplement jaloux ? Mais enfin, quoi, les gentils, c'est nous ! Les Germains sont les méchants !
Et d'ailleurs relisez Astérix ! Personnage inventé par des Français d'origine italienne si on se réfère à leur nom. Tout le monde voudrait être Gaulois, pas vrai ? Sauf Obélix, il voudrait être russe, lui, à cause des impôts.
Il y a quelques jours, je tombe sur une emission de Arrêt sur Image concernant la sortie de L'Euro. Jean-Luc Mélenchon y participe. Et TOC ! Rebelotte ! Il reprononce la même phrase : « personne ne voudrait être allemand ! »et il dit : »J'assume ! ».
C'est bien d'assumer dans un studio, mais quand tu vis et travailles en Allemagne, que ton épouse est allemande et tes enfants aussi, que tu as des amis, des voisins, des collègues et même des camarades, que quand tu achètes ton pain dans une boulangerie de quartier on te reconnaît à ton accent alors là, c'est toi qui doit assumer pour un autre.