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M comme... Morale. Morale ou Ethique ? Ethique ou Morale. L'une et l'autre furent longtemps confondues ne serait-ce que pour leur parenté étymologique. Morale vient du latin mores, moeurs. Ethique vient du grec êthikon ou ethos qui signifie aussi moeurs. Aujourd'hui, la tendance est à les distinguer.
D'abord, la morale. La prochaine fois, l'éthique. La morale est ce qui est conforme aux bonnes moeurs gardées par un corpus de règles, de principes, de commandements. Pour se justifier elle doit se référer à quelque chose qui lui est supérieure : une certaine conception du bien. Or, nous le savons, les conceptions peuvent varier selon que l'on se trouve au-delà ou en-deçà des Pyrénées, de l'Atlantique ou de la Méditerranée. Ou encore selon les époques. Ainsi n'importe quel salaud peut avoir une morale comme le bon officier S.S. dans sa tâche d'extermination. Aussi faut-il à chaque fois renvoyer à un contexte social et historique, aux intérêts idéologiques pour répondre à la question « Au nom de quoi ? », au nom de quoi s'impose telle ou telle règle ou tel ou tel principe moral.
Quelles qu'elles soient, elles ont un point commun : la morale ne dit pas ce qui est mais ce qui doit ou devrait être. La morale oblige, elle commande. Elle nous place hors de nous-mêmes contre nos intérêts immédiats et nos désirs. J'en prendrai pour preuve ce qui arrive à Milou, le chien de Tintin dans l'album Le sceptre d'Ottokar.
Dans cette aventure, les méchants se sont emparés du sceptre du prince Ottokar. Sans ce bâton de commandement qui signe la suprématie de son pouvoir, le prince ne pourra être intronisé le jour de la cérémonie qui est imminent. Tintin finit par le récupérer, court la nuit tombante au palais, met la main à la poche : plus de sceptre ! Stupeur et damnation ! Effroi et angoisse ! Que va-t-il se passer ?
Fort heureusement, Milou qui rentre lentement au Palais trouve sur le chemin le sceptre à l'abandon. Fier de sa découverte et nanti d'une responsabilité importante, il poursuit sa route non sans avoir au passage souligné l'irresponsabilité de Tintin, formulé par l'exclamation : « Heureusement que je suis là » !
Sauf que Milou va tomber sur un os. Au sens propre et figuré. D'un côté l'os réel, appétissant, tentant ; de l'autre l'os figuré de la conscience morale confrontée au désir de Milou pour les os en général et pour celui-ci en particulier. L'os, le sceptre ? Le sceptre, l'os ? Le plaisir est plus fort : Milou prend l'os dans la gueule et laisse le sceptre sur le chemin. A peine a-t-il fait quelques pas que la morale intervient. Elle intervient dans une bulle, sous les traits d'un Tintin fulminant plein d'éclairs et d'orage. Tintin-la-morale commande : tu ne dois pas céder à ton désir, tu dois rapporter le sceptre ! Milou obéit, reprend le sceptre, arrive au Palais sous les ovations mais il n'en pense pas moins – ou pense encore à son os.
La morale met « hors du soi » pour qu'il se tourne, bon gré, mal gré, vers les autres. C'est ainsi que va le monde !
Didier Martz, philosophe
29 mai 2014
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