Certains aspects des élections peuvent se comparer à un tournoi de foot : plusieurs équipes entrent en lice, et à la fin une seule gagne. Joie et déception se partagent alors entre les supporters. Mais ici, une énorme différence se fait jour : à la fin du match, la vie reprend son cours habituel, tandis que les élections débouchent sur des changements très concrets au quotidien. Tant que ces changements impliquent différents niveaux de confort, nous pouvons être satisfaits ou insatisfaits du résultat, et cela fait partie du jeu démocratique.
Il en va tout autrement quand les conséquences du résultat engendrent de la souffrance pour la plus grande partie de la population. Même si les institutions sont respectées, rien ne peut justifier, dans l’esprit de la loi, qu’une minorité opprime la majorité. Car il s’agit bien de souffrance, qu’elle soit physique, par la faim ou le froid, ou les conditions de travail par exemple, ou psychique par l’humiliation ou le harcèlement.
Il est bien entendu possible d’ignorer ces souffrances, il est possible de les nier, et il est même possible d’en rejeter la responsabilité sur ceux qui souffrent ou de la justifier par la mythologie du « mérite ». Mais il n’est pas possible de la supprimer par la seule magie de ce discours. Ce genre de discours contribue même à l’augmenter.
Même si la loi le permet, il n’est pas défendable moralement qu’une minorité s’enrichisse au détriment de la majorité, il n’est pas défendable qu’un cercle restreint d’individus détiennent le pouvoir politique, le pouvoir médiatique et le pouvoir économique. Nous avons là les ingrédients de toutes les dérives qui conduisent inévitablement au délitement d’une démocratie et à la souffrance du plus grand nombre. L’omerta des principaux médias sur la tribune de 300 économistes réputés soutenant le programme de la NUPES, les anathèmes non argumentés de la majorité présidentielle couplés aux refus obstinés de débat en sont la triste illustration.
Chacun est libre de ses opinions. Mais cette liberté ne confère pas le droit moral de cautionner la violence sociale, les mensonges et le déni démocratique. L’ignorer, c’est prendre la responsabilité de créer le chaos. Régler le chaos issu des injustices par la répression brutale est peut-être efficace d’un point de vue pragmatique, mais est éthiquement condamnable.