Ainsi va le monde n°226* – C... comme Croire au père Noël
Bienvenue à toutes et à tous.
Saviez-vous que les fêtes de Noël de décembre 1951 furent secouées par une bien étrange affaire qui fit scandale dans toute la France. Le clergé catholique de la ville de Dijon prit une initiative assez originale: le Père Noël fut brûlé sur le parvis de la cathédrale après avoir été condamné "comme usurpateur et hérétique". L'Eglise dénonçait par cet acte une « paganisation » inquiétante de la Fête de la nativité, détournant l'esprit public du sens proprement chrétien de cette commémoration au profit d'un mythe sans valeur religieuse. Plus de 50 ans après, on mesure le chemin parcouru par le Père Noël en matière de perte de sens et de valeur!
J'y vois moi un autre problème. La perte de sens, la perte du mystère qui entoure le Père Noël, va rendre impossible aux enfants un apprentissage ou plutôt deux apprentissages. Qu'est ce qui se passe pour les enfants avec le Père Noël ? Ils font d'abord un premier apprentissage : celui de la croyance (qui est différente de la foi). Croire est vital pour eux (et pour tout individu) puisque par ce moyen, ils rendent présents des choses ou des êtres absents.
Un peu plus tard, ils font aussi un deuxième apprentissage, moins joyeux certes, lorsqu'il leur est révélé que le Père Noël n'existe pas. Désillusion, ressentiment contre l'adulte qui les a trompés et surtout méfiance vis à vis de tous les discours qui leur promettent le bonheur pour demain.
On pourrait se dire qu'avec ces deux éléments, la croyance et la vigilance, voilà un individu bien armé pour affronter le monde. Las, et on le vérifie notamment en politique, l'individu est toujours bercé par le chant des sirènes. Toujours dans cette propension à croire sans se méfier.
Malgré sa disparition progressive, les parents ont raison de s'évertuer à préserver la croyance au Père Noël de leurs petits enfants. Et ce n'est pas facile ! Il y en a partout de ces Père Noël, animateur de gondoles de supermarché, qui sont déjà là à faire l'article de tel ou tel gadget. D'où les contorsions des parents pour maintenir son prestige,son aura et son mystère.
Dans un article, "Le Père Noël supplicié », paru à l'occasion de l'affaire de Dijon, le regretté anthropologue Claude Lévi-Strauss, permet de comprendre le sens profond de cet acharnement à faire croire. Il écrit que : "La croyance où nous gardons nos enfants que leurs jouets viennent de l'au-delà apporte un alibi au secret mouvement qui nous incite, en fait, à les offrir à l'au-delà sous prétexte de les donner aux enfants [...] Il ajoute un peu plus loin que : Les cadeaux de Noël restent un sacrifice véritable à la douceur de vivre, laquelle consiste d'abord à ne pas mourir". Les cadeaux seraient donc une prière adressée aux petits enfants pour qu'ils consentent, en croyant au Père Noël, "à nous aider à croire en la vie". Joyeux Noël !
Didier Martz, 24/12/2013
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