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Billet de blog 17 juillet 2011

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Le 14-juillet et le Figaro

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En juillet 1880, le Parlement et le Sénat votent le 14 juillet comme fête nationale. La Droite de l’époque (la même qu’aujourd’hui ?) n’était pas contente ! Surtout que l’amnistie faisait venir Louise Michel et les Communards de l’exil. L’anniversaire de la Bastille et le retour des amnistiés terrorisaient les conservateurs.

Deux articles du Figaro de l’époque nous éclairent.

Le Figaro, jeudi 15 juillet 1880

FÊTE DU 14 JUILLET

La fête du 14 juillet a été sensiblement moins brillante que celle du 30 juin. En pareille matière rien ne vaut la spontanéité et l’on sait que l’enthousiasme d’hier en manquait. Le choix malheureux de la date du 14 juillet avait d’autre part mécontenté beaucoup de Parisiens que la commémoration de quelques têtes placées au bout d’une pique ne pouvait charmer.

La fête du 30 juin toute consacrée à la glorification de l’Industrie et du Travail, ne rappelait au contraire que de glorieux souvenirs, ne soulevait que de nobles espérances.

Nous pouvons ajouter que les drapeaux étaient infiniment plus nombreux que les lampions dans les quartiers où résident les conservateurs.

Le Figaro, mardi 20 juillet 1880

UNE QUESTION A M. GAMBETTA

Le fait qui se dégage, de la fête du 14 juillet, c’est le commencement de la grande désorganisation militaire. Ce qui se passait en 92, ce que 48 et le 4 septembre n’avaient pas eu le temps de refaire, apparaît aujourd’hui.

Voilà le véritable caractère de cette journée. Devant cela, tout le reste s’évanouit. La rentrée des amnistiés, l’anniversaire de la Bastille et même - qu’on me permette de le dire - l’inique et violente expulsion des religieux, tout pâlit, tout s’efface.

Car le jour où il n’y aura plus d’armée, ce ne seront pas seulement les Jésuites qui seront menacés, mais tout ce qui constitue la « moderne Bastille » : religion, société, patrie …

Il est des gens qui ont peur de regarder des gens qui clignent les paupières pour ne pas voir ; d’autres qui, après avoir vu, restent optimistes quand même.

Ayons donc le courage d’appeler les choses par leur nom.

A mesure que les renseignements nous arrivent plus complets et plus précis, il n’est plus d’illusion possible. L’indiscipline et le désordre ont éclaté partout à Lyon, Marseille, Nîmes, Grenoble, Toulouse, Avignon, Tours, Belfort, Douai, etc., etc.

A Lyon, une bande de soldats débraillés, aux shakos renversés et piqués de drapeaux rouges, a parcouru la ville, conduite par des caporaux et des sous-officiers, hurlant la Marseillaise, criant : Vive l’amnistie, vive le ministre de la guerre.

A Toulon, un peloton de soldats, précédé par un caporal, et conduit par un homme portant un immense drapeau pourpre, est descendu la rue Nationale, et arrivé devant la préfecture maritime, s’est arrêté longuement, hurlant la Marseillaise, et vociférant des menaces contre l’autorité.

A Toulouse, une douzaine de soldats ivres, traînant une malheureuse femme par les cheveux, ont brisé la devanture d’un café, dégainé leurs sabres, mis les consommateurs en fuite et blessé le maître de rétablissement. Bientôt, l’épouvante se répandait dans te quartier, et le désordre devenait tel, que la police renouvelant les moyens employés, du temps du général Mazure, arrêtait les civils pour les sauver des soldats, comme jadis on arrêtait les soldats pour les sauver des civils.

A Nîmes, des artilleurs débraillés ont traversé les boulevards sabre traînant, maréchal-des-logis en tête, avec cocarde et drapeau rouge. Après avoir proféré des menaces de mort devant rétablissement des Pères Récollets, ils se sont précipités, sabre à la main, dans la maison d’un honorable industriel, ont brisé les portes, saccagé le appartements, descellé les fenêtres, qui en s’écroulant ont failli tuer un enfant. Puis méconnaissant l’autorité du colonel et celle du général, ils ont envahi le cercle Saint-Roch où ils ont fait un véritable carnage de tableaux et de statues de saints. Les toiles ont été crevées à coups de sabre, les plâtres broyés, la caisse et les objets précieux volés.

