Exportations vers l'Algérie, gare au syndrome d'Isigny
Djamel BELAID 24 septembre 2025
En France, nombreux sont les exportateurs de produits alimentaires vers l'Algérie qui se plaignent de difficultés. Plusieurs produits sont concernés : blé, poudre de lait, bovins. Les exemples sont nombreux, certains de ces exportateurs sont victimes d'un syndrome : le syndrome d'Isigny.
Le syndrome d'Isigny
On reconnaît ce syndrome à plusieurs symptômes. Parmi ceux-ci : une impatience suite à la stagnation des exportations vers l'Algérie, voire leur diminution ou leur quasi disparition. L'impatience se transforme ensuite en énervement et alors le discours des exportateurs frustrés comporte des références relatives à « l'Accord d'association entre l'Union européenne et l' Algérie » ou de « liberté d'échanges ». Plus grave comme symptôme, l'accusation comme quoi l'Algérie est dans « l'illégalité ».
Pourquoi, parler d'un syndrome d'Isigny ?
Coopérative d’Isigny, l’export avant tout
Car, la stratégie de la coopérative laitière d’Isigny Ste Mère est basée sur l’export.
En juin 2023, à l’occasion de son départ à la retraite, Daniel Delahaye un responsable de la coopérative témoignait : « J’ai mis les pieds, ici, il y a 49 ans ». Dès 1981, il indiquait avoir vu tout l’intérêt de miser sur l’export.
Il poursuivi : « J’ai vendu le premier kilo de beurre à l’export. C’était en Angleterre », se souvient-il. Ce pays deviendra le premier marché européen d’Isigny Ste Mère. Puis il ajoute : « C’était la poule aux œufs d’or, il y a vingt ans », rapporte le quotidien Ouest-France.
À partir de 1990, la coopérative se lance dans l’exportation de lait infantile. Dès 2010 un contrat avec la Chine lui permet de nourrir quotidiennement plus de 2 millions de bébés.
La presse parlera « d’eldorado chinois » à propos de ce contrat. La coopérative exporte aujourd’hui ses produits dans 150 pays et à l’été 2024, elle figurait dans le palmarès des « 75 champions français de l’export » du mensuel l’Usine Nouvelle.
À Isigny, près de deux vaches sur trois travaillent pour l’exportation. Et la coopérative est en tête concernant le prix du lait payé aux éleveurs. En 2021, lors d’une assemblée générale, un adhérent s’exclamait : « Pourvu que ça dure », souligne Ouest-France.
Isigny, l'Algérie dans le viseur
Problème pour la coopérative, cela n'a pas duré. Du moins concernant le marché algérien. Le président de la coopérative a indiqué en février dernier qu’avec l’Algérie « tout est fermé, alors qu’il y a pourtant un accord de libre-échange entre l’Algérie et l’UE ». Puis d'asséner : « c’est illégal ».
C’est le quotidien La Presse de la Manche du 11 février qui rapporte les propos d’Arnaud Fossey, éleveur et président de la coopérative d’Isigny Ste Mère.
Puis le président a accusé : « Avec l’Algérie, tout est fermé, alors qu’il y a pourtant un accord de libre-échange entre l’Algérie et l’UE, donc c’est illégal ». Quant à Daniel Delahaye, l’ancien directeur général (DG), il a ajouté : « On a des problèmes avec l’Algérie à peu près tous les dix ans ».
Partenariats, connaît pas
À Isigny, près de deux vaches sur trois travaillent pour l’exportation. Des partenariats avec les gros client ? Ils ne semblent pas exister apparemment.
La coopérative ne semble laisser aucune place à des partenariats à l’image de ceux noués en Algérie par des entreprises françaises telles Danone, Lactalis, Sodial ou Bel. Ou à l'image du programme Alban de 2014 entre Bretagne International et les services agricoles algériens.
A travers le mot d'ordre « Taghliss fatouratte el istirade » pour réduction de la facture des importations l'Algérie de 2025 tente de réduire sa dépendance aux hydrocarbures. Ne pas en tenir compte est source de désagréments. La coopérative d'Isigny en a fait les frais. Au Space de Rennes, un responsable de la FNPL parlait récemment d'une perte d'un marché de 2 000 tonnes de poudre de lait.
Avec bientôt 50 millions de consommateurs l'Algérie restera toujours dépendante en poudre de lait. L'intelligence serait de développer des partenariats win-win.