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C comme... Crédence. La crédence, nous dit le dictionnaire, est une table sur laquelle sont déposés les mets et la vaisselle nécessaire au service du repas. Plus communément, la crédence est le meuble de salle à manger dans lequel est rangée la vaisselle et dont la table d'applique permet l'exposition d'objets et le dépôt des plats. On trouve aujourd'hui chez l'enchanteur Merlin des crédences de cuisine en verre ou en inox, aux formes multiples, le tout dans un choix large de coloris.
Cet objet revient de loin pour devenir le meuble que nous connaissons. Il est le symbole d'une mutation importante dans notre civilisation. On pense communément que les meubles ont toujours étaient des meubles sagement rangés et fixés dans un logis. Pas du tout, il faut attendre la Renaissance pour trouver ce qu'on appelle aujourd'hui des meubles confortablement installés. C'est que nos vaillants seigneurs médiévaux, jamais se lassant de la guerre, étaient toujours sur le départ, toujours entre deux portes, entre deux châteaux. Nomades, ils ne s'encombraient pas d'objets lourds et n'avaient pour « meubles » que des coffres démontables, transformables lesquels étaient transportés par des « somiers », qu'on appelle encore bêtes de somme. La crédence, meuble fixé, signe cette révolution dans les moeurs : on ne se déplace plus mais on habite. Il est probable que le mobilier IKEA signe lui l'évolution inverse en cours : on n'habite plus, on est mobile.
Revenons à notre crédence. La ci-devant table ne fut pas d'abord destinée à l'exposition ou au rangement de la jolie vaisselle mais à recevoir les plats présentés au cours de l'essai des mets. Essayer les mets, c'est les goûter et en 1474, on fait « credance », c'est-à-dire qu'on goûte les aliments ou les boissons avant de les servir.
Mais, pourquoi l'avoir appelé « crédence » et non pas « plan de travail » comme chez Diaporama ? « Crédence » est dérivé du latin credere, croire, il signifie proprement « croyance » puis plus tard confiance ( confiance qui vient de fides, foi). Que viennent faire la croyance et la confiance sur cette table destinée à recevoir les mets que l'on va déguster ?
A l'époque, comme on avait grande confiance (sic) les uns dans les autres, on testait les mets, certes pour savoir s'ils étaient savoureux, mais surtout pour détecter dans les aliments la présence d'éventuels poisons. Cette besogne était confiée aux officiers de bouche. La crédence était le meuble sur lequel on disposait et mettait sous clefs ces mets destinés à être testés. Elle était un concentré matériel de la croyance et de la confiance
Dans ce climat de... méfiance, il fallait aux princes et seigneurs croire en la parole de leurs officiers et leur faire confiance. Croire, c'est admettre quelque chose pour vrai, ajouter foi aux paroles de quelqu'un. C'est créditer une parole par la confiance. Demander un crédit, c'est demander qu'on nous fasse confiance. Le même credere, signifiera d'ailleurs, et très tôt, « confier en prêt ». Si la maison ne fait pas de crédit, c'est parce qu'elle n'a pas confiance. Ainsi va le monde !
Didier Martz, 10 avril 2014
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