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Billet de blog 2 avril 2014

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Ainsi va le monde n° 238 – I comme... Investir

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Bienvenue à toutes et à tous

Un fidèle lecteur et auditeur attire mon attention sur la fortune d'un mot d'abord détourné de son sens premier et qu, après moultes pérégrinations, revint à son point de départ.

 Certains d'entre vous sont sans doute sollicités de temps à autre par des organismes bancaires ou d'assurances mobilisés en la circonstance pour vous offrir les clés d'un investissement profitable. En effet, voilà bien une question existentielle  : dans quoi investir ? La bourse, l'or, les CFD, le Forex ?. Où investir ? Ici, là, ailleurs ? Quand ? A quel moment ? Donc I comme... Investir.

 Le chemin est long et sinueux qui conduisit du latin vestire, « couvrir d'un vêtement, revêtir » à cet « investir » signifiant « placer des fonds en vue d'en tirer un revenu ». Au début de son histoire, vestire s'agit simplement de se vêtir, de s'habiller, de se couvrir. Sauf que très vite, le vêtement est utilisé à d'autres fins que « vêtir » et prend un tour symbolique pour marquer d'importance une situation ou un moment exceptionnels. Il est des circonstances où l'on ne s'habille pas n'importe comment : on se pare, on se garnit, on s'entoure d'atours.

A travers le vêtement, on signifie. Il devient un enjeu de différenciation sociale, une marque de distinction. Progressivement, il quitte son utilité première pour doter quelqu'un d'une qualité, lui conférer un pouvoir, bref l'investir. Une investiture consiste à remettre solennellement de la dignité à quelqu'un, par un objet, une pièce de vêtement, symbole du pouvoir. C'est mettre en possession d'une charge, d'un bien, fut-il symbolique.

 Par quel mystère, « investir » va devenir le moyen de signifier l'attaque, l'envahissement d'une citadelle ? Comme celle de Toulon investie par les corps des généraux Larminat et de Monsabert lors du débarquement sur les côtes de Provence du 19 au 27 août 1944. C'est que investire signifie « entourer étroitement » comme le fait un vêtement. Il est probable qu'un quidam, usant de la métaphore, imagina qu'une citadelle attaquée était comme un corps qu'on entourait d'un vêtement et devenait ainsi investie, cernée et ceinte de toutes parts.

 Les anglais récupérèrent le mot latin et en firent « to invest », c'est-à-dire employer ou placer des capitaux dans quelque chose, une entreprise ou un projet. Ils conservaient ainsi le sens de investire, signifiant doté et, comme dans l'investiture, conféraient à l'objet du placement une qualité supérieure. Sauf que la dite qualité n'a plus rien de symbolique. Ainsi, conférée, elle n'est que sonnante et trébuchante et se moque bien du symbole.

 Les habitants, perfides, d'Albion retrouvaient aussi dans la notion d'investissement le sens de l'attaque et de l'envahissement. Investir des capitaux dans une affaire c'est, quelque part, s'emparer de la dite affaire pour peu qu'elle soit promesse de lucre. Ainsi va le monde !

Didier Martz, philosophe pratiquant

jeudi 20 mars 2014

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