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Je poursuis ma petite réflexion sur le temps...
On appelle volontiers « dimensions » du temps le passé, le présent et l’avenir. Mais ce mot de « dimension » trahit déjà la singularité de notre rapport au temps. On peut bien parler des dimensions d’une boîte — sa hauteur, sa largeur, sa profondeur —, mais on ne peut pas dire de la même manière « les dimensions du temps ». Car le temps, lui, n’a pas de passé, de présent ni d’avenir. Ces notions appartiennent toujours à un sujet : c’est le passé d’une vie, le présent d’une conscience, l’avenir d’une attente. La rivière, en elle-même, ne connaît pas ces mots : seule une conscience, qui regarde l’eau passer, en éprouve le sens.
S'il y a différentes dimensions du temps — seulement pour la conscience —, cela explique aussi qu'il y ait différents points de vue possibles sur le temps, ou différentes façons de décrire cette réalité. D'ailleurs selon les époques, on a mis l’accent sur l’une ou l’autre de ces figures. La philosophie ancienne, définissant essentiellement le temps comme “ce qui passe”, réduit en fait le temps au passé ; la philosophie moderne cherche surtout à capter le présent dans l'intériorité (par exemple le « cogito ») ; tandis que la philosophie contemporaine, surtout existentialiste, souligne l'intentionnalité de la conscience tournée vers l'avenir.
On dit aussi que le temps a une direction : il partirait du passé, traverserait le présent et filerait vers l’avenir. Mais là encore, ce n’est pas le temps lui-même qui trace ce chemin : c’est nous. La science montre que certaines lois de la nature sont réversibles, et que seule l’irréversibilité de certains phénomènes — l’entropie qui croît, le corps qui vieillit — nous donne le sentiment d’une flèche unique. Mais là encore, on voit bien que cela ne concerne pas le temps lui-même mais la représentation que l’on s’en fait, depuis le schéma bien tracé d’une vie humaine partant de la naissance, traversant les épreuves de la vie, et allant vers un futur qui n’est autre que… la mort.
Ainsi le temps ne se livre jamais en lui-même : il n’existe que dans les images que nous projetons sur lui, dans l’histoire que nous nous en racontons, et dans la conscience qui, toujours, se découvre en train de le traverser.
dm