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Billet de blog 1 novembre 2011

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Terminus Grèce - II

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Monsieur Dominique Strauss-Kahn, saluait « cet incroyable effort de solidarité » de la part de la troïka (FMI-UE-BCE). Comme dit William Shakespeare dans Le Marchand de Venise « le diable peut citer l’Ecriture pour ses besoins ». Parler de solidarité lorsqu’on fait saigner tout un peuple, ça évoque Pétain avec son bouclier qui a « sauvé » la France. M. Strauss-Kahn n’est pas sorti de la dernière pluie. Les Grecs l’ont immortalisé :

« Il est plus facile de sauter un peuple entier qui ne résiste pas qu’une femme de chambre qui résiste. »

Y a-t-il un seul Grec qui se félicite de la « solidarité » de la troïka ? Le slogan principal dans les rues d’Athènes est « FMI GO HOME ». Tous les Grecs sont en colère contre la troïka. Ils exigent le départ des contrôleurs du FMI, installés dans l’hôtel le plus luxueux d’Athènes. Pour contenir le peuple en colère, le premier ministre Papandréou concède : « Je luterai pour la libération de la Grèce de l’occupation du FMI ! » Il ajoutera « mais pas avec des pierres ! » Les ruses de la social-démocratie sont assez grossières.

La presse de la Finance internationale se félicite de l’aide apportée par l’Europe aux Grecs pour qu’ils puissent refaire surface et repartir. Le voleur, l’usurier devient bienfaiteur ! Même Jacques Delors a compris le jésuitisme de son ami Dominique. Dans une déclaration à leur journal politique Paris-Match, il se dira scandalisé par le FMI : « Je suis meurtri par l’intervention du FMI en Grèce ». Les chrétiens, eux, prêtent sans intérêt … « Une âme mauvaise produisant de saints témoignages est comme un scélérat à la joue souriante, une belle pomme pourrie au coeur. Oh! Que la fausseté a de beaux dehors ! » Toujours Shakespeare …

2

Les journaux des banquiers et des vendeurs d’armes de destruction massive (Rothschild, Lazard, Dassault, Lagardère) jouent à la provocation : « Les Grecs ne travaillent pas et gaspillent les aides de notre Europe ». Le journal de référence ira jusqu’à écrire : « Reste à savoir comment les contribuables allemands, néerlandais ou français réagiront quand leurs impôts augmenteront pour sauver Grecs ou Portugais. » Les Grecs attendaient le soutien de Victor Hugo, c’est Le Pen qui a répondu par l’éditorial du Monde.

Suivant la tradition des Lumières le merveilleux poète écrivait en 1829 dans les Orientales :

Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !

Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus

Comme le ciel et comme l’onde,

Pour que dans leur azur, de larmes orageux,

Passe le vif éclair de la joie et des jeux,

Pour relever ta tète blonde,

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,

Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,

Plus éclatant que les cymbales ?

Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux ?

- Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,

Je veux de la poudre et des balles.

De la poudre et des balles ...

3

Il est drôle de voir le traitement de l’affaire dans la presse française. Mme Merkel parait dure, intransigeante, méchante, trop libérale alors que M. Sarkozy souple, compréhensif, socialiste, homme bien qui a un parent à Salonique. Ca me rappelle la dictature des colonels. Au Centre des tortures à Athènes, il y avait toujours deux tortionnaires qui menaient les interrogatoires, l’un dur, l’autre doux. Ils échangeaient les rôles périodiquement. C’était la technique américaine toujours en vigueur à Guantanamo.

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Les Grecs ont connu l’Occupation. Quatre siècles d’occupation ottomane, l’occupation allemande, les occupations étrangères (bavaroise, anglaise par importation de rois), d’innombrables dictatures dont la dernière d’inspiration américaine en 1967-74. Le tutorat absolu des Américains depuis la deuxième guerre est partagé aujourd’hui par le couple franco-allemand. Il est important de signaler le glissement sémantique des discours des hommes politiques grecs. Le traditionnel « nous appartenons à l’Occident » (c’est-à-dire l’Amérique) est devenu « nous appartenons à l’Europe ».

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Depuis deux ans la troïka et le PS grec ont essayé plusieurs solutions. Soutien politique seulement, remaquillage des comptes, aide, faillite, laisser le marché en décider. N’importe quelle solution, pourvu que le peuple grec n’intervienne pas.

Sur le plan intérieur la Sainte Alliance (PS-Droite-Extrême droite) a bien fonctionné au début, mettant hors jeu PC et SYRIZA (radicaux) comme traîtres de la cause nationale. La droite grecque a fait défaut par une pirouette (non au gouvernement et oui aux partenaires européens) mais vite désapprouvée par Merkel. Au parlement, les mesures d’austérité de Memorandum I ont été votées par le PS et l’extrême droite. Imaginer sous la présidence Hollande, le PS votant des mesures identiques avec Le Pen ! Les journaux français évitent de commenter ce fait majeur.

Sur le plan extérieur, l’Union européenne a « protégé » la Grèce de la « rapacité des marchés » et des « spéculateurs » et l’euro est sauvé (les Anglais rient jaune). On ne saura pourtant pas qui sont les spéculateurs qui boivent le sang du peuple grec. Ni Obama, ni Merkel, ni Sarkozy, ni Strauss-Kahn-Lagarde, ni Trichet, ni Papandreou ne nomment les Shylock. Les trois quart de la dette grecque est détenue par les banques européennes (d’où le soutien mou d’Obama). Les quatre plus gros bienfaiteurs du peuple grec sont

Société Générale, Crédit Agricole, BNP-Paribas et Deutsche Bank.

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Aristote disait qu’il y a une foule de choses qui se produisent et qui sont par l’effet du hasard et spontanément. Par exemple, du 14 au 17 Mai 2009 dans un hôtel paradisiaque sur la côte athénienne, passaient leurs vacances ensemble Fréderic Oudea (président de la Société Générale), Jo Ackermann (président de la Deutsche Bank), Eckart von Klaeden (porte-parole de la CDU, parti de Merkel), Jean-Claude Trichet (président de la Banque Centrale Européenne), Christine Lagarde (ministre de l’économie), Timothy Geithner (secrétaire au trésor américain), Robert Zoellick (président de la Banque Mondiale), Tommaso Padoa-Schioppa, ex-membre du directoire de la BCE, président du comité directeur du FMI) et les deux ministres de finances grecs. C’était la réunion du club Bilderberg. Un hôte de marque, Henry Kissinger, prix Nobel de la Paix (!), a expliqué aux banquiers de la planète présents « le sens de l’Histoire », sujet de sa thèse à Harvard en 1955. Depuis, la France a retiré le mandat d’arrêt international contre lui pour crime de guerre et autres ! Les principaux acteurs de la tragédie grecque étaient présents à la fête du club Bilderberg. Denis Olivennes, journaliste indépendant (!), était présent. Avez-vous remarqué l’attitude du Nouvel Observateur à propos de la tragédie grecque ?

* * *

Martine Orange de Mediapart dans son article « La Grèce rappelle à l'Europe ce que démocratie signifie » a très bien analyser la situation en Grèce.

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