disanto
Humaniste
Abonné·e de Mediapart

13 Billets

0 Édition

Billet de blog 25 mars 2023

disanto
Humaniste
Abonné·e de Mediapart

Cachez cette violence que je ne saurais voir

Les chiens de garde s’érigent en garants de vertu (et du capitalisme), sûrs d’être les uniques détenteurs de la morale. Lorsqu’ils interrogent quelque syndicaliste ou élu de l’opposition (de gauche), ils demandent de condamner les violences (des manifestants). Cette tartufferie crasse est devenue insupportable, elle est encore une violence supplémentaire.

disanto
Humaniste
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les chiens de garde patentés s’érigent en garants de vertu (et du capitalisme), et nous les voyons consciencieusement aboyer, sûrs d’être les uniques détenteurs de la morale. Lorsqu’ils interrogent quelque syndicaliste ou élu de l’opposition (de gauche), ils commencent par montrer les crocs et demandent plus ou moins implicitement de condamner les violences (des manifestants, bien sûr). Un sophisme sous-jacent guide leurs questions : si vous ne condamnez pas la violence, vous l’approuvez, et puisque vous l’approuvez vous menacez la démocratie, donc vous n’êtes pas démocrates, donc vous représentez le mal et donc vous êtes illégitimes. Habituellement la réponse qui suit est : on avait prévenu M. qu’avec sa réforme, il y aurait des réactions dont il est le seul responsable. Bon, c’est déjà pas mal. Mais ça m’énerve.

Ça m’énerve parce que c’est une réponse bien gentille et qui esquive la réalité. La réalité est que les violents, c’est eux, et que M. est ultra-violent. Quand il y a près de mille morts d’accidents du travail chaque année, c’est très violent. Mais personne, parmi ces gens-là, ne s’insurge. Quand un quart des travailleurs pauvres meurent avant 62 ans, et que repousser l’âge du départ légal à la retraite à 64 ans augmentera mécaniquement leur nombre, c’est très violent. Mais pour eux, cela semble normal. Que des millions de travailleurs, avant de mourir, aient souffert toute leur vie de maltraitance au travail par perte du sens et par humiliation, au point que certains en arrivent à se suicider, c’est très violent. Mais cela ne vaut même pas qu’on en parle. Qu’il existe des gens qui travaillent mais ne peuvent pas offrir ne serait-ce que deux repas par jour à leurs enfants, c’est très violent. Mais le scandale, l’inadmissible, vient de ce qu’ils ne payent pas la cantine. Quand la casse sociale plonge des millions de gens dans la misère, c’est très violent. Mais cela se fait au nom de l’intérêt supérieur de l’Économie. Parce que tout cela, dans leurs arguties, c’est au nom de la démocratie, du mérite individuel, etc. Les pauvres sont les seuls et uniques responsables de leur malheur, c’est bien connu.

Par contre, quand tout cela est devenu invivable, et que cela engendre quelques vitrines brisées ou taguées, quelques poubelles incendiées, horreur ! On s’insurge, on crie au factieux, on intime de condamner.

Et quand les policiers voyous (et leurs responsables hiérarchiques) agissent contre la loi et commettent d’intolérables exactions pour limiter le nombre de manifestants, on observe un silence religieux (position qui va vite devenir intenable, j’espère). Quand leur attitude illégale met la démocratie en danger, quand on réprime les opposants politiques, on laisse entendre que ces manifestants l’avaient bien mérité. Et quand les violences policières sont dénoncées, on se récrie, outré, que cela n’est pas possible dans un état de droit.

Cette tartufferie crasse est devenue insupportable, elle est encore une violence supplémentaire. La réponse ne peut pas être : c’est Monsieur Macron qu’a commencéééé. La réponse est : des vitrines brisées ou des poubelles incendiées, ce n’est rien face aux milliers de vies volées, aux millions d’existences lacérées, ce n’est rien face à la démocratie bafouée. Les vrais casseurs, c’est vous ; la violence, c’est vous ; le mal, c’est vous.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte