Dimitri Latsis

Abonné·e de Mediapart

147 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 janvier 2012

Dimitri Latsis

Abonné·e de Mediapart

Cultivé, doué et intelligent

Dimitri Latsis

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans les classes inférieures, la femme est non seulement supérieure à l’homme,
mais encore elle le gouverne presque toujours.

Honoré de Balzac (1799-1850)
La Cousine Bette, 1846

Un banquier connu a été assassiné par sa « secrétaire sexuelle ». Au cours du procès, fut déballage des moeurs de la classe supérieure. Rien de nouveau. Le banquier du Bois de Boulogne en fait autant. De gustibus et coloribus non disputandum, disaient les latins.

Par contre, ce qui m’a frappé c’est la plaidoirie de l’avocat de la meurtrière du banquier : « Quand on est l’homme le plus cultivé, le plus doué, le plus intelligent, on n’asservit pas, on ne martyrise pas, on ne brise pas une femme. Mais l’amour, est-ce demander de rabattre du gibier sexuel et de le consommer devant sa maîtresse ? C’est d’acheter des espions, de piller les codes secrets des téléphones ? C’est ça l’amour ? C’est lui dire qu’un million, c’est cher pour une pute ? » Propos intéressants. Explicitons les mots.

Cultivé : qui est instruit dans divers domaines. « A l’ESSEC le bizutage est assez bon enfant. En fait, on va au WEI en train disco (un train affrété pour l’école, avec deux wagons transformés en boite de nuit), et les “vieux” nous attendent à la sortie de nos wagons pour nous faire boire moultes et moultes litres de vodka-kas. Rien de beaucoup plus violent. »

Doué : celui qui a reçu un douaire, « la portion des biens qu’un aristocrate réserve à son épouse pour le cas où celle-ci lui survivrait ». Chez les classes supérieures, on dit qu’il est doué lorsque quelqu’un a obtenu son diplôme dans une Grande école sans jamais suivre un cours. Un pauvre n’est jamais doué, sinon doué pour les travaux manuels. La nature dote seulement les riches.

Intelligent : qui est pourvu de la faculté de comprendre. Quoi ? Les Affaires, par exemple. Sartre nous le dira : « Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. Et puis après ? Est-ce que tu t’imagines qu’on peut gouverner innocemment ? » (Les mains sales, 1948, p.200). Un banquier peut perdre sa légèreté mais pas son innocence.

Asservir : Mettre dans une extrême dépendance. A l’université, par exemple, il n’est pas rare de voir une masse amorphe asservie par un maître distingué, doué, intelligent, cultivé. L’esclavage moderne est subtile et bien accepté au sein de la petite bourgeoisie « dite éclairée ». Les maîtres sont forts et brillants, les esclaves sont gentils, dociles et serviables.

Femme : Pour la classe supérieure il s’agit d’un objet sexuel, secrétaire, mère, confidente et cuisinière. Fidélité et richesse exigée. En somme, une ouvrière polyvalente, tout sauf une femme.

Amour : Pour un jeune-cadre-dynamique-européen-de- niveau-international c’est une question métaphysique dont l’aspect physique se réduit au sexe. Au point que Charles Bovary se posa la question pourquoi Emma n’était pas heureuse. C’était la fatalité …

Le banquier en question a été assassiné par sa maîtresse. Elle n’a pas pu supporté les humiliations de son amant.

  • - « Pauvre conne ! »
  • - « T’es qu’une merde ! »
  • - « T’aurais du être gardienne dans un camp de concentration ! »
  • - « Je vais pas te frapper, tu ne mérites même pas ça ! »
  • - « Un million, c’est cher pour une pute ! »

Elle a été condamnée et sortie de prison au bout de quatre ans.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.