Voilà ce qui s’est passé partout. Voilà ce que chacun a vu. Cela a varié de caractère selon le tempérament des habitants, mais ce qui est invariable, c’est que partout il y a eu du désordre et que partout le nom du ministre de la guerre a été invoqué par ces espèces d’insurgés.

Après avoir bien crié «Vive la République ! vive la rouge ! vive l’amnistie ! » les soldats couronnaient le tout par les cris de « Vive notre ministre de la guerre! »

A Paris même, cet enthousiasme démagogique a été tel qu’aux Champs-Elysées une troupe de communeux, à cocarde rouge, après avoir hurlé « A bas les prétoriens ! à bas les décorés ! » s’est précipitée au devant de M. Farre et lui a fait une ovation comme à un véritable amnistié.

Tel est, je le répète, le côté remarquable de cette journée.

Quand on dit que le 14 juillet s’est passé dans le plus grand ordre et dans le plus grand calme, c’est relativement vrai la foule a été en général inoffensive ; petits commerçants et travailleurs ont été plus sages que d’ordinaire ; même les habitants de Belleville et de la Croix-Rousse, même les débarqués de Nouméa n’ont pas troublé directement la fête.

Une seule classe a levé le brandon de l’émeute, et cette classe c’est l’armée. Ceci est tout à fait nouveau. Sous la monarchie et l’Empire, c’était la foule qui était révolutionnaire, et le soldat qui rétablissait l’ordre.

Aujourd’hui, c’est la foule qui est relativement paisible, et ce sont les soldats qui promènent la révolution ; Je ne crois pas qu’on puisse le leur reprocher, puisqu’ils semblent faire cela sous la haute protection du ministre de la guerre.

Puisque en ce moment où les républicains modérés du pouvoir cherchent de temps à autre a résister aux radicaux, un seul homme est acclamé sans réserve par toutes les feuilles de la Commune, un seul est porté en triomphe par le Conseil municipal de Paris, c’est le ministre de la guerre.

Mais enfin cela est ainsi.

Et que l’on ne croie pas qu’en parlant de la sorte, j’aie en vue la personnalité du ministre ; que l’on ne croie pas que je vienne prendre part aux furieux anathèmes que les conservateurs dirigent contre lui.

Chose qui pourra paraître étonnante tout en reconnaissant ce qu’il y a de monstrueux dans les actes de son ministère à mes yeux, ce n’est pas lui le plus coupable : d’abord parce que ce sont les autres qui ont commencé, et ensuite, parce que les autres se rendaient bien mieux compte de ce qu’ils faisaient.

Et, puisque l’occasion s’en présente je ferai remarquer une chose qui a peut-être échappé à certains lecteurs. C’est la fatalité qui a semblé peser sur le ministère de la guerre depuis une dizaine d’années.

Dans tous les pays du monde, le chef de l’armée se détache sur les autres par ce je ne sais quoi d’entier, d’autoritaire, de cassant, qui tient à la profession de l’homme et que tous les parlements supportent, tant c’est affaire de tradition.

Dès qu’un député, sortant des grandes questions financières ou administratives, veut entrer dans les détails du métier, on voit le ministre de la guerre se dresser à la tribune et répondre de sa voix impérative « Cela ne vous regarde pas! »

Or, chez nous, c’est absolument différent.

Depuis dix ans, nous avons une série de ministres comme aucun pays n’en a jamais connu.

Si l’on en excepte un seul, celui du 24 mai, que les civils ont, du reste, brisé au bout d’un an, parce qu’il exigeait leur respect pour l’armée, tous ont eu, avec des caractères différents et des politiques diverses, la même attitude.

L’un, à cause de son âge, l’autre, à cause de ses attaches centre-gauche, celui-ci, par amour du pouvoir, celui-là, pour obtenir une place de sénateur, tous ont paru s’entendre pour habituer l’armée à ramper sous les pieds des civils.

