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Billet de blog 22 juin 2014

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250 - A comme...Alzheimer

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 Bienvenue à toutes et à tous

 A comme...Alzheimer. Alzheimer est le nom d'un médecin allemand à cheval sur les 19 et 20èmes siècles qui découvrit la maladie qui porte son nom : la maladie d'Alzheimer. La maladie, c'est un peu comme pour le premier qui découvre une île, une terre inconnue ou le premier qui arrive au sommet d'une montagne par une voie jusqu'alors non pratiquée, il y plante son nom. La maladie d'Alzheimer est à Monsieur Alzheimer comme le bacille est à Koch ou la relativité à Einstein.

 Depuis la découverte, la maladie a fait son chemin. Bien qu'elle ne soit objectivement que 6ème ou 7ème au hit-parade des causes de décès, elle fait partie aujourd'hui des premiers motifs de craintes. Craintes non justifiées car la maladie d'Alzheimer arrive loin derrière les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les accidents vasculaires cérébraux, les accidents de transport et autres réjouissances de la vie. Mais nous savons ce qu'il en est de la fragilité des raisons objectives et rationnelles devant les craintes et les angoisses : elles ne résistent pas. Ainsi, chaque époque produit ses « émotions populaires » face aux grandes maladies : peste dans l’Antiquité et au Moyen-âge, tuberculose –mal romantique par excellence- au XIXème siècle, cancer et sida plus récemment, maladie d'Alzheimer aujourd'hui, autant d'«abcès de fixation» en lesquels se cristallisent les préoccupations et les peurs d’une société, jusqu'à ne plus savoir où est la maladie !

 En ce sens, la thèse que nous livre Michel Billé, sociologue, dans son dernier livre paru aux Editions Eres, même si elle est culottée, invite à porter un regard différent sur la maladie d'Alzheimer. La thèse est énoncée d'emblée dans le titre du livre : « La société malade d'Alzheimer »*. Avec deux questions : Et si la maladie d'Alzheimer était d'abord une atteinte du corps social avant d'être une atteinte des personnes ? Et si la maladie d'Alzheimer parlait moins du malade que de la société dans laquelle il se débat ?

 Une société dit les choses qui l'inquiètent avec les moyens du bord en l'occurrence les mots qu'elle emploie. Elle dit son souci du temps par ses références lancinantes au passé, l'appel récurrent au devoir de mémoire comme si elle la perdait; elle dit son souci face aux espaces qui s'ouvrent devant elle par la mondialisation qui brouille les repères, désoriente les individus; elle dit son souci d'un rapport aux autres qui se délitent par son obsession du vivre-ensemble, de l'individualisme, de l'insociabilité ; elle dit son souci devant une société consumériste qui ne vit que dans l'instant, en temps réel sans préoccupation pour l'avenir, etc. Et elle dit tous ses tourments, avec peine, dans un langage qui semble ne pas avoir de sens.

 Michel Billé poursuit la liste de nos contrariétés contemporaines et établit un parallèle surprenant avec les symptômes des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer : perte de mémoire, absence de repères, désorientation, difficulté à nouer des relations, difficulté à parler... A se demander qui est le plus malade des deux : la société ou celui qu'on appelle, en riant jaune : l'Alzheimer ? Ainsi va le monde !

Didier Martz, jeudi 12 juin

Ainsi va le monde la chronique hebdomadaire de DM sur RCF et Radio Prim

www.cyberphilo.org

 *La société, malade d'Alzheimer – Michel Billé – Editions Eres

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