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Billet de blog 1 décembre 2012

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La révolte en Palestine

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

[La Palestine a été admise à l'ONU comme ... NON MEMBRE. C'est un progrès dit-on dans les gazettes. Suite au vote, Abbas a appelé à l'arrêt de la colonisation juive et à la reprise des négociations. Les Israéliens ont répondu aussitôt par un projet de construction de 3 000 nouveaux logements dans les territoires occupés palestiniens, à Jérusalem-Est.

La destruction de la Palestine continue sans cesse sous nos yeux. Un texte de Gabriel Péri écrit en 1936 montre que la spoliation des Palestiniens et la colonisation est un projet global du Sionisme. Les notes sont de l'auteur de ce billet.]

La révolte en Palestine

par Gabriel Péri [1], L’Humanité, 26 mai 1936

Depuis plus d’un mois - pour fixer une date depuis le 15 avril - la Palestine est en état de révolte ouverte ; Les manifestations et les échauffourées sanglantes s’y multiplient. Les dernières journées ont fait 36 morts dans la population arabe, dans la population juive et dans le corps britannique d’occupation. De nouveaux renforts de tanks et d’autos bondées ont été envoyés vers la Palestine.

Les événements méritent de retenir l’attention et il est indispensable, à notre avis, de corriger les interprétations erronées qui peuvent surgir à leur propos. D’aucuns affirment volontiers que les troubles en Palestine ne sont, au demeurant, que le résultat de la propagande hitlérienne et des intrigues mussoliniennes. On nous permettra de ne pas souscrire à ce jugement.

Que le fascisme hitlérien et le fascisme mussolinien s’efforcent d’utiliser tous les incidents de la vie internationale et de les exploiter pour leurs fins suspectes, nul ne saurait le contester. Mais on aurait tort de s’en tenir à ces données pour apprécier d’une façon correcte le mouvement palestinien.

Les Arabes se sont révoltés en 1929 alors que l’hitlérisme n’était pas au pouvoir et qu’aucune rivalité n’opposait la Grande Bretagne et l’Italie. La révolte palestinienne se rattache au mouvement général de rébellion qui agite tout le monde arabe, celui d’Egypte, et de Syrie, comme celui de Palestine.

Cette révolte était-elle justifiée ? Nous croyons qu’elle est parfaitement justifiée. Nous ajoutons qu’à notre avis on se trompe lourdement en l’assimilant à un mouvement antisémitique. L’antisémitisme nous est profondément odieux. Mais ce n’est pas contre les juifs considérés comme tels que se rebellent les Arabes. C’est contre une forme d’exploitation imaginée et mise en train par l’impérialisme britannique.

Au fond, sous prétexte de foyer national juif, s’est organisée en Palestine une véritable spoliation des Arabes. La grande société sioniste Keren Hayessod [2] est spécialisée dans ces spoliations. Profitant de l’absence de titre de propriété chez les fellahs et les bédouins, elle se met d’accord avec un féodal - Cheikh - arabe pour s’approprier des terres.

Après quoi, elle avise les fellahs qu’ils doivent abandonner la terre sur laquelle leurs ancêtres ont peiné pendant des siècles. Si les fellahs n’obtempèrent pas, la société appelle à la rescousse les soldats britanniques.

Il y a mieux, une véritable chasse aux ouvriers arabes a été organisée par une autre organisation, l’Histadrouth [3]. Chaque année, à la fête de la cueillette des oranges, de véritables expéditions punitives sont organisées par les troupes d’assaut sionistes sur les chantiers, dans les usines d’où les ouvriers arabes sont impitoyablement chassés.

Voilà comment le sionisme organise des pogroms à rebours. Les méthodes que nous mentionnons sont très exactement celles que l’hitlérisme emploie à l’égard des juifs en Allemagne.

Comment dans ces conditions, la population arabe ne s’insurgerait-elle pas avec vigueur ? Les chefs de cette révolte ont eu soin de répéter cent fois qu’ils n’entendaient pas donner dans l’antisémitisme. Ils veulent lutter contre l’impérialisme britannique et contre son allié le sionisme. Ils réclament l’arrêt de l’immigration juive passée de 80 000 en 1914 à 450 000 en 1935 [4]. Ce n’est pas là, quoi qu’on en dise, un mot d’ordre anti-juif.

C’est dans le respect du droit d’asile, c’est dans la solidarité internationale contre le fascisme, et non pas dans la complicité avec une entreprise suspecte de spoliation, que nous entendons défendre la cause des juifs persécutés par l’hitlérisme.

Les Arabes réclament en outre l’interdiction de toute vente des terres arabes. Ils préconisent la constitution d’un gouvernement national arabe.

Ces revendications sont justes. Elles s’inspirent de la volonté d’un peuple de secouer une domination suffocante.

La cause des travailleurs juifs, pourchassés par les dictatures fascistes, n’est pas celle des expropriateurs des grandes sociétés sionistes et de leurs troupes d’assaut. Elle se confond avec celle des opprimés de toutes couleurs et de toutes races qui ne veulent pas se laisser dépouiller.

Notes

[1] Gabriel Péri (1902-1941) homme politique communiste et journaliste, fut fusillé par les nazis le 15 décembre 1941. Pierre Pucheu (de l’élite de l’époque), le ministre de l’Intérieur de la Collaboration, lui avait proposé de le libérer en échange du désaveu des actes terroristes menés par le PCF clandestin. Péri n’a jamais signé une déclaration condamnant les « actes de terrorisme ». Il a honoré la France et a contribué à la Libération comme les résistants palestiniens honorent aujourd’hui leur pays.

[2] Keren Hayessod (Fonds d’équipement) : principal instrument financier de l’Agence juive pour achat de terres aux Arabes. Ces terres sont devenues par la suite inaliénables suivant le précepte biblique « nulle terre ne sera aliénée irrévocablement » (Lévitique, 25, 23),

[3] Histadrouth (Fédération) : La Histadrouth fut fondée en 1920. Son nom complet est « Fédération générale des travailleurs hébreux en Terre d’Israël ». De 1927 et 1936, la Histadrouth, en alliance avec les organisations politiques sionistes, déploya une série de campagnes de blocages visant à chasser les travailleurs palestiniens des lieux de travail appartenant à des Juifs. Aucun Arabe n’avait le droit de travailler dans des entreprises juives.

[4] Le 31 octobre, Benjamin Netanyahu, invité du président Hollande, s'adresse aux juifs de France : « En ma qualité de Premier ministre d'Israël, je le dis toujours aux juifs où qu'ils soient : venez en Israël et faites d'Israël votre chez vous ». BHL a laissé le président Hollande répondre : « Mais la place des juifs de France, s'ils en décident, c'est d'être en France, de travailler en France, de vivre en France, à condition qu'ils soient pleinement en sécurité ».

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