Voilà ce qu’il est juste de redire aujourd’hui. Au moment où un édifice se lézarde et menace de crouler du haut en bas, le devoir est de rappeler ceux qui l’ont ébranlé tout d’abord.

Il est vrai que les premiers démolisseurs donnaient de sourds coups de pioche, tandis que le dernier y va à tour de bras.

Mais, en revanche, il faut reconnaître que les premiers savaient très bien le mal qu’ils faisaient, tandis que le dernier doit être absolument inconscient, son ignorance étant là pour pallier ses fautes.

La général Farre n’a jamais été « un militaire », voilà ce que l’on ne sait point. Lui, qui fait publier les états de service des officiers territoriaux, serait singulièrement empêché s’il lui fallait publier les siens.

Car, s’il trouve que les services d’un Montebello ne suffisent pas pour être chef de régiment, avec un peu de logique, il doit trouver quo ses services, à lui suffisent encore moins pour être chef d’armée.

Le général Farre ne sait pas ce que c’est qu’un peloton, ce que c’est qu’un bataillon, un régiment. ce que c’est que l’esprit du soldat, l’esprit de corps, la discipline morale, l’amour du métier, la foi au drapeau.

Il a toujours servi dans l’état-major particulier du génie, c’est-à-dire dans une branche des services administratifs.

Sa vie militaire s’est écoulée dans la surveillance do travaux d’architecture, dans la confection de devis, de bordereaux de réparations de vitres. etc.

En fait de campagnes, il a tenu garnison à AJger et à Rome, où il ne s’est signalé que par un zèle religieux excessif et par son assiduité auprès du Saint-Père.

On n’a pas souvenance qu’il ait dirigé même des manœuvres de paix.

C’est ce qui fait qu’en étant bien plus dangereux, il est peut-être moins coupable.

Quand le général Gresley destituait d’un trait de plume nos plus anciens généraux pour les remplacer par des politiciens militaires quand il frappait d’honorables officiers qui avaient eu le suprême maiheur de déplaire aux radicaux, quand surtout il acceptait cette chose épouvantable qui s’appelle le droit de réquisition, il savait bien ce qu’il faisait.

Il le savait si parfaitement, que dans ses épanchements soldatesques, il disait « c’est absurde, on désorganise tout, on détruit tout, mais je m’en f. » Je m’en f. c’est-à-dire ça m’est égal de tuer l’armée, pourvu que je reste au pouvoir et que je sois nommé sénateur.

Chaque coup de pioche qu’il donnait sur l’ordre des radicaux, il en prévoyait toutes les conséquences, ce qui ne l’empêchait pas d’agir.

Tandis que le général Farre ne sait pas ! Il casse tout, il bouleverse tout, sans savoir !

Quand les radicaux lui demandent le sacrifice de l’état-major, il dit - la voilà - la territoriale la voilà ! - les bureaux de la guerre. la gendarmerie, les cuirassiers, les tambours … voilà, voilà !

On lui demanderait la suppression des forteresses et des canons qu’il dirait encore : voilà !

Même au point de vue politique, je m’imagine qu’il est presque sincère, c

Comme autrefois alors qu’il était impérialiste et ultramontain, il est resté quinze ans capitaine sans que personne ait reconnu son mérite, et qu’ensuite au septembre alors qu’il est fait républicain il a été immédiatement nommé général de division ; tout naturellement, il a pris en horreur le régime qui « l’avait méconnu », et en passion celui qui lui avait rendu justice.

Dans l’entraînement de sa haine, tout y a passé : comte de Chambord, princes d’Orléans, Empereur, Pape, religion, société en même temps qu’il voyait dans un nimbe d’or, tous les acteurs de là guerre à outrance Faidherbe, Denfert, Bordone, Lipowskl, la Cécilia, le général du roi de Siam, Pipe-en-Boiis, Trouillefou.

Pour lui, ça été désormais la vraie armée ; la vraie France.

On croit que c’est une comédie. Erreur, c’est le cœur humain.

