233 - E comme... Engagement
Bienvenue à toutes et à tous
E comme... Engagement. Engagement, engager, est l'action de mettre en gage. Le gage est ce que l'on dépose entre les mains de quelqu'un en garantie. Dans les jeux d'enfants, et peut être aussi des grands, le gage, c'est ce qui est déposé par les joueurs perdants et qu'ils ne peuvent récupérer qu'à la fin du jeu moyennant une pénitence. Dans l'engagement se loge la garantie, le contrat et la promesse. Tenir ses engagements, c'est tenir ses promesses.
Si l'engagement s'apparente à la transaction, il va bien au-delà. Il évoque la conscience politique, le courage, l'action. Il évoque un idéal auquel les individus vont se vouer, se consacrer. Le lexique de l’engagement fut florissant dans les années qui suivirent la seconde guerre mondiale. On parlait alors d'une époque « engagée », de « littérature engagée » ou encore de l’ « intellectuel engagé » dont les grandes figures furent, entre autres, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, André Malraux... et bien avant cela, au XIXème siècle, Emile Zola, engagé dans l'affaire Dreyfus.
Il semblerait que depuis ces années glorieuses de l'engagement, son lexique soit passé du registre politique au registre du commerce et du management. Si autrefois, on s'engageait dans l'action pour une cause à défendre et au nom d'un idéal, aujourd'hui lorsqu'il est question d'engagement, c'est d'engagement professionnel qu'il s'agit.
Ainsi, l'engagement dans l'organisation se définit, je cite, « par une attitude qui traduit la force des liens unissant l'individu à son travail. L'engagement implique l'attachement affectif (s'identifier à l'organisation), l'attachement instrumental (coût d'opportunité), enfin, l'attachement moral (obligation envers l'organisation). En effet, l'engagement est une notion proposée pour rendre compte d'une facette importante de la mobilisation du personnel dans une entreprise; elle traduit la nature et la force des liens qui unissent l'individu à son travail. » Fin de citation.
Ces dernières années, cette notion d'engagement a acquis de l'importance dans la gestion des organisations, peut-être en raison de la faiblesse des théories de la motivation ou de la satisfaction au travail pour suggérer des moyens d'améliorer la performance des employés. Les transformations que connaissent actuellement les organisations entraînent un climat de tensions qui oblige les gestionnaires à envisager cette voie pour améliorer la performance des employés et la qualité de vie au travail. Cette « philosophie » n'hésite pas d'ailleurs à invoquer le besoin de transcendance, de sens chez les individus et le besoin de se référer à des valeurs... celles de l'entreprise évidemment.
On est loin de l'engagement de première génération. Celui qui, dans un projet de transformation des choses, fait prendre des risques et des responsabilités. L’engagement est donc essentiellement action, mais action tournée vers autrui. De plus, une action qui vise le bien commun : l’engagement se réfère, s’adosse à un discours, même informulé, où il est question de notre devenir commun et des moyens de garantir une certaine harmonie. En ce sens, l’engagement est profondément moral et politique. Peut-être même est-il ce qui fonde le politique en ce qu’il ordonne les bons actes à un idéal et en ce qu’il supporte la confiance, la durabilité et la solidité du lien : La mise en œuvre d’une certaine conception de la sociabilité. Ainsi va le monde.
Didier Martz, jeudi 13 février 2014
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