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Billet de blog 16 octobre 2014

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Ainsi va le monde n°256 - Assassinats

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Ainsi va le monde n°256 - Assassinats

 Au cours de l’été, deux journalistes américains ont été décapités. Un citoyen français a subi récemment le même sort. On est sidérés, on a froid. La parole manque. Il faudrait que tout s'arrête. Mais non ! On entend les protestations, les émotions, les condamnations, l'unité nationale se forme. C'est dit, on n'a pas peur et on ne se laissera pas faire ! En 1914, l'union était sacrée, celle-ci ne l'est pas. Toute la sacralité qui devrait accompagner un tel acte est absente. Totalement absente. La vie, oui la vie (sic), continue.

J'ai rappelé ici qu'autrefois, on pouvait interrompre un film pour annoncer la mort de Georges Pompidou, lâcher toutes les émissions de la journée d'une radio au profit de musiques graves et sombres pour marquer la mort d'un journaliste. Aujourd'hui rien de tout cela.

 La télévision expose de manière obscène le condamné dans l'attente de son assassinat. Et d'ailleurs un journaliste des matinales nous rappelle avec bonté et au nom du devoir d'informer que la vidéo est visible en ligne. Télévision et radio, passent ensuite sans transition, à la publicité pour la dernière voiture qui emmène sur fond d'horizons dégagés vers les joies du vivre libre ou déversent dans nos oreilles attristées la météo du jour pour une compensation factice : grand soleil sur toute la France annonce le benêt, même au nord de la Loire. Soleil, indifférent, qui au moment où il chauffe des corps étalés sur des plages de sable fin, brûle en même temps la tête des condamnés. Le soleil dardant à égalité ses rayons indécents sur le ventre affamé de l'enfant comme sur celui, obèse, de l'homme saturé d'aliments.

Les médias sont des soleils. Ils éclairent indifféremment actes barbares, objets de consommation, événements culturels et tutti quanti. Georges Steiner notait que pendant l'extermination des Juifs, Tziganes et autres Roms, « une grande partie, je cite, de l'intelligentsia européenne et nombre d'institutions de culture firent à l'inhumain un accueil non dépourvu de chaleur. Rien dans le monde tout proche de Dachau, ne venait troubler la saison de musique de chambre de Beethoven dont s'enorgueillissait Munich. Les toiles ne tombaient pas des murs quand les bourreaux parcouraient respectueusement les galeries, catalogue en main. » Fin de citation.

Non, hormis les incantations d'usage et passagères, plus rien ne vient troubler le rythme tranquille de la vie ordinaire des médias. Les toiles ne tombent pas des murs des musées, la Joconde sourit toujours aux touristes blasés, les embouteillages sur l'A 86 se rient des automobilistes libres dans leur voiture libre. Pas une minute de silence, pas une attention qui ne précède un tel événement simplement pour rappeler qu'un homme est mort simplement parce qu'il était un homme.

 Comble de perversité, on a demandé, sinon sommé, les musulmans de France, français donc, de signifier leur indignation, de prendre position. Pas aux Juifs, aux Chrétiens, aux Boudhistes, au syndicat, avec le respect que je lui dois, des coiffeurs ou des garagistes... tous français. Non aux musulmans, d'abord musulmans avant d'être français, parce que quand même, de près ou de loin, et plutôt de près que de loin, ils avaient quelque chose à voir avec le djihad de fer, l'Etat Islamique et le khalifat saugrenu. Et comme ils passaient devant la caméra ou le micro, ils ont répondu. L'honneur fut sauf mais dans les grandes chaumières médiatiques,on n'en pensait pas moins. Parce que « oui, mais quand même ! »

Ainsi va le monde !

 Didier Martz, philosophe, mardi 30 septembre 2014

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