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Billet de blog 2 septembre 2014

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Au risque des tests ADN

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour commencer je veux d'emblée écarter un malentendu : il ne sera pas du tout question de tests de paternité - RIEN de ce qui suit n'est appliqué à ces questions pratiques et juridiques.

Je souhaite actualiser ici les possibilités en matière de tests ADN car le sujet reste tabou  alors qu'il y a eu des progrès passionnants. Je n'avais pas voulu commencer par ce sujet qui est un peu ma "chapelle" puisque j'ai un petit blog sur certains développements : www.chezdidier.org ; les textes les plus didactiques sont les premiers et sont "enfouis" sous les textes plus récents. Je reprends brièvement certaines bases :

Dans les films et séries policières les tests ADN sont de plus en plus présents , de même que dans la réalité du terrain. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais tenter de mettre un peu d'ordre. On ne peut "identifier" une personne que sur une partie de l'ADN très variable d'un individu à un autre, alors que vous avez certainement entendu que nous sommes très semblables, qu'il n'y a pas de races etc... que l'ADN montre à quel point nous sommes une humanité très proche, bla bla bla .... et les deux sont vrais ; il faut juste savoir de quoi on parle. Je précise que j'ai une thèse en biologie moléculaire et que je sais de quoi je parle en matière d'ADN.

On a découvert en étudiant l'ADN qu'il y a des zones ne contenant aucuns gènes, ne codant pour aucune fonction biologique connue mais très variables d'un individu à un autre. C'est portions ADN sont constituées d'ADN répété en tandem. Je rappelle que l'ADN est une structure linéaire où le code est constitué de la succession de 4 "bases" symbolisées par A, G, C ou T. Une successsion : AGCTAGCTAGCTAGCTAGCT peut se lire comme la répétition du motif [AGCT] 5 fois. On observe que d'une génération à l'autre le nombre de répétitions peut varier et un enfant aura seulement 4 motifs AGCT répétés, l'undes motifs ayant été perdu. On ne connaît pas le mécanisme mais il y a de très nombreux sites avec des motifs différents qui varient ainsi de temps en temps (d'une génération à l'autre). Si on repère le nombre de répétitions sur un ensemble de tels sites, par exemple 100 sites, c'est un peu comme un code barre et un seul individu aura les mêmes nombres de répétition en considérant chacun des 100 sites.

Je ne détaille pas mais il existe aussi de l'ADN mitochondrial qui est une source différente avec aussi une variabilité mais moins grande. Cet ADN est transmis par la mère. Son avantage est sa plus grande stabilité ; sur un viel échantillon de petite taille on sera parfois obligé de se rabattre sur cet ADN là et les résultats ne permettront pas, en général, le même triage.

Les portions variables décrites ci-dessus ont été nommées "empreintes génétiques" et les tests ADN de paternité reposent aussi sur ce principe.

Maintenant, il existe une autre variabilité ADN, celle que vous connaissez sous le nom de "mutation", celle qui fait que les yeux peuvent être bleus, verts ou marron etc...  Il s'agit, en général de la modification à un endroit précis (le locus) d'une base. En considérant exactement le même endroit de l'ADN certains auront par exemple un C, là où tous les autres ont un G ; on dit qu'il y a 2 allèles. L'allèle le plus fréquent est en général l'allèle dit "ancestral" et l'autre allèle est une mutation intervenue chez un individu qui s'est ensuite répandue dans une partie de la population. On dit qu'il y a pour ce locus (gène) un polymorphisme (existence de 2 possibilités) dans la population. Voila pourquoi on nomme ces mutations (anglais) : Single Nucleotide Polymorphism ou  SNP. De nombreuses autres études s'intéressent aux SNPs ; c'est de celles là dont je vais brièvement parler.

Le séquençage de l'ADN est la détermination de toute la succession du code. Le progrès des techniques permet de séquencer l'ADN mitochondrial et de comparer les séquences obtenues. Le prix, pour un particulier, est d'environ 150 à 200$  (vous convertirez en euros) ; bref, c'est à la portée de plein de gens. J'ai dit plus haut que cet ADN est uniquement transmis par la mère mais les hommes ont aussi un ADN mitochondrial : le même que leur mère. Lors de la transmission de la mère à une de ses filles une mutation (SNP) peut intervenir  ; c'est rare, l'estimation est que cela se produit environ une fois tous les 3000 ans mais il y a une forte variabilité dans cet écart de temps. On peut donc, en comparant les ADN mitochondriaux retrouver des groupes ayant tous la même mutation et on peut déduire un arbre phylogénétique de l'humanité.

Voici un lien vers un arbre assez complet : http://img.docstoccdn.com/thumb/orig/107840260.png ; les nombres sont des positions sur l'ADN où se situe une mutation commune à tous les ADN en "aval" du noeud de l'arbre en question. Les scientifiques ont daté les différentes branches de cet arbre et de son "origine" qui serait d'il y a 160 000 ans ; ce serait la date de l'apparition d'homo sapiens. Les couleurs repèrent la localisation géographique et on voit que les groupes africains (en rouge) sont de branches voisines. Si vous utilisez la loupe vous distinguerez le noeud important "L3" d'où partent les deux branches "M" et "N" ; c'est une division majeure de l'humanité que fait apparaître l'ADN mitochondrial. Les populations d'Europe sont "N", à l'origine.

On peut connaître son groupe (dit haplogroupe) sans séquencer mais en recherchant les valeurs aux noeuds maintenant connus. C'est ce que font les puces ADN de sociétés comme 23andME (www.23andME.com). C'est moins cher mais on ne sait pas si on a une mutation particulière, non connue, ce qui peut arriver. Avec les puces ADN, pour 100$  on a son groupe (haplogroupe) mitochondrial ET une indication sur l'haplogroupe Y (voir suite).

J'ai déjà abusé de votre patience et je fais très court. Alors que l'ADN mitochondrial se transmet donc de mère en filles , le chromosome Y se transmet de père en fils. De la même façon on peut le séquencer mais comme le chromosome Y est beaucoup plus grand que l'ADN mitochondrial, le prix est de l'ordre de  850 euros et il restera des parties difficiles non séquencées (mais la comparaison peut se faire). On peut connaître son haaplogroupe Y pour moins cher et le projet Genographic teste à grande échelle pour 160$  (https://genographic.nationalgeographic.com/). Je donne ces indications de prix pour montrer que de nombreuses personnes ont pu participer.

L'arbre Y est assez semblable à l'arbre mitochondrial avec une origine datée d'environ 160 000 ans aussi. Voici un lien vers un fichier au format pdf d'un arbre assez comple. Par comparaison avec l'arbre mitochondrial, les groupes (haplogroupes) A et B sont uniquement africains (à l'origine) et la cission mitochondriale M et N, correspond dans l'arbre Y, aux haplogroupes D et E, d'une part, et C et F d'autre part. Les groupes européens sont issus de la branche F , très diversifiée. Le séquençage Y commence seulement à se développer (question de coût) ; l'arbre global est bien connu mais les résultats pour un individu permette une identification de nouveaux SNP qui caractérise la lignée récente. En gros, depuis l'époque romaine (année 0)  il peut y avoir 20 - 25  SNP . Peu de personnes à ce jour ont pu dresser une sorte d'abre perso de ces SNP. C'est là que la génétique rejoint depuis peu ce que la généalogie permet d'établir.

Il s'agit d'un domaine en pleine expansion, trop mal considéré et par suite mal connu en France.

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