Didier Marlier (avatar)

Didier Marlier

technicien informatique

Abonné·e de Mediapart

26 Billets

1 Éditions

Billet de blog 24 février 2012

Didier Marlier (avatar)

Didier Marlier

technicien informatique

Abonné·e de Mediapart

Das Passiert in Deutschland Folge 3

Didier Marlier (avatar)

Didier Marlier

technicien informatique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quelques traces ici et là signalent encore son passage, les papiers gras collent aux chaussures, quelques boites en fer blanc poussées par le vent viennent se cogner sur les bordures de trottoir, les vêtements bariolés et maculés de soupe aux pois cassés séchée gisent devant la machine à laver, les masques déchirés grimacent de toutes leurs dents perdues. Les vieux sont rentrés chez eux, les parents à la fabrique et les enfants en classe. Des carambars oubliés dans le caniveau attendent les rats, qui viendront pour rien : le char-balaie et son infanterie en uniforme orange est plus rapide. Le carnaval terminé, on nettoie.

A Dresden, dans l’est, on avait fait bien les choses cette année, pour un nettoyage, c’était un nettoyage, autre chose que le Kärcher de Sarko, attention les yeux !

Le 13 février dernier était le 67 ème depuis le fameux bombardement allié.

Comme tous les ans, les néo-nazis du coin, d’Allemagne et d’Europe avaientt mobilisé leurs troupes, désignées sous le nom de « jeunes campagnards de l’est ("Junge Landsmannschaft Ost") pour une marche de démonstration, désignée par eux comme « convoi funèbre » dans la ville sur l’Elbe. Il y a deux ans, cette manifestation était encore une des plus importantes dans le genre.

Mais la désobéissance civile a, depuis, eu raison de ces reflux acides et brunâtres bien connus des thérapeutes antifascistes et comme l’a diagnostiqué le docteur Mélenchon récemment suscitent des névroses et développent la démence jusqu’à détruire la moitié du cerveau des personnes qui en sont atteintes.

Déjà en 2010, l’alliance « Dresden Nazifrei » avait bravé l’interdiction de contre-manifester dans le centre de la ville, donc dans la ville historique, là où les Nazis voulaient parader en paix et en chaussures à clous. Les services de sécurité du Land de Sachsen s'étaient alors livrés à des écoutes de portables des contre manifestants anti-nazis, parmis lesquels étaient mêlés des journalistes, des avocats et mêmes des députés du Land, qui furent donc écoutés en violation des lois: cette action a été jugée illégale en Octobre 2011 par les tribunaux.

L'interdiction a cependant de nouveau été bravée en 2011 et 2012, ceci malgré des procédures judiciaires contre les manifestants et même contre les présidents de groupe « Linke » des parlements de Sachsen, Thüringen et Hessen pour atteinte à la sécurité publique.

L'obstination et la désobéissance civile ont fini par payer.

Cette année, plus une goutte de nazi, on a fait tous les petits coins, en deux fois, les 13 et 18 février. Dresden est une ville propre : ICI!

Et c'est alors que ce jeudi 23 février 2012 à midi se fit un grand silence dans toute l'Allemagne, des bus et des trams s'arrêtèrent, des enfants, des ouvriers, des employés et, tenez vous bien, même Madame Merkel se sont arrêtés une minute.

Que s'est il passé ? J'ai bien peur que les évènements dont je vais vous parler maintenant ne soient, pour beaucoup d'entre vous, passés inaperçus, j'essaye d'être concis:

Cette histoire se résume en Allemagne sous le mot ahurissant de « Döner-Morde » inventé par on ne sait quel journaliste pour désigner une série d'assassinats en série entre 2000 et 2006 attribuée à une mafia turque qui réglerait des comptes internes en liaison avec le trafic de drogues. C'est un peu comme si des belges étaient assassinés en série et qu'on appelait ça « les crimes de la frite », ou bien que des crimes anti-français aux USA étaient qualifiés de "crimes camembert"!

Neuf assassinats, à l'aide du même pistolet, furent constatés durant ces années, disséminés dans toute l'Allemagne. Les victimes étaient des Turcs, ou d'origine turque, et un Grec. C'est un peu fastidieux, mais il faut faire la liste des victimes et des évènements:

Enver Şimşek, 39 ans, propriétaire d'un commerce de fleurs dans la région de Nüremberg,est trouvé assassiné le 9 septembre 2000.

Abdurrahim Özüdoğru, 49 ans, couturier, est assassiné par la même arme et dans la même région, le 13 juin 2001.

Süleyman Taşköprü, 31 ans, marchand de légumes, est assassiné le 27 juin 2001, dans la région de Hamburg, donc à l'opposé des précédents crimes, mais avec la même arme.

On en conclu que ces trois crimes sont liés entre eux et à mettre au compte de la grande criminalité, liée à la prostitution.

Habil Kılıç, 38 ans et également marchand de fruits et légumes, est assassiné dans le coin de München le 29 Août 2001. On soupçonne un règlement de compte interne à la mafia.

Mehmet Turgut, 25 ans, résidant illégalement en Allemagne, est assassiné le 25 février 2004 à Rostock dans l'imbiß (fastfood)de son ami à qui il rendait visite.

İsmail Yaşar, 50 ans, propriétaire d'un Döner-Kebab est assassiné, toujours par la même arme, le 5 juin 2005. La police criminelle oriente ses recherches dans les milieux de trafiquants de drogue en liaison avec la Hollande.

Theodoros Boulgarides, 41 ans , grec et copropriétaire d'un service de clé-minute est assassiné par la même arme à München le 15 juin 2005. La presse de boulevard fait des titres sur le thème: « La mafia turque frappe de nouveau! »

Mehmet Kubaşık,39 ans, propriétaire d'un kiosque est assassiné le 4 Avril 2006 à Dortmund. La communauté turque, qui attribue ces crimes à l'extrême droite organise une marche silencieuse.

Halit Yozgat, 21 ans, qui venait d'ouvrir un Café-Internet avec son père, est assassiné à Kassel le 6 avril 2006.

Je passe sur les détails de l'enquête, qui, d'une façon ou d'une autre attribue, comme la presse du reste, les crimes, d'abord à des organisations maffieuses liées aux milieux turques, puis à des organisations turques d'extrême droite, pour finalement, en novembre 2011, suite à la découverte de l'arme dans les décombres d'un appartement brûlé à Zwickau, orienter enfin ses recherches vers les milieux d'extrême droite.

On découvre finalement les responsables directes des crimes:

Un -Trio de Neo-Nazi Beate Zschäpe, Uwe Mundlos und Uwe Böhnhardt.

On découvre qu'ils sont également à l'origine d'un attentat à la bombe à Cologne le 9 juin 2004, mais, qui plus est, une enquête est ouverte sur le rôle des services de sécurité intérieure dans cette affaire.

Et voilà pourquoi, ce 23 février 2012, les citoyens allemands ont observé une minute de silence et que la Chancelière a qualifié les faits de honte pour l'Allemagne et présenté ses excuses aux victimes.

Photo Ver.di PUBLIK

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.