Ils se sont calmés. Aucune réaction de la part des sociaux-libéraux ou des libéraux-sociaux. Il ont aimé « mon » article Le douloureux problème des émigrés par un silence étourdissant. Plus d'insultes. Je ne suis plus islamogauchiste ! Sauf Gavroche qui m'a fait peur en attaquant mon billet à juste titre.
Car en effet, cet article, imputé des passages racistes, xénophobes et antisémites est paru dans LA CROIX le 14 juillet 1938 (mille neuf cent trente-huit). Il est écrit par Robert d'Harcourt, famille de seigneurs, catholique, germaniste et académicien. Dans le texte intégral ci-après l'auteur expose la ligne du Vatican (et du gouvernement de l'époque). C'est la position traditionnelle de la droite classique depuis 100 ans. C'est cette position, « modérée », chrétienne et « équilibrée » que le Parti Socialiste a adopté depuis le fameux « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » (Michel Rocard, décembre 1989). La position actuelle de UMP-PS-FN est presque un copier-coller de l'article de l'académicien.
Il faut toujours avoir en tête que les abominations, massacres, génocides à l'Occident ont été pensés, inspirés, armés par des esprits cultivés (philosophes, intellectuels, politiciens, journalistes, ...).
Tout ce que j’en puis dire ici, c’est que, derrière cette fantasmagorie populaire, les meneurs, nos grands terroristes, n’étaient nullement des hommes du peuple, mais des bourgeois, des nobles, des esprits cultivés, subtils, bizarres, des sophistes et des scolastiques (Jules Michelet).
Le contexte du texte de R. d'Harcourt.
Depuis 1933, la chasse aux juifs (surtout), roms, communistes, catholiques résistants, ... provoque un afflux d'émigrés en Europe et l'Amérique. La Société des Nations s'inquiète. Le président Roosevelt se résout à organiser une réunion à Evian (6 au 15 juillet 1938).
Hitler, en apprenant le projet, s'écrie avec cynisme : « J'espère que le reste du monde qui a une telle sympathie pour les criminels, aura suffisamment de générosité pour convertir cette sympathie en aide effective ». La position de la France est exactement celle, claire et limpide, de Michel Rocard, 50 ans plus tard : « La France est arrivée au point de saturation qui ne permet plus d'accueillir de nouveaux réfugiés sans une rupture d'équilibre pour son corps social. La limite est depuis longtemps dépassée chez nous. » (Henry Béranger, délégué français à la conférence).
Le douloureux problème des émigrés
La Croix 14.07.1938
par ROBERT D'HARCOURT
Il y a un problème français de l'émigration. De celle que nous recevons chez nous, le lecteur l'aura tout de suite entendu. 11 n'est, grâce au ciel, nullement question pour les Français de fuir leur sol natal, encore que des plumes malveillantes de l'étranger, dans une transparente intention, s'acharnent à représenter la France sous les traits d'un pays livré aux convulsions révolutionnaires et dans lequel il devient dangereux de vivre.
Nous avons voulu dire que les véritables migrations humaines auxquelles donnent lieu certains régimes politiques et sur lesquelles la Conférence d'Evian a de nouveau appelé l'attention, que l'ampleur de l'exode en direction de la France, en particulier, placent notre pays devant un problème personnel. Les éléments de la réponse sont complexes, Ils devront être cherchés dans nos propres conditions démographiques (exiguïté numérique de notre population, pauvreté de notre natalité) et dans la qualité de l'importation humaine (que l'on veuille bien excuser l'affreux matérialisme des mots). Nous ne devrons, enfin, pas négliger l'aspect moral de la question devoir d'humanité et aussi de fidélité à une réputation proverbiale d'hospitalité.
A cette tradition de la France, « terre de refuge des proscrits », il est très clair, et ceci doit être dit très fermement et tout de suite, qu'il y a un revers. Il ne faut pas que l'honneur devienne péril. Ce péril saute aux yeux. II peut découler d'abord d'une sorte de déséquilibre entre la puissance numérique autochtone et le chiffre des éléments du dehors, avec le risques d'aliénation progressive, de dépersonnalisation qui est liée pour tout peuple à une immigration dépassant sa capacité naturelle d'absorption. 11 peut découler ensuite de la qualité morale défectueuse de l'élément d'importation. 11 y a une question de volume et une question de qualité. Le problème comporte deux aspects un aspect arithmétique et un aspect moral.
Il est trop clair que, quand le volume d'importation étrangère atteint un certain degré, quand la « cote du danger est atteinte, il n'est pas de considération d'hospitalité, ni de tradition, ni même d'humanité qui puisse intervenir.
Un peuple ne peut consentir à se détruire par amour du prochain. Le dilemme dureté ou suicide, ne comporte aucune hésitation, même sur le plan moral, le suicide étant en lui-même un attentat à l'ordre moral.
