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Billet de blog 25 septembre 2025

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La conscience comme intentionnalité et avenir

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Illustration 1

La notion d’"avenir" est davantage psychologique que celle de "futur", qu’emploie plutôt la science, ou la science-fiction. C’est que l’avenir est subjectif. Je dis “mon” avenir, quand je dis “le” futur. Notre avenir est ce dont nous disposons, soit parce que nous pouvons le créer librement, soit parce que nous pouvons l’accepter et l’assumer dignement. Le futur, objectivement, est le simple contraire du passé. Tandis que l’avenir représente l’intégralité subjective du temps : dans mon avenir je projette aussi bien mon passé que mon présent. Notons encore que “mon” avenir a une connotation positive, presque optimiste. On peut parler du futur même s’il nous paraît sombre (il l’est toujours, en un sens, dès lors qu’on projette au plan cosmique le devenir humain, l’humain ne peut que s’y dissoudre), mais il y aura toujours, objectivement, du futur. Mais si je dis que “j’ai un avenir” cela signifie implicitement que j’ai un bel avenir : je vais faire quelque chose de ma vie. A l’inverse il y a ceux dont on dit qu’ils n’ont pas d’avenir : ils sont “foutus”...

Or quand bien même reconnait-on la subjectivité du temps, singulièrement la dimension du présent comme intériorité, l'on ne peut pas se contenter d'affirmer que le temps existe “dans” la conscience, dans l’intériorité. Pour Husserl, la conscience est temps. La conscience n’est pas une intériorité fermée sur elle-même mais elle se définit comme intentionnalité, c’est-à-dire comme rapport (tension) avec le monde. La conscience n’est rien d’autre que les diverses formes de mon rapport avec le monde. Le monde se présente comme un réservoir d’objets visés par ma conscience, mais en même temps le monde demeure toujours comme un “horizon” derrière chaque objet. Le monde est toujours au-delà, par-devant, et la conscience est toujours en train de viser le monde, de s’extérioriser, de prospecter, de s’éclater (comme dit Sartre). Donc, si la conscience “est” le temps, « Le temps n’est pas une ligne, mais un réseau d’intentionnalités » (Husserl) c'est-à-dire de relations entre ma conscience et le monde. 

De plus, l’extériorisation de la conscience implique une direction, une tension vers l’avenir qui caractérise le temps. Dans le langage des philosophes « existentialistes », héritiers de Husserl, je suis une ek-sistance ek-statique. Sartre : « Tachez de saisir votre conscience et sondez-la, vous verrez qu’elle est creuse, vous n’y trouverez que de l’avenir ». Je ne suis pas un ob-jet, mais un pro-jet ; je ne suis pas seulement ce que je suis, mais encore ce que je vais être, ce que je veux avoir été (futur antérieur). Mon temps est synonyme de mon avenir, de ma liberté, et bien sûr, en bout de course, de la mort symbole de ma finitude. Le temps, sous le masque risible et/ou tragique de la mort, est proprement ce qui (nous) at-tend... 

Selon cette philosophie existentialiste, qui met en avant une conscience dynamique, l’identité est bien reconnue mais pas comme une base stable qui définirait le sujet, seulement comme l’index d’une liberté en mouvement, et d’une responsabilité. La version de l’identité qui nous est proposée ici est de type existentielle, non plus intérieure mais plutôt relationnelle, dépendant en particulier de mes expériences avec autrui. De plus l’identité est contingente et fragile. Mon identité ne pré-existe pas à mes actes, elle leur co-existe, et elle peut très bien s’évanouir subitement dans le trouble d’une action absurde, dépourvue de sens, où je deviendrais en quelque sorte étranger à moi-même...

dm

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