
Saint Augustin
Bien avant Kierkegaard et Pascal, mais après l’empereur écrivain Marc-Aurèle (auteur de Pensées pour moi-même), Saint Augustin affirme que la vérité se trouve à l’”intérieur” de l’homme : “in te ipsum redi, in interiore homine habitat veritas”. Augustin est l’auteur de Confessions où il explore pour lui-même les arcanes de la subjectivité, de la complexité humaines. L’”intérieur”, il lui apparaît par exemple dans la perception intime du temps, dans le fait que le temps consiste tout entier dans la conscience du présent, dans la faculté de se re-présenter le passé et l’avenir, et dans cette tension vers l’éternel qui caractérise l’être humain. — On doit à la philosophie médiévale la notion du “sensus interior,” ou “sens intime”, qui traduit le mot grec sunaisthesis signifiant à l’origine la synthèse des sensations dans l’imagination et dans la mémoire.
Pascal
Pour Pascal aussi il faut connaître tout ce qui se passe dans le plus intérieur de l’homme, cet intérieur que l’homme ne connaît presque jamais. La vérité c’est que l’être humain est psychologiquement faible et instable, désirant et tourmenté, laborieux et agité. Pascal a très bien vu l’extrême mobilité et diversité de la subjectivité : “il n’y a point d’homme plus différent d’un autre que de soi-même dans les divers temps.” Mais la vérité, c’est aussi que l’être humain peut s’élever jusqu’à Dieu et le connaître par le chemin intérieur du “cœur”, le cœur qui n’est pas seulement le siège du sentiment mais bien le centre mystique de l’homme. Rappelons d’abord que l’esprit orienté par le cœur est l’”esprit de finesse”, en lequel on peut voir une forme distinguée de subjectivité. Rappelons ensuite que le cœur doit aussi prendre la décision la plus importante, pour ou contre la foi. Il s’agit d’un pari, que personne ne peut prendre à ma place : là encore une subjectivité radicale.
Bergson
Évoquons une autre théorie de l’intériorité, de la subjectivité vécue comme intériorité, celle de Bergson. Bergson se présente comme le philosophe du vivant et de la durée : car la durée, au contraire de la séparation abstraite des choses, porte le flux continu de la vie elle-même. Or la durée n’est perceptible que par l’expérience intérieure, qui exprime la qualité pure et l’intensité des états de conscience. Seule l’intuition, concentration et engagement de l’âme tout entière, permet d’y accéder. Elle rencontre le phénomène capital de la mémoire qui n’est pas seulement une faculté de l’esprit mais sa réalité même, son contenu le plus pur. Il s’agit d’une mémoire purement subjective et intérieure, indépendante des automatismes du corps et de notre engagement physique dans l’action.
dm