J'avais écrit en 2014 pour ce blog un billet stigmatisant un ensemble de textes disparates censés interdire une pratique assez différente de ce qui se fait en réalité. Je suis resté atterré par la loi bioéthique présentée par madame Buzyn qui prétend enfoncer le clou et valider les anciens textes en renouvelant l'interdictions des "tests génétiques". Le débat présenté dans ces colonnes par Mediapart est là pour montrer les approximations faites sur le sujet des tests génétiques qu'on tente de ridiculiser par le terme "récréatif" repris par la loi. Les commentaires au débat confirment l'extrême confusion sur un sujet qui est technique et malmené. Je connais bien le sujet et j'estime devoir apporter quelques lumières dans cette obscurité française.
Contrairement à ce qui est présenté dans le débat (et sous-entendu dans la nouvelle loi) les principaux tests génétiques ne sont pas ceux de Google 23andME (c'est l'épouse d'un des créateurs de Google qui a créé 23andME) mais les tests sur les haplogroupes Y à qui on reproche de fournir un test de paternité sous couvert d'origine. En 2019, quoique plus coûteux (environ 400 euros au lieu de 200 pour 23andME environ) on peut obtenir le séquençage du génome et c'est de loin le "test" le plus intéressant. Les approximations de Catherine Bourgain qui fait semblant d'ignorer ce qui est bon pour stigmatiser ce qui l'est moins (23andME) devenu un peu vieillot sont d'emblée agaçantes et le souci est que la loi tombe dans le même travers avec ce qui est nommé "récréatif".
Il n'y a rien de "récréatif" dans un séquençage complet du génome. la question technique est : à quelle profondeur de séquençage faut-il aller pour un résultat fiable ? Comprendre que le processus de séquençage produit des erreurs en faible proportion et qu'on séquence plusieurs fois chaque segment pour certifier la "bonne" séquence. Evidemment c'est plus cher de séquencer avec une profondeur de 30 x que pour une profondeur de 10 fois. Ensuite on nous parle d'algorithmes. la grande difficulté est de lire un génome, ce qui ne peut être fait à la main et la qualité du logiciel qui va rechercher les points importants est crucial, on continue de progresser dans ce domaine. Ceux qui vont vers le séquençage cherche à savoir si ils sont porteurs de mutations. On tente de faire oublier que si les tests génétiques étaient généralisés au lieu d'être interdits les maladies "Téléthon" du nom de l'action qui chaque année tente de mobiliser sur le sort de ces affections comme la mucoviscidose qui sont provoquées par un gène déficient seraient rapidement éradiquées. Je trouve responsable et pas du tout condamnable de vouloir savoir.
Nous ne sommes pas tous porteurs exactement du même ADN et un terme essentiel, jamais présenté est : polymorphisme. De quoi s'agit-il ? Vous pouvez avoir un gène parfaitement fonctionnel mais qui différera de celui d'un Japonais ou d'un Boshiman (population mise en scène dans le film "les dieux sont tombés sur la tête") car il y a ce qu'on appelle la "redondance du code génétique" qui permet à des ADNs de varier tout en codant pour la même protéine/enzyme (là je ne détaille pas - je reconnais que le débat est technique mais ce n'est pas une raison pour enfumer les gens je crois). L'analyse des polymorphismes permet de retrouver des origines car pour un segment codant donné vous pouvez très bien être porteur de la variante correspondant à des ancêtres Huns par exemple, qui va différer d'une origine méditerranéenne. Le polymorphisme est pour l'essentiel invisible au niveau phénotypique, c'est à dire que les protéines produites sont parfaitement fonctionnelles. Il y a quand même des cas où le polymorphisme fait différer un peu le produit (protéine/enzyme) formé et c'est ce qui nous rend différents les uns des autres. Là encore on a voulu stigmatiser la recherche de prédispositions à développer certaines affections comme des Cancers. Reste que des cas bien connus ce ces polymorphismes touchent au jour le jours des tas de gens et que savoir me paraît être un droit. Le logiciel recherche donc dans un séquençage tous les polymorphismes connus qui sont plus de 2 millions et chaque séquençage est à même de trouver de nouveaux polymorphismes qui sont une sorte de marque personnelle. J'invite les gens un tant soit peu sérieux à comparer le tout début de la video présentée par Mediapart et dont le lien est ci-dessus, à ce que je tente d'expliquer ici (même chose pour la loi bioéthique). Je le redis : c'est technique mais ce n'est pas une raison pour raconter un peu ce qu'on veut et chapeauter le tout de "récréatif".