Il est très clair aussi que beaucoup d'éléments toxiques se sont glissés en France depuis la guerre à la faveur des transformations politiques dans les Etats totalitaires. Notre pays a souvent été étrangement mal payé d'avoir si largement ouvert ses frontières.
La proportion des étrangers dans le chiffre des arrestations est là pour en témoigner. Nous n'avons pas ici seulement en vue le terrain, relativement étroit, de la criminalité, mais celui beaucoup plus important de l'agitation politique sournoise. Le marxisme révolutionnaire a trouvé son bouillon de culture naturel dans les éléments de désagrégation que rejetaient d'autres pays. Les Etats totalitaires nous ont généreusement fait cadeau de leurs bacilles. Avec ce sentiment si particulier de joie goûtée dans le spectacle du dommage à autrui auquel l'Allemand donne le nom expressif de Schadenfreude, ils ont suivi chez nous la levée des mauvaises semences étouffées chez eux.
Il faut que les étrangers, qui parfois s'étonnent de certaines résistances et de certaines incompréhensions, voient bien cela. Il est nécessaire qu'ils voient clairement que c'est le perfide travail de certains éléments qui est responsable de la fermeture de beaucoup de portes et de cœurs, que c'est la mauvaise émigration qui a nui à la bonne, que l'agitateur a souvent fait tort au réfugié. 11 est indispensable qu'ils comprennent qu'une stricte abstention de toute ingérence dans la politique intérieure du pays qui leur donne asile est un postulat élémentaire de leur situation d'hôtes.
Tout cela précisé, il faut dire bien haut qu'il y a des détresses auxquelles nous ne pouvons nous refuser. C'est l'honneur de notre pays que, à l'heure même où tant de tâches pressantes le sollicitent au dedans, il ne sache point fermer son cœur au spectacle de la détresse d'autrui. L'expulsion impitoyable et immédiate de l'agitateur, l'accueil au malheureux ce devrait être la devise d'une charité qui, depuis le Samaritain, ne connaît pas de frontières. Je crois qu'il suffirait à tout Français d'avoir vu certains « arrivages » de proscrits, dénués de tout, ayant à la lettre tout perdu, argent, pays, famille, pitoyables épaves morales et matérielles, gardant dans le regard l'expression peureuse et instable de l'animal traqué, je crois qu'il suffirait à tout Français d'avoir eu sous les yeux cette mélancolique écume de la vague de l'exil, pour oublier d'un coup les résolutions de « fermeté » à l'égard de l'immigration.
Sans doute des précautions, des interrogatoires, des discriminations, sont indispensables. La pitié aveugle est une mauvaise pitié. Mais nous ne pouvons pas ignorer, nous détourner purement et simplement de cet appel. Nous ne pouvons prendre sur nous de refouler (c'est l'affreuse expression officielle) des êtres que la mort attend au delà de la frontière, quand ces êtres sont des frères catholiques ou des Autrichiens coupables d'avoir aimé l'Autriche des Habsbourg ou de Dollfuss. Mort lente du camp de concentration; agonie par asphyxie morale, même dans les conditions matérielles de la liberté, par privation d'atmosphère et suppression des emplois.
La phrase: « Qu'ils aillent se faire pendre ailleurs » devient impossible dés l'instant que nous devons qu'elle n'est pas une image.
Ce n'était pas assez de notre misère à nous. Voilà que la misère du monde pèse sur nous d'un grand poids. La douloureuse questions des juifs ne peut nous laisser indifférents. Certes, nous n'ignorons pas que nous avons souvent, comme catholiques, rencontré en face de nous le péril de l'esprit de désagrégation marxiste, trop fréquemment soutenu par le juif.
Mais nous avons le devoir de rester justes et de demeurer humains. Pas plus que le progrom matériel, nous ne pouvons accepter le progrom moral. Nous ne pouvons prendre notre parti de la solution du problème juif par l'extermination par l'extermination pure et simple d'un peuple qui a inspiré a Georges Duhamel de si généreuses paroles. Nous avons tous conservé le souvenir de ces malheureux juifs autrichiens, chassés de leur pays, voulant le fuir, refoulés par les pays limitrophes et finalement ne trouvant d'abri que dans un radeau, dérivant à égale distance des rives, au milieu des eaux du Danube. Ce « no man's land » flottant est la poignante image du destin d'une race.
On nous dira : les nôtres d'abord ! et c'est une juste parole, à la condition qu'on l'applique. Sans doute, il existe pour nos œuvres a nous un droit d'antériorité naturel et légitime, cependant le mot « d'abord » comporte en stricte logique une suite et un complément.
La formule : les nôtres d'abord implique « les autres ensuite ».
Robert d'Harcourt.