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Billet de blog 13 mars 2012

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154 - Monsieur Martin Winterkorn et Madame Carpentier

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Une dépêche de l'AFP nous informe que Monsieur Martin Winterkorn, le patron de la firme automobile Volksvagen, recevra pour l'année 2011, 17.456.206 millions d'euros de salaire, reflet des bénéfices inédits engrangés par le groupe qu'il dirige. M. Winterkorn double ainsi quasiment son salaire par rapport à 2010 (9,33 millions d'euros).

La somme correspond à un salaire fixe de 1,89 million d'euros, un bonus de 11,04 millions d'euros et une "prime de performance de long terme" (basée sur les quatre dernières années) de 3,67 millions d'euros. S'y ajoutent 860.000 euros de rattrapage non versés en 2010.

Madame Carpentier touche, elle, 483 euros par mois soit cinq mille euros environ pour l'année. Elle a bénéficié récemment d'un rattrapage sur l'année précédente de 83 euros. Elle vit seule avec deux enfants, complète ses revenus par des « petits boulots ». L'électricité lui a été coupée quelques jours pour défaut de paiement de ses factures. Elle a passé la journée à la médiathèque avec ses enfants à cause du froid. On dira d'elle qu'elle est assistée.

Monsieur Martin Winterkorn a sans aucun doute bien mérité son salaire. Madame Carpentier n'a aucun mérite sauf celui d'élever ses enfants et de survivre.

Je conviens que le parallèle entre les deux situations est facile. Le procédé est connu. Marc-Antoine au cours de son discours, brandit la tunique ensanglantée de César assassiné par Brutus pour appeler, en jouant sur son émotion, à la vengeance du peuple.

Dans le cas présent, il est presque évident que le rapprochement entre les deux situations va heurter le sentiment commun de justice et nous faire crier « haro sur le baudet » (pardon monsieur Martin Winterkorn). Qu'il se rassure nous ne ferons que crier et nous indigner. Peut être même irons-nous jusqu'à lever, non pas le petit doigt, mais l'index de la main droite, pour les droitiers, pour signer en un clic, la xème pétition dénonçant les inégalités et l'injustice.

Pourquoi pas ? Mais là n'est pas mon objectif. Georges Steiner, philosophe, critique littéraire et romancier, s'interrogeait dans son ouvrage « Dans le château de barbe Bleue » sur le fait que pouvaient se côtoyer dans un même monde de l'humain et de l'inhumain et fleurir « très près, dans le temps et l'espace, des lieux de massacre et des camps de la mort ».

Autres temps, autres lieux. Nous avons évolué et grandi depuis. Mais il faut bien nous questionner sur la persistance durable du « bon » voisinage de Monsieur Martin Winterkorn et de madame Carpentier dans des sociétés développées, démocratiques, humanistes et ce, malgré l'indignation, malgré les pétitions, malgré les cris. Cette interrogation est nécessaire si nous voulons donner quelque consistance à la notion de valeur morale.

Ainsi va le monde,

Didier Martz, les 15 et 16 mars 2012

A écouter en web-radio sur http://www.reims-web.com/ces-gens-la/index.php/chronique-audio-ainsi-va-le-monde-didier-martz.php

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