Si de pareils actes ne révèlent pas une nature de premier ordre, ils sont bien marqués au coin de l’humanité.

Le comédien, c’est le spirituel marquis de Gallillet, comblé par les Bonaparte, comblé par M. Thiers, comblé par le maréchal de Mac Manon, par M. Gambetta et passant de l’un à l’autre avec une désinvolture charmante. Mais le général Farre, au contraire, sent bien le vrai. Ce constructeur de casernes, rongé d’une ambition sourde s’agitant dans le vide, ne découvrant personne qui reconnaisse son mérite, allant trouver le pape, allant trouver l’empereur … puis, quand les hasards du flot révolutionnaire l’ont poussé au pouvoir, se prenant de passion pour l’écume qui l’a porté si haut ; se disant « cette écume c’est ma foi ; cette écume c’est ma politique ; cette écume ce sont mes principes » poursuivant sans relâche ceux qui pensent ce qu’il pensait jadis, destituant ceux qui honorent le pape comme il l’honorait, persécutant ceux qui prient Dieu comme il le priait, outrageant ceux qui ont servi l’empereur comme il le servait. C’est bien là le cœur humain !

Mais, tout en reconnaissant sa sincérité, il y a un homme que je ne comprends pas là-dedans : c’est M. Gambetta.

M. Gambetta n’est pas un mécontent, c’est quelqu’un.

Or, que veut-il ?

En laissant M. Farre tout ébranler, tout briser, quel est son but ?

Je comprenais sous le Maréchal qu’il poussât à certaine désorganisation de peur qu’un jour le Maréchal se servît d’une armée trop fidèle.

Mais maintenant qu’il est le maître absolu, maintenant que l’armée est là pour le défendre, quel intérêt a-t-il à la désorganiser?

Est-il bien renseigné ? Sait-il que la révolution règne en bas et le mécontentement en haut ?

A-t-il vu, le jour de la fête, les soldats mêlés aux communeux, hurlant la Marseillaise et le Ça ira.

Sait-il qu’il n’y a plus de tableau d’avancement, plus d’ordre, plus d’ancienneté, plus de justice, plus rien.

Sait-il que beaucoup de colonels veulent partir, ne pouvant surmonter leur dégoût.

Je ne lui demande pas de s’en rapporter à un réactionnaire. Qu’il interroge, qu’il fasse faire une enquête.

Hier, la République, citant les appréciations des monarchistes sur la revue, disait avec quelque raison ; « qu’il était puéril de dénaturer à ce point les événements. »

Cela, je le reconnais sincèrement, j’avoue que la mauvaise foi est le fond même de la politique, que chacun, à droite comme à gauche travestit les faits selon sa passion personnelle.

Je le reconnais, au risque de passer encore une fois pour naïf, car c’est cette naïveté-là qui me vaut la confiance des lecteurs. Mais après avoir répondu franchement, je demanderai la même sincérité à mes adversaires. Je demande sinon à M. Gambetta, du moins à ses fidèles, ce qu’ils pensent de l’orgie militaire du 14 juillet.

Eux qui mieux que personne doivent savoir ce que produit l’indiscipline ; eux lui ont connu pendant la guerre les effets mortels de l’insubordination, qu’ils ne disent ce qu’ils pensent de cette funeste journée.

Ces soldats avinés roulant en compagnie d’anciens communeux, ces sous-officiers mécontents haranguant la foule avec des amnistiés, ces troupes de militaires refusant d’entrer à la caserne, méconnaissant la voix de leurs officiers, insultant les sergents de ville, et quand on les menaçait ; répondant « Nous le dirons à notre ministre ; notre ministre nous défendra. »

Tous ces révoltés en appelant à M. Farre, comme jadis, sous l’Empire, ils en appelaient à Rochefort ou à Félix Pyat.

De sorte qu’il n’y a plus de sédition de caserne où le nom du ministre de la guerre ne soit invoqué, comme jadis on invoquait le nom des communeux.

Eh bien que M. Gambetta dise ce qu’il pense d’un pareil état de choses.

En quoi peut-il être de son intérêt, à lui le maître actuel, de déchaîner l’insubordination dans l’armée?

