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Billet de blog 5 février 2014

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Enfin, on va à l'essentiel

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Enfin ! En donnant à l'historien Philippe Minard l'occasion de parler de l'édition, si tardive, en français de l'ouvrage d'Edouard Thompson "Whigs and hunters. The origin of Black Act", Médiapart, via Joseph Confavreux, permet d'aborder la cause essentielle de la dérive de notre civilisation : la primauté irrationnelle et tragique du droit de propriété sur tous les autres droits fondamentaux.

Le rappel du "Code Sanglant" et la démonstration qui suit sont imparables. De plus, Philippe Minard a pour présenter l'ouvrage de Thompson une expression simple et d'une admirable pertinence : plutôt que de reprendre le mot "libéralisme", dont l'usage est littéralement obscène pour décrire la façon dont l'aristocratie britannique a férocement, par la peine de mort, privé les populations de profiter des "biens communs" de la forêt et des espaces naturels ( gibier, bois mort, etc.) il utilise cette expression : individualisme possessif.

L'individualisme possessif est effectivement le fondement de tous les actes légitimes selon le Droit actuel régissant les échanges. C'est lui qui a également fondé la poursuite par le capitalisme, au 18ème siècle - et jusqu'au milieu du 19 ème siècle aux USA ! - de l'esclavage que ne pratiquaient plus, à la Renaissance, que les civilisations "non évoluées". Un comble ! Mais, selon le droit de l'époque, la suppression de l'esclavage fut une énorme atteinte au Droit de propriété, et c'est pourquoi la France Napoléonienne, puis sous la Restauration, la monarchie de Juillet et le Second Empire, exigea et obtint de Haïti le paiement de cette rente de rachat des esclaves pendant des dizaines d'années. Rente ignoble qui épuisa la population et ruina le développement économique. C'est bien, si l'on peut dire bien, le rachat des esclaves qui explique largement la très grande pauvreté actuelle de Haïti en comparaison des nations voisines de l'arc des iles du Tropique.

Nous voyons alors très clairement l'enjeu des débats actuels sur la dette et sur les politiques économiques. Oui, nous pouvons rationnellement dire que la politique économique menée en Europe et en France nous mène à la ruine. L'individualisme possessif soutenu par une législation perverse recommence, comme au 18ème siècle en Angleterre, le processus de privatisation, d'exclusion des pauvres, d'alimentation des conflits civils et internationaux. Cela s'appelle aujourd'hui "réformes", "plans d'ajustement", "privatisation", etc. Après le Tiers-monde, on les voit à l'oeuvre en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie. En France, c'est imminent, et inéluctable en raison des règles actuelles.

Notre gouvernement, imbécile larbin des possédants, ose parler de "politique de l'offre" en oubliant simplement que dans tout bilan, il y a actif et passif, et que sur tous les marchés, il y a offre et demande ; qu'en conséquence, une politique de l'offre ne peut réussir que s'il y a aussi politique de la demande. (Le contraire est également vrai : une politique de la demande ne peut réussir que s'il y a aussi une politique de l'offre. Voir l'échec de la relance par la consommation en 81-83) Vouloir relancer l'activité économique sans avoir, simultanément, un projet de progrés social et de hausse des salaires ne peut que conduire à l'accroissement des inégalités avec ruine de la majeure partie de la population.

L'idée selon laquelle l'enrichissement des plus riches est bénéfique à tous est absurde, et totalement contredite par l'Histoire. En effet, à quoi a servi en Espagne l'afflux gigantesque de l'or et de l'argent des Amériques ? L'Espagne, dont l'Aristocratie devint d'un coup la plus riche de toute l'Europe ( "Il est l'or, Monsignor...") s'est développée ? C'est exactement le contraire qui arriva : l'or s'évapora en dépenses somptuaires, tant que l'augmentation des prix par afflux de "liquidité" ruina paysans et artisans...

J'abrège : aujourd'hui, pour tenir en équilibre offre et demande, il faut renoncer aux soi-disant droits des créanciers. Car une grande partie de la dette est illégitime, n'étant pas fondée sur un service rendu ou la réalité d'un bien cédé, mais seulement sur un rapport de force appuyé sur un droit de propriété supérieur à tout autre droit. Et il faut aussi démolir la spéculation foncière et immobilière, cette hausse imbécile des prix de l'immobilier supérieure depuis tant d'années à l'inflation réelle. Et c'est l'absolu obscène du droit de propriété qui fait que l'on expulse hors de chez elles des familles  à cause d'impayés de loyers dont le niveau ne dépend pas du service rendu, mais du service de la rente spéculative, foncière et immobilière. Des enfants dans la rue ! Merde ! Nous devrions TOUS avoir honte.

Oui, il faut faire une révolution. Et celle-ci doit commencer par le remplacement du droit de propriété par des droits d'usages définis selon les droits fondamentaux de toute personne humaine. Et cesser de parler de "libéralisme" alors qu'il ne s'agit que d'un individualisme possessif, infantile, agressif, totalement névrotique. Une obscénité. 

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