Où on fait la différence entre savoir et penser
Bienvenue à toutes et à tous
G comme... Génocide. Le 7 avril 1994, il y a vingt ans, commence un des génocides les plus effrayants de l'histoire. En trois mois, 800.000 Tutsis sont exterminés par les Hutus, principalement à la machette. On hésite à faire de l'étymologie et des fantaisies autour d'un tel massacre. Que le néologisme génocide provienne de la racine grecque, genos, « naissance », « genre », « espèce », et du suffixe cide, qui vient du terme latin caedere, « tuer », « massacrer », c'est toujours un génocide. Génocide, crime contre l'humanité, massacre... peu importe, c'est la mort toujours recommencée et la volonté toujours d'exterminer, d'éliminer, d'éradiquer. Le ventre de la bête immonde est toujours plein et fécond observait Bertold Brecht.
Massacres perpétrés par les nazis à l'encontre des peuples juif, slave et tzigane ; massacres de 500000 Roms par les mêmes nazis ; massacres commis par les turcs contre les Arméniens pendant la première guerre mondiale ; massacres des Assyriens en Irak en 1933 ; massacres à la famine en 1932-1933 en Ukraine, faisant 3 à 5 millions de morts, génocide connu sous le nom de Holodomor ; massacres de 6 500 à 8 000 hommes bosniaques commis à nos portes par des Serbes de Bosnie en juillet 1995 ; massacres de deux millions de personnes par les gouvernements communistes roumains ; massacres staliniens ; massacres des peuples Noirs africains aux XVIIème et XVIIIème siècles lors de la traite des Noirs ; massacres du Darfour ; massacres perpétrés par les Kmers Rouges durant la Révolution Cambodgienne.
Et cetera desunt, « et les autres choses manquent » ou sont à venir !
Des fous ? Des monstres ? Des sauvages ? Non, comme le Eichman du régime nazi décrit par Hanna Arendt lors du procès de Nuremberg, des hommes et des femmes ordinaires, et pour un grand nombre plus qu'ordinaires : des médecins, des professeurs, des politiques, des intellectuels de toutes sortes, peut être même des philosophes.
Bref des gens civilisés, cultivés, éduqués, bardés de principes moraux. Civilisation, culture, éducation, morale... incapables l'une et l'autre de protéger les hommes des autres hommes. Et c'est même en leur nom que sont perpétrés les massacres. Venant de sauvages, de fous et de monstres, l'affaire serait relativement simple, la Raison avec un grand R et ses moyens sauraient en rendre raison. Mais ici c'est Raison et Morale de gens civilisés contre Raison et Morale de gens civilisés. Paul Valéry, en 1924, après avoir déclaré à l'issue de la première mondiale “Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles” ajoutait : « Ce n’est pas tout. La brûlante leçon est plus complète encore. Nous avons vu sous nos yeux, le travail consciencieux, l'instruction la plus solide, la discipline et l’application les plus sérieuses, adaptés a d'épouvantables desseins. Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects? »
Il a fallu de l'instruction, de la discipline, de l'application, des savoirs et des qualités morales pour commettre la boucherie de 14-18. Il en faut hélas autant pour commettre les pires et les moins pires de ces actes extrêmes qui ruinent la raison.. Ainsi va le monde, pas très bien !
Didier Martz, 17 avril 2014, semaine 16