2011. Les enfants de la fille aînée de l’Eglise blasphèment.
Peut-on se permettre en 2011, sans autorisation “paternelle”, de citer, de montrer, de revendiquer Jean Tenenbaum, alias Jean Ferrat, interprète d’Aragon, juif communiste stalinien (repenti) ? [Mon inconnue Art Monica l’a osé avec textes et vidéo et a pulvérisé mon billet.]
Peut-on se permettre en 2011, sans autocritique, de présenter à un public socialisant de Mediapart, le poème Ma France, ma belle, ma rebelle ... une France, celle des travailleurs contre la France de Thiers ?
Peut-on se permettre en 2011, sans explication aucune, de glorifier la France de Ferrat à la place de “Douce France” de Trenet, chanson déposée par l’UMP et Finkielkraut ?
Peut-on se permettre en 2011, sans filtre ni préservatif, de prononcer même indirectement le nom de Robespierre ? Sans être obligé de citer Furet à défaut de BH ?. Delanoë n’a jamais osé baptiser une ruelle ou même une impasse de Paris du nom de l’incorruptible.
Peut-on se permettre en 2011, sans point de réflexion sur les conséquences, de promouvoir des artistes du passé qui assimilaient la responsabilité artistique à la responsabilité politique ? Nom de dieu !
J’espère qu’il n’y aura pas de conséquences sur l'élection programmée de M. Hollande.
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Rien ne choque donc la petite bourgeoisie. Allons-y. Cette fois-ci ça passera. Aragon, Aragon de Ferrat, mon Aragon. « Faut-il ? Il le faut ! » Ferrat parle “du journal que l'on vend le matin d'un dimanche”. Aragon en 1944 parlait du parti dont le journal interdit en 1939 se vendait les années soixante par Ferrat.
Mon parti m'a rendu mes yeux et ma mémoire
Je ne savais plus rien de ce qu'un enfant sait
Que mon sang fût si rouge et mon coeur fût français
Je savais seulement que la nuit était noire
Mon parti m'a rendu mes yeux et ma mémoire
Mon parti m'a rendu le sens de l'épopée
Je vois Jeanne filer Roland sonne le cor
C'est le temps des héros qui renaît au Vercors
Les plus simples des mots font le bruit des épées
Mon parti m'a rendu le sens de l'épopée
Mon parti m'a rendu les couleurs de la France
Mon parti mon parti merci de tes leçons
Et depuis ce temps-là tout me vient en chansons
La colère et l'amour la joie et la souffrance
Mon parti m'a rendu les couleurs de la France
Louis Aragon, 1944
Le parti qui a libéré la France ...
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Mises au point sur mon précédent billet Etre Français.
(1) Ma définition de la nation n’est pas celle que l’on trouve dans les manuels scolaires. Nos philosophes des Lumières ont cristallisé la notion de la nation dans l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert. La nation est définie comme
« une quantité considérable de peuple, qui habite une certaine étendue de pays ; renfermée dans de certaines limites, et qui obéit au même gouvernement. »
Il n’y a aucune référence ni au sang, ni à la culture, ni à la langue, ni à l’histoire, ni à la religion, ni à la peau. Cette définition a permis aux révolutionnaires de 89 d’admettre les Juifs, les esclaves noirs et les protestants comme Français et citoyens à part entière.
La culture : Ma (pauvre) culture n’est pas la votre. J’aime Jean Ferrat et Louis Aragon. Et vous ne les aimez pas. Notre culture n’est pas commune (et alors ?). J’avoue que j’avais comme définition celle d’Isocrate “Grec est celui qui partage l’éducation-culture grecque”. Elle n’est pas mauvaise. Elle est locale. Elle n’est pas universelle, elle n’est pas générique. Celle des Lumières est universelle.
La langue : En 1794, 15 départements seulement sur 83 parlaient exclusivement le français, langue nationale, (3 millions sur 25). Voir la terreur linguistique de Talleyrand et la contre-offensive de Robespierre.
Histoire : Je ne suis pas héritier de Thiers, ni de Pétain. Je me considère héritier (indigne) de la Grande Révolution Française (de portée universelle), de la Commune (de portée universelle), de la Résistance (de portée universelle).
La réligion : Avant Jésus-Christ, il n’y avait pas de France ? Jamais la religion catholique n’a aidé la France à surmonter ses difficultés. Suivant le corpus chrétien “ on ne doit pas prêter avec intérêt ! ” L’institutrice du peuple, Louise Michel, avait remplacé la prière du matin par la Marseillaise. Déportée de la Commune de Paris chez les Canaques, elle disait “nous” en parlant d’eux, et lorsqu’elle s’adressait aux Français, elle disait “votre pays”. Elle était Française !
La peau (la "race") : Paul de Tarse l’a proclamé : “ Il n’y a ici ni Grec, ni Juif ”. Les Roms d’ici, les manouches d’ici, ..., les gens d’ici obéissent au même gouvernement. Ils sont Français.
Le sang : Grâce à l’ADN on connaît petit à petit le degré de “pureté” du sang français.
L’identité nationale est “Bigeard aux Invalides” et “saucisse-pinard d’exclusion”. Laissons l’identité nationale aux autres. Ils n’iront pas loin. Ils finiront à la gare de Montoire.
(2) Je ne comprends pas l’allusion à (Stefan ?) Zweig. En 1933, Romain Rolland écrivait à propos de Stefan Zweig : « Il est trop clair que nos chemins se sont séparés. Il ménage étrangement le fascisme hitlérien qui cependant ne le ménagera pas ... » Revendiquer sa judaïté et se battre contre le nazisme serait à mon sens préférable pour ce grand écrivain.
(3) J’étais inspiré du livre de Zeev Sternhell (Les anti-Lumières) : « L’antirationalisme, le relativisme et le communautarisme nationaliste, ces trois piliers immuables de la guerre aux Lumières et aux principes de 89, remplissent toujours la même fonction : ils mènent campagne contre l’humanisme, les valeurs universelles tant moquées et finalement la démocratie. »
(4) Constitution de 1793. Article 4. Tout étranger qui adopte un enfant ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis à l'exercice des Droits de citoyen français. Imaginer la tête de Besson-Hortefeu-Sarkozy s’ils tombent un jour sur l’Histoire de cette “salope” de France.
(5) Julia Kristeva est un exemple d’une étrangère qui a contribué au prestige de la France au point de mériter la médaille de Sarkozy. Néanmoins, le livre Impostures intellectuelles d’ Alan Sokal et Jean Bricmon est nécessaire pour démonter une certaine mythologie ambiante.
(6) Tous mes billets peuvent être reproduits, modifiés, enrichis, sans mention de l’auteur. Les arguments (s’ils sont justes) comptent plus que l’auteur. Je n’ai aucun titre et je ne souhaite pas en avoir.