Si demain les événements se précipitent, si les choses s’exaspèrent, et qu’on veuille faire appel à la force, que fera-t-il devant l’indiscipline qu’il aura lui-même provoquée ?

Lui qui a protégé un Labordère républicain pendant le 16 mai, que fera-t-il quand, à chaque ordre donné, un nouveau Labordère apparaîtra.

Oui, si les gendarmes violant l’asile des dominicains et des frères Saint-Jean de Dieu, si un capitaine dit : « Les magistrats ont jugé contre vous, je suis une baïonnette intelligente, je refuse de marcher. »

Et si, à côté, un autre capitaine requis par le gouvernement contre les audaces de M. Félix Pyat s’écrie : la Commune a été réhabilitée, ses chefs sont rentrés triomphalement, je refuse d’obéir. – Que fera M. Gambetta ?

Certes, ce ne sont pas les soldats qui ont coupables !

Que leur enseigne-t-on ? Quels exemples leur donne-t-on ? Quelle date inscrit-on sur ce monument de la République ?

Des dates de massacres et des dates de sédition militaire 14 juillet 89 – 10 Aout 92 – Février 48 – 4 septembre 70.

On ne leur signale que des journées où le peuple a égorgé d’innocentes victimes, et où les soldats se sont révoltés outre leurs chefs directs.

Pendant que M. Farre sacrifie quiconque ose déplaire à la populace, quiconque ne se montre pas favorable aux communeux et impitoyable aux religieux.

Aujourd’hui même M. Gambetta n’ose-t-il pas dire dans son journal que tout a été admirable le 14 juillet, que c’est précisément dans le spectacle qu’ont donné ces soldats « qu’il trouve l’assurance formelle d’une organisation militaire vraiment nationale, garantissant la France contre les .attaques du dedans et du dehors. »

Ainsi, après ces abominables désordre, reproduits par tous les journaux de la France et de l’étranger, dire cela !

Ainsi, il approuve tout. Voilà le régime dans lequel nous entrons.

Ah si des officiers monarchistes s’étaient jamais permis d’insulter des communeux, s’il avaient violé le domicile d’un cercle radical, ils seraient plongés dans les cachots les plus noirs, leurs chefs rayés de l’avancement, et les colonnes de la République française seraient remplies d’anathèmes contre les coupables.

Mais, que des bandes entières saccagent des cercles catholiques et violent les églises, en compagnie de communeux, c’est bien.

Si demain, un colonel voyant au Havre des amnistiés poursuivis par la foule, prenait leur défense, il aurait de l’avancement ; mais qu’il agisse de même pour des religieux, à l’instant il est révoqué. Voilà où nous en sommes !

Tenez, lecteurs, on s’est réjoui de ce que le 14 juillet s’est passé sans trouble populaire. On a dit que jamais fête n’avait été plus inoffensive et plus joyeuse. Eh bien, je le dis dans mon âme et conscience, combien j’aurais mieux aimé des cris, dés hurlements, des menaces que l’orgie militaire à laquelle nous avons assisté.

Combien j’aurais mieux aimé voir les palais de la Chambre et du Sénat assiégés par la foule, les clubs monarchistes insultés, les journaux réactionnaires outragés. que cette chose monstrueuse le chef de l’armée, le ministre de la guerre, acclamé avec furie par les anciens assassins de la Commune.

Oui, tout plutôt que cela ! Un peuple survit à 92, à 93, aux proscriptions et aux égorgements, parce qu’à travers ces massacres, il conserve l’unité nationale et le sentiment de la patrie ! Mais je ne crois pas qu’un peuple survive à cela.

Il est vraiment temps que cela finisse. Qu’on mette à la guerre le général Clinchant, le général Faidherbe, M. Freycinet qui on voudra, mais il faut que cette orgie cesse.

Saint-Genest

[Saint-Genest était écrivain et journaliste au Figaro. Royaliste et antisémite il s’est distingué aussi pendant l’affaire Dreyfus. « Je crois qu’on ouvrirait le cerveau de Dreyfus, on y trouverait rien d’humain » (article au « Figaro »)]

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