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Billet de blog 15 juin 2011

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Le socialisme grec et la Troïka

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le bien-être des pauvres,
des gens du peuple et des classes inférieures
et la multiplication des gens de cette sorte
renforcent la démocratie.
(Constitution d’Athènes, I, IV)

Les Grecs ont découvert une chose : Droite et Socialistes ont pillé le pays. C’est maintenant qu’ils en prennent conscience. Ils ont tout perdu y compris l’indépendance nationale et la démocratie. Dans chaque ministère les hommes de Strauss-Kahn (Mme Lagarde sera-t-elle plus douce ?) règlent les factures et le premier ministre est entouré d’une myriade de conseillers (de meilleures universités de la planète !) grecs et étrangers (le “savoir-faire” européen).

Les Grecs sont assez lucides mais impuissants. Ils réclament la condamnation de tous les responsables politiques depuis 30 ans. Les députés de la majorité ainsi que de la droite sont sous protection policière.

Après les élections de 4 octobre 2009
Le peuple en avait assez de la Droite (5 ans au pouvoir) et ses plans d’austérité. Il a cru aux promesses des socialistes et leur a donné la majorité en octobre 2009 avec 10 points d’avance sur la Droite. Le PS avait promis des reformes. « Il y a de l’argent dans les caisses » avait déclaré M. Papandréou, actuel premier ministre et président de l’Internationale Socialiste. Et les reformes socialistes sont là. Mars 2010, Mai 2010, Juin 2011 les plans d’austérité se succèdent :

Diminution des salaires et retraites 15-30%, augmentation des taux de TVA (13% à 23%), augmentation des impôts et taxes, le smic à 500 euros, l’essence à 1€80, diminution des aides sociales, plan de licenciement du quart des fonctionnaires (remplacement d’un sur dix), arrêt d’embauches au secteur public, démolition du droit du travail, suppressions des droits des salariés, stages reconductibles sur trois ans, précarisation, aucune augmentation de salaire du privé pendant trois ans, privatisation de tout ce qui reste et surtout ce qui rapporte, renforcement du monopole des banques, grosses part aux multinationales françaises et allemandes …

Le chômage est actuellement à 16,2% (40% chez les jeunes), l’inflation à 5,4% et le produit intérieur brut a chuté de 4 %. Réduction de l’ensemble des investissements publics jusqu’à 2015.

La « reforme » socialiste a frappé surtout les ouvriers, employés, retraités et les jeunes.

Le pire pour un peuple c’est la perte de son indépendance et sa souveraineté. Le plan de la Troïka (FMI-UE-BCE) avait ce but. Depuis mai 2010 ce n’est plus le parlement grec qui décide mais les contrôleurs du FMI.

Qu’il me soit permis une anecdote personnelle à propos de l’ex futur président de la république. Lors de la visite de DSK à Athènes, le 28 avril 2010 j’écrivais : « Question de dignité nationale, lors de l’arrivée de DSK à Athènes, aucune femme grecque ne doit participer à la délégation d’accueil. » En France, la Presse de l’oligarchie ne savait pas !

La bourgeoisie
Les patronat grec soutient le gouvernement socialiste à travers Papandréou et le couple Katseli-Arsenis (Princeton, MIT) pour son programme neolibéral de démolition du code du Travail. Le personnel politique de premier plan (premiers ministres, ministres de l’économies, affaires étrangères, …) font partie du club Bilderberg.

Les marchés albanais, roumain, serbe (ouverts par l’OTAN et l’UE) attirent plus les investisseurs grecs que le marché grec.

La flotte marchande grecque est la première dans le monde. Or, les armateurs participent aux impôts moins que les … ouvriers étrangers.

Les entreprises grandes ou petites ne payent pas assez d’impôts. La fiscalité avoisine les 20% contre 45% en France.

La fraude fiscale des classes supérieures dépasse l’imagination.

La petite bourgeoisie
Les couches supérieures de la petite bourgeoisie (médecins, avocats, architectes, notaires, ingénieurs, …) déclarent moins de revenus que les ouvriers. La sous-imposition des privilégiés, en contrepartie de la docilité et du soutien, est une constante de l’après-guerre. La petite bourgeoisie éclairée (professeurs du secondaire, de l’université et les boîtes d’éducation privées sont les meilleurs soutiens du régime.