Je souhaite revenir sur la recherche des haplogroupes Y et mitochondriaux car, en interdisant les tests génétiques, ce sont ces tests qui sont le plus touchés. La France est un désert de ce point de vue dans un monde où tous les pays testent sauf l'Autriche et la France. La connaissance des zones de répartition des principaux haplogroupes a fait progressé la connaissance des mouvements de population (Edit : les mouvements de l'origine pas pendant les 20 ans des développements des analyses !) dans la période 1990 - 2010 et ce fut une des grandes avancées de la connaissance, même si cela reste contesté et particulièrement en France. Je pose la question : combien de temps va-t-on maintenir cette exception française qui prétend ignorer les nombreux articles scientifiques, en particulier anglo-saxons sur le sujet et faire comme si il n'y avait rien ? Le souci est que le sujet est tellement ridiculisé en France qu'il n'y a aucune recherche. On ne parle pas ici de tests faits par des particuliers mais bien par des équipes susceptibles de publier dans des revues scientifiques. Je le redis : la France reste une des rares régions d'Europe où on ne dispose que de données fragmentaires : le pays basque a été très étudié mais le centre de la France est mal connu et il faut cesser de se raconter des histoires. Voilà ce que je crois : avec le problème d'intégration d'une population immigrante on fait tout pour éviter les sujets qui peuvent mettre en évidence la différence entre une population "d'origine" et les nouveaux qui seraient ainsi vu comme pièces rapportées. Je vais répondre en donnant mon cas :
Mon haplogroupe Y pointe vers une origine en Norvège, en fait donc Viking. La lignée Viking en question a produit de rares descendants dans les Flandres où selon l'étymologie du nom "Vernade" = Ver Naede, les descendants des fiers Vikings faisaient sans doute le transport "navette" entre les ports (bruges par exemple) et les villes de l'intérieur joignables par voie fluviale (Gand par exemple), genre de péniche si on veut. Plus tard (1450 environ) une migration du Brabant vers le comté de la Marche a eu lieu à l'occasion d'un mariage princier. Une analyse plus avant sur l'haplogroupe Y montre une population arrivée très tôt (paléolithique) en Europe et sans doute repoussée vers le grand nord (et les zones qui ne pouvaient être cultivées à cette époque) par les hommes du Néolithique. Moi, je trouve ça passionnant et je demande de quel droit on prétend par de fausses argumentations comme le facile "récréatif" m'empêcher de savoir cela ?
Les recherches haplogroupes Y ne concernent que les hommes mais il existe aussi des haplogroupes mitochondriaux qui suivent les lignées de mère en fille alors que les haplogroupes Y suivent les lignées de père en fils. J'ai insisté sur cet aspect (que certains voudront dire "récréatif") parce qu'on tente de les passer sous silence alors que ce sont, de loin, les tests les plus fréquents. L'exception française s'explique par un passé récent vécu comme compliqué et j'aimerais bien un peu plus d'honnêteté sur ce point.
Les progrès sur les origines, à l'aide des haplogroupes Y et mitochondriaux pointent l'origine d'homo sapiens au nord du Kalahari et cela a fait quand même quelques articles qui insistent avec raison sur le fait que ces éléments de recherche restent contestés. Voici un lien :
https://www.ouest-france.fr/monde/botswana/les-premiers-homo-sapiens-sapiens-vivaient-dans-le-nord-du-botswana-6586124
Je mentionne ce point car on enseigne, un peu rapidement que l'homme est issu d'un "out of Africa" il y a environ 60 000 ans alors qu'on pense plutôt aujourd'hui que la séparation d'avec les locuteurs des langues à clic date d'au moins 140 000 ans et peut-être davantage. Il y a une sorte de volonté féroce de nier les différences entre les hommes. Les premiers fossiles homo sapiens datent d'il y a 240 000 ans en assez bon accord je trouve avec les âges retrouvés par la génétique. Il s'agit là de vrais progrès de la connaissance et les analyses génétiques nous permettent de nous placer dans "Genetic Journey", la jolie formule trouvé par le projet "Genographic".