Dimitri Latsis

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Billet de blog 14 octobre 2012

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En attendant les barbares

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les terroristes ont été repoussés. Les dernières voilées sont localisées à Poitiers, chez Ségolène. Valls est aux frontières. A Mediapart on compte les disparu(e)s du tsunami. Terre dévastée, archives officielles détruites, larmes. (On peut aller voir les billets de Gavroche et de Marc Daniel Levy).

Nos sénateurs ont disparu, nos rhéteurs se sont tus, nos consuls ont démissionné, l’empereur attend devant la Grande Porte du Club Mediapart.

Le poème de Kavafis, d’Alexandrie, ville de brassage ethnique et de métissage culturel (Arabes, Grecs, Juifs, …), il y a cent ans, nous interpelle.

En attendant les barbares

- Qu’attendons nous, rassemblés sur la place publique ?

   C’est que les barbares arrivent aujourd’hui.

- Pourquoi au Sénat ils ne font rien ?

   Pourquoi les Sénateurs restent sans légiférer ?

   Parce que les barbares arrivent aujourd’hui.

   Quelles lois feraient désormais les Sénateurs ?

   Les barbares, une fois là, feront les lois.

- Pourquoi notre Empereur s’est levé si tôt le matin

   et pourquoi il est assis sur son trône à la Grande Porte de la ville,

   en grande pompe, couronne en tête?

   Parce que les barbares arrivent aujourd’hui.

   Et l’empereur s’apprête à recevoir leur chef.

   Il a même préparé un parchemin à lui remettre.

   Il y écrit maints titres et appellations.

- Pourquoi nos deux consuls et nos prêteurs arborent

   aujourd’hui leurs rouges toges brodées ?

   Pourquoi mettre ces bracelets de tant d’améthystes

   et ces bagues d’émeraudes polies et flamboyantes ?

   Parce que les barbares arrivent aujourd’hui ;

   et pareilles choses éblouissent les barbares.

- Pourquoi nos dignes rhéteurs ne viennent pas prononcer leurs discours

   comme d’habitude et donner leur avis ?

   Parce que les barbares arrivent aujourd’hui ;

   et ils en ont assez des belles phrases et des discours.

- Pourquoi tout d’un coup cette inquiétude

   et cet émoi ? (Comme les visages sont devenus si graves !).

   Pourquoi les rues, les places se vident si vite,

   et chacun rentre chez lui l’air soucieux ?

   Parce que la nuit tombe et les barbares ne sont pas venus.

   Et certains sont arrivés des frontières

   et ils ont dit qu’il n’y a plus de barbares.

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Et maintenant qu’allons nous devenir sans barbares ?

Ces gens-là étaient une sorte de solution.

1904, K. Kavafis (1863 -1933)

(traduction : D.Latsis)

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