La corruption
Les journaux mettent chaque jour en lumière la corruption colossale et inhérente au système. Les deux grands partis, PASOK (PS) et Nouvelle Démocratie (Droite) se partagent le pouvoir et surtout les scandales depuis la chute de la dictature en 1974. Commissions occultes, détournements de fonds publics, abus de confiance, trafic d’influence, … sont les thèmes quotidiens des journaux actuellement. La Presse se rattrape après un silence relatif de 30 ans.

Trafic gigantesque contre les hôpitaux publics, de la Sécurité Sociale et le domaine public (y compris par l’Eglise grecque populiste et réactionnaire). La consultation chez les médecins généralistes avoisine les 50 euros (« la petite enveloppe »). Aucune opération chirurgicale ne peut se faire sans « la petite enveloppe ». En France, c’est légal sous le nom « dépassement d’honoraires ».

Corruption importante chez les fonctionnaires. Absence d’organisation d’un secteur public gouverné par des « golden boys » à très hauts salaires et privilèges. La fonction publique est considérée comme le refuse et la sécurité pour la clientèle des hommes politiques du PS et de la Droite.

Le PS est obligé de réviser la loi sur l’immunité parlementaire et promet une enquête sur les revenus des parlementaires (lettre morte bien entendu). Des commissions parlementaires enquêtent sur les scandales politico-financiers. C’est juste pour désamorcer la colère grandissante.

Les dépenses militaires
L’UE et l’OTAN ne garantissent pas la souveraineté grecque sur la mer Egée, d’où la course aux armements nouveaux La France et l’Allemagne sont les principaux bénéficiaires. La Grèce est devenu de protectorat américain, province franco-allemande. Les dépenses militaires sont devenues insupportables (2e budget du monde par rapport au PIB). Les protecteurs (France et Allemagne, ayant substitué les Etats-Unis) réclament sans cesse l’achat d’armes en échange du soutien politique et économique.

L’éducation nationale
La para-éducation privée est importante au détriment de l’éducation nationale. Le nouveau gouvernement autorise l’ouverture d’universités privées pour ceux qui n’ont pas le niveau. Le « marché » juteux de l’ignorance se développe à toute allure pour rattraper le retard. Des classes et des écoles publiques ferment. Pas assez de places en prison …

L’avenir proche
Le contrôle des finances grecques est renforcé en juin 2011 à la demande de l’Allemagne et de la France. On comprend les inquiétudes de ces deux grands pays. Un gouvernement démocratique en Grèce annulerait la dette (« Cette dette n’est pas la nôtre » crie le peuple) ce qui aurait comme conséquence la faillite des banques allemandes et françaises (qui ont accordé trop de crédit par rapport à leurs dépôts et fonds propres) !

Une des conditions exigées par Merkel-Sarkozy est le « consensus » (engagement politique de remboursement de la dette) entre PS et droite. Pour l’instant, il n’y a que l’extrême droite (qui réclame un gouvernement d’union nationale) et le PS qui sont d’accord. La droite classique, principale responsable du désastre économique, quoique européïste, pourrait jouer la carte américaine. Elle veut renégocier la dette.

Les néolibéraux se vantent : « Depuis qu’il y a l’Europe, il n’y a pas de guerre ! ». Pourquoi faire une guerre, si on peut piller les pays sans ? Des Pétain on en trouve encore.

Dans l’état actuel des choses, il n’y a aucune alternative électorale autre que Droite ou PS. Le PC est à 9-11%, les radicaux sont divisés à moins de 6%, le mouvement écologique presque inexistant à 2%. Le PS, la Droite et l’extrême droite totalisent plus de 80%. Une forte abstention est apparue aux élections municipales et régionales de novembre 2010 (Le PS et Droite ont emporté presque la totalité des postes de conseils municipaux, conseillers régionaux).

Le peuple râle dans son coin. Il y a eu des manifestations importantes, signe de rejet des mesures prises par le gouvernement socialiste et la Troïka. Il y a aussi des satisfaits : le patronat et l’ensemble du « grand capital » grec, l’Union européenne, le FMI et les banques françaises et allemandes.

Suite à l’appel de Madrid, depuis 19 jours chaque soir à la place de la Constitution des milliers d’Athéniens manifestent. Les slogans :

Voleurs,
Partez,
Nous sommes réveillés,
Démocratie réelle maintenant,
La dette n’est pas la nôtre,
On ne paiera jamais,
Peuples de l’Europe soulevez-vous,
Contre le memorandum FMI,
Contre la pauvreté,
Nous restons jusqu’à ce qu’ils s’aillent, …

La dénonciation des alliances catastrophiques (Union européenne, OTAN) seront pour plus tard.

* * *

Destin tragique pour le peuple qui a inventé la démocratie.

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