Bienvenue à toutes et à tous
E comme... Ethique. La semaine dernière je vous entretenais de la morale. La morale qui oblige, la morale qui dit ce qui doit être et ne se contente pas de ce qui est. « Ethique » se confond avec « morale ». En effet, toutes les deux ont à l'origine la même signification : bonne mœurs. D'ailleurs lorsque l'on dit avoir une éthique, ce n'est rien de plus que d'avoir des principes somme toute pas si éloignés de ceux de la morale. Aussi, plutôt que d'utiliser un terme redondant qui n'ajoute rien, on préférera alors utiliser « éthique » non pas comme substantif mais comme qualificatif. Ainsi, nous n'aurons pas une « éthique » mais on adoptera une démarche éthique, comme manière de faire ou de penser. Les aventures de Tintin et Milou dans l'album Le sceptre d'Ottokar nous avait renseigné la semaine passée sur la conduite morale. Aujourd'hui, c'est encore une aventure de Tintin et Milou, l'Etoile Mystérieuse, qui éclaircit philosophiquement la notion de démarche éthique.
Les ingrédients de l'histoire sont toujours les mêmes : des méchants, des bandits ; des bons, Tintin, Milou et toute la bande : Le capitaine Haddock, le professeur Tournesol, les Dupon T ou D et une équipe d'éminents scientifiques. Et bien sûr, un enjeu d'importance : sauver l'humanité en récupérant une météorite tombée sur une île, une pierre qui contient des substances salvatrices. La course poursuite est engagée entre les bons et les méchants pour arriver les premiers sur l'île. Évidemment, les bandits multiplient les pièges pour retarder le bateau du capitaine Haddock. Obstacles, entraves, contrariétés de toutes sortes, la distance entre les deux bateaux se creusent, tout semble perdu. Mais les machines tournent à plein régime au risque de l'explosion, les stratégies de route s'affinent, la détermination ne fléchit pas. Résultat : le bateau des fripouilles est en passe d'être rattrapé et dépassé. La victoire, comme la météorite, est à portée de main, le salut de l'humanité en vue.
Coup de tonnerre dans l'euphorie grandissante. SOS : « navire fait naufrage - équipage menacé – demande secours d'urgence ». Que faire ? Abandonner la météorite et ses promesses ? Aller au secours du navire en perdition ? Il faut choisir. Réunion d'urgence de toute l'équipe, débats vifs, discussion tendue. On décide...
Ici, il ne s'agit pas comme pour Milou, l'os et le sceptre, de choisir entre son bon plaisir et ce que le devoir commande, il s'agit au contraire de choisir entre deux principes d'égale valeur : sauver l'humanité mais en sacrifiant quelques hommes ou sauver quelques hommes concrets pour une humanité abstraite ? Sauver un soldat Ryan en sacrifiant dix autres soldats.
Contrairement à la morale, la situation éthique est de cet ordre. Elle place les individus dans l'impossibilité de choisir tout en leur commandant de le faire sachant que leur choix sera imparfait ! Il n'y a pas pire situation à part celle du caméléon sur la couverture écossaise, symbole des individus continuellement pris dans des injonctions paradoxales. Il n'y a pas d'issue et ne pas choisir serait encore choisir ou, comme l'âne de Buridan, en mourir. Ainsi va le monde !
Didier Martz, philosophe pratiquant
jeudi 5 juin 2014