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Billet de blog 8 janv. 2014

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Ainsi va le monde n° 228 - O comme... Ostréiculture

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 O comme... Ostréiculture. L'ostréiculture, c'est l'élevage et la production d'huîtres, qu'en ces temps de fêtes les uns – pas les autres – consomment avec ferveur. La dégustation d'une huître peut faire oublier que la Banquise vient encore de perdre quelques centaines de kilomètres carrés de glace et bien d'autres choses encore. Il n'empêche qu'à la fonte des glaces correspond une élévation de la température de l'eau qui peut être fatale aux huîtres.

Il y a bien longtemps que l'on gruge, comme dit La fontaine dans l'huître et le plaideurs, que l'on gruge des huîtres même si la glace ne fond pas. On a découvert des amoncellements de coquilles d'huîtres datant de 5000 ans, preuve que nos anciens étaient des gourmets.

 Plus près de nous, Homère, dans le chant XVI de l'Iliade, relate le combat entre Patrocle et Hector. Patrocle par un coup heureux atteint Cébrion (le conducteur de char d’Hector) au front ; celui-ci tombe du char sous les railleries de Patrocle : « Ah ! qu’il est souple, celui-là ! quelle aisance dans ses sauts ! S’il se trouvait un jour sur la mer poissonneuse, ce chercheur d’huîtres-là nourrirait bien des gens, en sautant ainsi du haut d’une nef, même par gros temps. » Du temps d'Homère on faisait de l'humour et on mangeait des huîtres !

 Les grecs, qui ont inventé la démocratie sans les femmes, les enfants et les esclaves, savaient aussi être écologiques. Ils ne jetaient pas leurs coquilles d'huîtres dans la nature mais les réutilisaient pour pratiquer le bannissement. Et comme, ils n'avaient pas de mot sous la main, ils en ont inventé un en utilisant leur technique habituelle : prendre un préfixe et un suffixe et les coller ensemble. Ca a donné Ostracisme, d'ostrakon, tiré de ostreon qui signifie huître. Quel rapport entre le bannissement et l'huître ?

 A la fin du VIème siècle avant JC, Clisthène instaura le bannissement. Lorsqu'un un citoyen estimait que tel ou tel grand personnage dont l'ambition ou l'influence étaient devenues suspectes, il pouvait exiger qu'il soit exilé pour dix ans. Il suffisait pour obtenir gain de cause que son accusation soit soumise au vote de l'assemblée, l'ecclésia. On votait en inscrivant le nom de l'accusé sur une coquille d'huître. Plus tard, ce fut sur un tesson. Sans doute par manque de coquilles car une assemblée comportait 6000 citoyens, soit 3000 huîtres, et les bulletins de vote n'existaient pas.

 Au sens moderne, le mot ostracisme désigne l'exclusion d'une personne ou d'un groupe par la collectivité. C'est dommage. Peut-être pourrait-on revenir à la première formule et pratiquer l'ostracisme à l'ancienne dès lors qu'un grand personnage nous semblerait avoir une influence néfaste pour la cité ? Je crois savoir que certains, fortunés, préfèrent s'exiler d'eux-mêmes. Ainsi va le monde.

 Didier Martz, philosophe

le 9 janvier 2014

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