Je lis les articles du journaliste Jacques Julliard en cachette. Ce n’est pas un délit, mais j’ai peur qu’on m'accuse de raisonnable, pondéré, responsable ou consensuel.
Ses articles naïfs et superficiels (le niveau du NouvelObs et de la nouvelle Marianne oblige) me font penser au cardinal Liénart (1884-1973), évêque de Lille de 1928 à 1968. L’un a fait le séminaire Saint-Sulpice, l’autre l’Ecole Normale (dite supérieure).
Dès 1932, le « devoir d’universelle collaboration » pour le premier, dès 1955 « compagnon de route » de divers mouvements catholiques pour le second.
Face au danger communiste qui hante la France, tous les deux se sont montrés très actifs. Le cardinal a mis en garde les communistes lors du front populaire en 1936, quant à l’historien, quarante ans après, il a soutenu Rocard par peur du bolchevisme. Il est bien établi qu’en 1981, les communistes menaçaient la fille aînée de l’Eglise ...
« Vous êtes une espèce d’homme assez rare dont on ne dit jamais de mal, dont on ne dit que du bien », a dit le président Pompidou au cardinal en lui remettant la grand-croix de la Légion d’honneur en 1970. Pour son anticommunisme, la collaboration pendant la guerre et son attachement aveugle à Pétain. Son dernier exploit fut une note confidentielle aux prêtres du diocèse lors de la venue du communiste (!!!) Nikita Khrouchtchev en 1962 :
Nous ne pouvons oublier qu’il s’agit d’un chef de gouvernement qui propage officiellement l’athéisme et que des évêques, des prêtres et des populations catholiques ont gravement à souffrir des mesures prises contre leurs personnes et des entraves mises à leurs libertés religieuse».
Jacques Julliard a, comme le saint homme, « le sourire bonhomme et l’affabilité bienveillante ». Milieux cathos de la social-démocratie, tendance bc-bg (ancien régime), orateur de paquebots, spectateur engagé, multicartes car il le vaut bien, de Rocard à Ségolène et « Dany le rouge » repeint en vert, en passant par le pape qui « a concilié l’Eglise avec la démocratie (!) ». Le chemin UNEF-CFDT-PS tracé à la naissance en passant par l’ENS pour lui conférer le statut de sérieux. Le journaliste J. Julliard est un vrai théoricien de la social-démocratie, mais sans théorie.
En 1959 on le trouve officier d’action psychologique en Algérie. En 2007, il exerce une action psychologique plus évoluée sur le PS. Complot politique ? il en est incapable par nature comme tout rocardien. Seulement de petits coups d’amateur. Un coup de force antidémocratique s’appelle « refondation du PS ». Sans aucune honte, l’historien justifie les actions Rocard et Kouchner d’entre les deux tours 2007 et son entreprise de démolition externe du PS (étant au PS, comme tous les putschistes !) :
Pourquoi croyez-vous que nous avons ici soutenu résolument Ségolène Royal dans sa démarche présidentielle ? Parce que, la modernisation du Parti socialiste étant une priorité, la méthode de la candidate - attaquer le parti de l’extérieur, avec l’aide des simples citoyens - était, à l’expérience, la seule capable d’ébranler les colonnes du temple.
Résultat de l’homélie : Le parti, désormais moderne, choisit DSK (« presque identifié à la fonction bancaire »), pour ébranler les colonnes du temple ! Et c’est Samson qui est tombé par l'infâme Dalila...
En 2012, par devoir et atavisme, il part à la chasse de traces de sperme de bolchevisme (à la manière de son maître Furet) cachées au Front de Gauche. Il excelle à la fausse symétrie, principe de stabilité, que les cadres dynamiques européens de niveau international adorent :
Les enthousiasmes collectifs organisés, tels qu’on les pratiquait dans l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, très peu pour moi.
La pensée du cardinal comme celle du normalien de service est vieille de plus de 100 ans. Copie et recopie de Berstein, Kautsky et consorts. D’ailleurs, le cardinal, qui avait compris davantage que son élève archaïque Julliard, résume bien la pensée de l’Eglise (aujourd’hui de la social-démocratie retardataire) dans une lettre adressée le 5 novembre 1936 au Parti Communiste :
Le communisme n’est pas la cause de tous nos maux : les vrais responsables sont le matérialisme athée et le libéralisme économique. Quand j’ai cherché les responsables, je n’ai pas incriminé votre parti, mais deux erreurs doctrinales : le « matérialisme athée » qui est bien antérieur au communisme et qui ne fait que produire chez vous ses effets logiques, et le « libéralisme économique » qui a vicié le capitalisme et amené ses abus.»
Un vrai théoricien du PS ce curé ! Déjà en 36, pour le cardinal le libéralisme économique avait vicié le bon vieux capitalisme ... Le fameux article au Monde du 24 décembre 2008 par Delors-Juppé-Rocard est la réactualisation de la thèse du cardinal Liénart.
Il existe une différence entre le cardinal et l’ami des papes. Pour le cardinal, le libéralisme économique, était condamnable. Pour Julliard, le libéralisme économique n’est plus condamnable mais ses excès.
P. S. Après la victoire de Hollande le 6 mai, Mélanchon va-t-il gâcher l’enthousiasme des masses pour le nouveau régime ? Julliard l’acceptera-t-il le bolchevique comme ministre du Travail ?